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Sauver l’architecture

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Aujourd’hui Le Maroc : Quel bilan faites-vous de la journée de l’architecte célébrée dernièrement à Tanger ?
Omar Farkhani : C’était une réussite. C’est un événement qui a connu une affluence de 800 architectes, c’est-à-dire près du tiers de ce corps professionnel. Ne serait-ce que par rapport au nombre, l’événement a été un franc succès. Nous avons ouvert le débat concernant un sujet d’actualité qui se pose avec insistance, à savoir la libéralisation. Pour ce qui est de l’absence évoquée des officiels, les ministres attendus ont été retenus à Ouarzazate pour les Assises du tourisme inaugurées par SM le Roi Mohammed VI.
La dernière journée a ainsi amorcé les débats sur les défis de la libéralisation des services en 2010. Un sujet qui, de l’avis de plusieurs concernés, a été traité avec beaucoup de retard. Qu’en est-il au juste ?
Il y a quatre années déjà, juste après la signature des accords de Barcelone, une journée nationale de l’architecte a été organisée dans les locaux de l’Ecole nationale d’architecture (ENA) sur le thème de la mondialisation.
L’objectif était de sensibiliser les architectes aux impératifs de l’ouverture. Mais à l’époque, nombreux sont les architectes qui ont alors exprimé leur scepticisme quant à l’opportunité de ce thème, très éloigné de leurs préoccupations du moment. Ils n’étaient pas encore prêts à discuter de ce sujet qui interpelle toute la société marocaine. Il fallait donc attendre avant d’organiser une autre grande manifestation consacrée à ce thème.
Et pourtant, les architectes qui étaient présents à Tanger le 14 janvier dernier sont restés sur leur faim, estimant que le sujet n’a pas été traité dans sa globalité ?
Cette frustration est une preuve que l’objectif de la journée nationale de l’architecte a été atteint et que les professionnels sont aujourd’hui sensibilisés aux enjeux de l’ouverture. Le 14 janvier dernier, nous n’avons pas senti l’indifférence d’il y a quatre années. De ce point de vue, je trouve que la journée a réussi. Mais il serait naïf de penser qu’une journée d’étude pourrait trouver la solution à un problème aussi coriace. La libéralisation, dans un pays économiquement fragile comme le Maroc, n’est certainement pas un avantage, a priori. Pour faire face à la situation, deux alternatives : la première serait d’adopter une attitude fataliste qui inhibe les volontés.
La seconde serait une réflexion profonde pour essayer d’en tirer le meilleur parti. Et c’est cette dernière attitude que nous avons adoptée au sein du Conseil national de l’ordre des architectes. Evoluer nos atouts et nos handicaps et en tirer le meilleur parti possible dans un esprit conciliant et volontariste.
Comment pourrait-on tirer profit d’une libéralisation que beaucoup prennent pour un danger ?
Si actuellement, au Maroc, nous craignons la lourde logistique et la puissance financière des cabinets étrangers, ces derniers sont également inquiets. Ils ont eu la même formation que les architectes marocains et fournissent les mêmes prestations mais à des prix plus élevés. Par ailleurs, les Marocains possèdent une grande maîtrise des arts et métiers traditionnels disparus en Occident mais toujours vivants chez nous. Par exemple, les Espagnols sont demandeurs de ce savoir-faire utile pour la préservation et la restauration du patrimoine architectural andalou notamment. En tout cas, le mot d’ordre est d’aller aux devants de la libéralisation. C’est à ce niveau où l’action de l’ordre prend de l’importance. L’échéance 2010 est importante dans la mesure où le Maroc est un marché qui intéresse beaucoup de pays, européens notamment. Il ne manquerait donc pas d’attirer les investissements étrangers, à même de dynamiser le secteur.
Pensez-vous que la profession est prête pour relever ce défi ?
Actuellement, elle ne l’est certainement pas. Depuis 25 ans, le champ économique architectural a connu de profonds changements, notamment le désengagement profond de l’Etat du secteur en tant que pourvoyeur de projets, alors que le nombre d’architectes n’a cessé d’augmenter. Par ailleurs, la concentration de la production immobilière privée entre les mains de principaux grands promoteurs et par suite de quelques architectes, réduit la possibilité d’action pour les autres. A cela s’ajoute la concurrence déloyale des architectes qui vendent les signatures de complaisance pour les petits projets (villa, R+2…) comme pour les grands projets touristiques par exemple. Actuellement, 1600 architectes existent au Maroc et leurs conditions est loin d’être satisfaisantes. Il n’y a qu’à voir les résultats d’une étude qui a été menée il y a de cela près de quatre années. Cette dernière estime que 70 % des architectes ne disposaient pas de coursiers à leur service alors qu’ils sont près de 30% à ne pas avoir de secrétaire. Et ce n’est pas tout.
La moitié des architectes faisaient un chiffre d’affaires de moins de 200.000 dirhams par année. Leur revenu net mensuel est donc inférieur à 5000 dirhams. Dans la même optique, l’étude a signalé que seul 2,7 % des cabinets d’architectes font un chiffre d’affaires de plus d’un million de dirhams. Ce n’est pas avec ce corps profondément sinistré que l’on peut affronter aujourd’hui la mondialisation.
Comment pourrait-on aider les architectes à affronter les défis de la libéralisation ?
Parallèlement à une réflexion profonde, il est judicieux de se pencher sur les expériences étrangères en la matière. La coopération avec les instances ordinales étrangères est, à mon sens, un moyen de nous aider à faire face à l’échéance 2010.
Une coopération win-win où tout le monde est gagnant. L’expérience de l’ordre des architectes espagnols est intéressante à ce sujet puisqu’en 1986, ils avaient les mêmes appréhensions par rapport à leur ouverture sur les architectes européens. Appréhensions qui se sont révélées infondées par la suite. Il n’existe pas de solutions miracles.
L’Etat doit mettre à la disposition de l’ordre des architectes les outils juridiques lui permettant d’exercer pleinement ses prérogatives. Il doit renforcer l’ambition morale et les moyens matériels de l’ordre afin qu’il puisse jouer son rôle de régulateur et d’animateur de la profession. Le regroupement des architectes est également à prôner pour constituer une force de frappe beaucoup plus importante.

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