Feuille de route Entre digitalisation, éducation financière et innovation, une nouvelle feuille de route de l’inclusion financière se trace au Maroc. La nouvelle mouture, en cours d’élaboration, vise à renforcer l’accès équitable et l’usage effectif des services financiers sur l’ensemble du territoire. Les grandes lignes de la deuxième phase de la stratégie nationale ont été données lors d’une conférence-débat organisée par Aujourd’hui Le Maroc. Retour sur les temps forts de ces échanges.
Le Maroc s’apprête à franchir un nouveau cap dans la mise en œuvre du chantier dédié à l’inclusion financière. Une nouvelle version de la stratégie nationale est en cours d’élaboration marquant ainsi la deuxième phase de cette stratégie alignée aux Objectifs de développement durable (ODD). Un avant-goût de cette nouvelle feuille de route a été donné lors d’une conférence-débat organisée, lundi 28 avril à Casablanca, par le Quotidien Aujourd’hui Le Maroc. Une rencontre où des acteurs de l’écosystème financier ont engagé la réflexion autour de la démocratisation des services financiers et des enjeux économiques et sociaux à relever. L’objectif étant de mettre en lumière les efforts déployés depuis des décennies pour passer d’une simple bancarisation à une inclusion financière plus large englobant des services divers à fort impact social et économique. Les échanges ont également permis de souligner les défis rencontrés sur le terrain, notamment en matière d’accès, de confiance et de compréhension des outils financiers. Ils ont par ailleurs mis en avant l’importance de l’éducation financière pour favoriser l’adoption des services financiers, en particulier dans les zones rurales et auprès des populations les plus vulnérables.
Cap sur la massification des services financiers et la digitalisation
La deuxième phase de la stratégie nationale de l’inclusion financière s’appuie, en effet, sur un bilan approfondi de la première version lancée en 2019 et qui visait à assurer un accès équitable à des services financiers diversifiés, notamment en réduisant les écarts entre les différents segments de la population. «Un comité stratégique aura lieu la semaine prochaine en vue d’étudier les méthodes proposées pour la fixation des objectifs. Il est ainsi question de voir si l’on va adopter les procédés de la première phase et s’aligner sur les pays comparables ou bien appliquer une nouvelle méthode. Tout dépend des orientations du comité stratégique et de la décision du Conseil national d’inclusion financière», indique Ibtissam El Anzaoui, adjointe à la responsable de l’entité en charge de l’inclusion financière et développement durable au sein de Bank Al-Maghrib. Se référant à Mme El Anzaoui, le bilan de la première phase de la stratégie, pilotée par la Banque centrale en partenariat avec l’ensemble des opérateurs financiers de la place, laisse apparaître des progrès significatifs en termes d’accès et de pénétration des comptes. Selon les indicateurs disponibles, le taux de pénétration de compte est ainsi passé de 29 % à 44 % en 2023.
De même, des gaps ont été réduits, notamment entre les genres (2 %). On note ainsi une proportion de 25 % des comptes bancaires détenus par les femmes en 2023 contre 23 % au lancement de la stratégie. Les écarts pour les jeunes se sont pour leur part résorbés de 6 %. Des chiffres qui ont été salués à l’international, notamment par la Banque mondiale qui suit de près son exécution de cette stratégie. Toutefois, des défis restent à relever, notamment le renforcement de l’utilisation des services financiers qui reste limitée et confrontée à plusieurs freins.
Telle qu’elle est pensée, la deuxième phase de la stratégie nationale d’inclusion financière incarnera une vision réaliste et ambitieuse tout en capitalisant sur les opportunités de la transition numérique, les synergies entre acteurs et partenariats innovants. Elle aura ainsi pour mot d’ordre la massification de l’utilisation des services financiers ainsi que l’innovation digitale. «Nous ambitionnons à travers cette nouvelle feuille de route de stimuler l’innovation en capitalisant sur la digitalisation et le développement des fintechs sans oublier les partenariats avec les acteurs clés et porteurs de projets gouvernementaux », peut-on retenir de Mme El Anzaoui. Et de préciser : « Notre objectif est d’aller au-delà de la pénétration de comptes et massifier l’usage des services financiers innovants pour avoir une bonne santé financière, atteindre une inclusion sociale et économique et renforcer la résilience, notamment face aux changements climatiques ».
En termes de massification d’usage, il est question d’explorer de nouvelles réglementations pour saisir les opportunités offertes, notamment en termes d’open banking et de cryptoactifs tout en veillant à la sécurité d’usage et à la protection des données personnelles. L’accélération de la transformation digitale du secteur a mis en évidence la nécessité d’adapter les usages et les rendre plus flexibles. Des avancées significatives ont été atteintes dans ce sens, en l’occurence les ouvertures des comptes à distance ainsi que le recours de plus en plus fréquent au Mobile Banking. Un segment qui est de plus en plus visible sur les portefeuilles des opérateurs. A titre d’exemple, 46 % des transactions qui s’opèrent au niveau d’Al Barid Bank passent, actuellement, par le Mobile Banking alors que ce ratio ne dépassait pas les 2 % en 2016. Pour mener à bien cette transition et permettre à tous les segments de la population de tirer profit des services financiers digitaux, la deuxième phase de cette stratégie explorera l’éducation digitale comme un levier clé. Il sera ainsi procédé à l’accompagnement des citoyens dans la compréhension et la vulgarisation des nouveaux usages mais également des acteurs de cet écocystème pour adapter leurs offres aux besoins de la population.
Vers une synergie institutionnelle au service de l’éducation financière
La Fondation marocaine pour l’éducation financière (FMEF) joue un rôle central dans cette dynamique. Intervenant dans ce sens, Imane Benzeroual, adjointe de la directrice exécutive de la FMEF, a mis l’accent sur la nécessité de fédérer l’ensemble des parties prenantes à l’effort de l’éducation financière. « Il faut que les institutions s’engagent réellement dans cet élan chacune selon ses périmètres. Cela nous permettra de couvrir rapidement de façon efficace et pertinente les populations prioritaires », indique la responsable. Mme Benzeroual a également appelé à capitaliser sur la digitalisation, et ce à deux niveaux. «Il s’agit d’abord d’adopter une manière innovante en allant au-delà des séances de formation , d’offrir un contenu innovant et de faciliter la collaboration des institutions dans la transmission de ces messages», a-t-elle souligné.
Et d’insister sur la digitalisation en termes de coordination des efforts. La responsable a également insisté sur l’évaluation des efforts engagés en la matière. Elle a rappelé dans ce sens la création d’un baromètre de la capacité financière par BAM. Ce baromètre dont les premiers résultats seront dévoilés prochainement s’érigera ainsi comme étant un outil de mesure permanent en matière de santé financière. Notons que depuis sa création en 2013 à l’initiative de Bank Al-Maghrib et d’autres acteurs du secteur financier, la FMEF a mené des actions engageantes en matière d’éducation financière permettant de renforcer la capacité des citoyens en matière d’utilisation des services financiers et à contribuer de façon directe à l’inclusion financière au niveau national
Al Barid Bank, un acteur engagé pour une finance accessible et inclusive
Parmi les opérateurs engagés dans ce processus, on cite Al Barid Bank.Grâce à son offre accessible, cette entité se positionne, de nos jours, comme un acteur clé de l’inclusion financière au Maroc. Conscient de cet enjeu, Al Barid Bank a été précurseur dans l’adoption d’une stratégie de digitalisation proactive (Mobile banking et ouverture de compte à distance). Le Groupe a également été pionnier en termes d’éducation financière. Al Barid Bank a ainsi transformé son approche, passant du paiement en espèces à la bancarisation complète, en s’appuyant sur son réseau et une éducation financière intensive pour accompagner la clientèle. «La promotion et le développement d’inclusion financière figurent parmi les objectifs de création d’Al Barid Bank», souligne dans ce sens Mhammed Moussaoui, directeur général d’Al Barid Bank. Et de préciser : «Depuis sa création en 2010, le groupe a identifié un bon nombre d’éléments qui sont intrinsèques à la Banque Postale, notamment le réseau qui est présent un peu partout à travers le territoire national et surtout au niveau du rural et du périurbain». Des priorités qui, selon le responsable, ont été identifiées dans le cadre de la stratégie nationale d’inclusion financière.
A cela s’ajoute également l’accessibilité des offres. «Nous avons travaillé pour développer des offres accessibles sur le plan tarifaire simple et en termes d’utilisation. Aussi, nous avons développé plusieurs actions et une manière permanente d’éducation financière parce qu’il faut accompagner les personnes qui n’avaient pas l’habitude d’accéder aux services financiers ». Pour l’avenir, Al Barid Bank se dit engagé pour accompagner la stratégie nationale d’inclusion financière dans sa deuxième phase. Pour mener à bien ce cap, M. Moussaoui a identifié un bon nombre d’enjeux à relever. Le responsable a plaidé dans ce sens pour un modèle efficace de distribution des services financiers dans le monde rural. Il est également question d’opérationnaliser le paiement mobile, notamment à la veille des grands rendez-vous sportifs que le Maroc s’apprête à organiser. M. Moussaoui a également insisté sur l’opérationnalisation de la microfinance au niveau national et sur l’intensification du rôle des établissements de paiement. Autres éléments clés soulignés par le directeur général d’Al Barid Bank, la mise en place de politiques publiques pour réduire l’informel. Une donne importante qui permettra notamment d’accompagner sur le plan financier et non financier les porteurs de projets en particulier les TPE et de pérenniser leurs activités.