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Mohammed Lahlou : «Il faut retrouver l’équilibre entre l’offre et la demande»

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Entretien avec Mohammed Lahlou, directeur général de l’agence immobilière Carrefour Sakane

Le marché immobilier marocain pâtit depuis longtemps d’une crise conjoncturelle assez complexe. La crise sanitaire n’a fait que l’affaiblir davantage, freinant l’élan d’un secteur transverse et fragile. Depuis le déclenchement de la pandémie, les transactions ont considérablement chuté et les bureaux de ventes pratiquement désertés. Aux dernières statistiques fournies par Bank Al-Maghrib, les transactions immobilières ont fléchi de 56,1% à fin juin, couvrant ainsi une baisse de 55,3% pour le résidentiel, 59,1% pour les terrains et 57,2% pour les biens à usage professionnel. Mohammed Lahlou, sous sa double casquette de directeur général de l’Agence Carrefour Sakane et d’ex-président fondateur de l’Association marocaine des agences immobilières (AMAI), nous rapproche de la réalité du marché et décrypte la conjoncture.

ALM : Comment les agents immobiliers vivent-ils cette conjoncture particulière ?

Mohammed Lahlou : La pandémie est venue aggraver la crise qui a commencé à surgir depuis près de trois ans dans le secteur. Les ventes ne sont pas au beau fixe et de facto les agences immobilières souffrent davantage de ce contexte inédit.

Qu’est-ce qui fait que cette crise accentue davantage les maux du secteur immobilier ?

Certes, la crise sanitaire est une évidence, mais il y a un bon nombre de facteurs à évoquer. Citons en premier le taux d’intérêt des banques qui reste excessivement élevé. Malgré les mesures d’assouplissement introduites par Bank Al-Maghrib, en l’occurrence la réduction du taux débiteur et le déblocage des réserves obligataires, le taux d’intérêt tourne toujours autour de 4,3%. Le deuxième élément à mettre en relief est l’apport personnel. Les futurs acquéreurs sont actuellement dans l’incapacité de financer l’apport du bien. D’autant plus que les banques ne financent pas à 100% le prix de vente, sachant que cela était possible auparavant. A cela s’ajoute le pouvoir d’achat qui n’évolue pas, sans parler de l’absence d’un produit adapté à la classe moyenne.

Comment se présente le marché actuellement ?

L’offre est supérieure à la demande. Nous nous retrouvons avec des stocks énormes du fait que les banques qui financent n’ont pas une vision claire sur les projets. On n’étudie pas le secteur et par conséquent on se retrouve avec un marché inondé et évidemment la demande ne suit pas.

Sur quel segment cette abondance d’offres est-elle la plus prononcée ? Et à combien est estimé le volume disponible?

C’est surtout pour le résidentiel neuf. Malheureusement, nous n’avons pas de statistiques conformes qui peuvent nous donner une idée sur le volume des stocks. Et comme les promoteurs n’externalisent pas la vente du neuf, les agents immobiliers ne peuvent contrôler ce segment. Nous constatons par ailleurs une baisse qui avoisine les 10% pour les transactions du résidentiel neuf. C’est évident du fait que les futurs acquéreurs, compte tenu de la crise que nous traversons, n’ont pas de visibilité par rapport à l’acte d’achat.

Qu’en est-il de la deuxième main ?

Le repli des ventes sur ce segment a atteint jusqu’à 15%. Malheureusement il n’y a pas de preneur à ce niveau. Il s’agit après tout de bien de 15 à 20 ans d’existence. Si quelqu’un l’achète il va rénover. Il va donc se retrouver avec 10 à 15% de frais supplémentaires. D’autant plus, la deuxième main n’est pas tellement adaptée. Suite au confinement les gens cherchent plus d’espaces et ces biens généralement ne disposent pas de balcons ou encore de terrasses.

Quelles sont selon vous les pistes de sortie de crise ?

A mon avis il faut attendre encore deux années mais, entre-temps, il faut apaiser la production. Plus on produira, plus le stock sera difficile à écouler. Il faut retrouver l’équilibre entre l’offre et la demande. Le Marocain a droit au logement. C’est un besoin vital qui est souligné dans la Constitution. Nous devons lui garantir un logement avec des conditions adaptées à son environnement et son pouvoir d’achat.

Quelle place occupe la location dans toute cette sphère ?

Le marché de la location est, actuellement, demandeur. Il a pris une place prépondérante dans le secteur de l’immobilier.
Pour illustrer : un jeune cadre n’ayant pas d’apport personnel et avec un pouvoir d’achat choisira certainement de louer le temps d’avoir une vision claire sur son avenir.

Les propriétaires sont-ils réceptifs à cette demande ?

Ils sont plutôt réticents. Le problème de confiance ressort encore une fois. Cela fait près de trois ans que j’ai recommandé d’instaurer une assurance sur les loyers impayés. Chose qui n’a pas été faite. A l’époque où j’étais président de l’Association marocaine des agences immobilières (AMAI) j’ai pris contact avec les compagnies d’assurance pour examiner la possibilité de couvrir le risque d’impayés des loyers pour les bailleurs. Et du moment qu’il n’y a pas de texte de loi approprié, les assureurs ne peuvent courir ce risque. Donc, l’Etat doit mettre en place un cadre juridique pour redonner confiance aux propriétaires.
Et si demain une loi est promulguée, les assureurs doivent se mettre à l’esprit qu’ils ne sortiront pas perdants. Outre le cadre juridique, il y a également un autre modèle à mettre en place. Pour les gens qui ont perdu leur travail et sont dans l’incapacité de payer leur loyer, l’Etat devrait leur créer un fonds de garantie pour une période déterminée. Ce mécanisme garantira le loyer impayé aux bailleurs qui ne vivent que de ce revenu. Cela pourrait être un élément de relance.

Quelles sont vos autres propositions pour la relance ?

Les banques doivent revoir pas mal de dispositions, en l’occurrence leur politique de distribution de crédit et le taux de charge des crédits. Elles doivent également essayer d’avantager les régions où il n’y a pas d’implantation et accompagner les promoteurs en difficulté. Comme il est connu des professionnels, une dation en paiement est actuellement appliquée permettant au promoteur de remplacer sa dette par la cession d’une partie de son bien. Ce stock dont disposent les banques doit être externalisé pour redynamiser le marché. Pour stimuler la demande, je propose également une exonération de la TVA pour les acquéreurs car elle n’est pas récupérable et par la même occasion suspendre le droit d’enregistrement pour au moins une année pour ne pas incomber de frais supplémentaires aux futurs acheteurs. La loi de Finances 2021 devrait intégrer ces modifications.

Où en est la réglementation de la profession d’agent immobilier ?

Le projet de loi qui réglemente la profession est en cours. Il faut qu’il voie le jour. On ne veut pas rester dans l’informel et vivre dans l’anarchie totale. Nous voulons des interlocuteurs réglementés pour relever le défi.

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