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Informel, solidarité, réformes, relance, priorités… Leçons d’une pandémie selon le président de la FISA

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Entretien avec Youssef Alaoui, président de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (FISA)

Comme beaucoup de secteurs, l’aviculture a été directement impactée par la pandémie. Avec la fermeture des hôtels et restaurants, l’interdiction et l’annulation des événements ainsi que la fermeture des souks hebdomadaires, les éleveurs se sont retrouvés privés de l’essentiel de leur marché. A la lumière de ce qui se passe dans le secteur, le président de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (FISA), Youssef Alaoui, livre en exclusivité à Aujourd’hui Le Maroc, ses réflexions sur les mesures d’accompagnement prises en urgence pour accompagner les entreprises et les ménages lors de la crise. Il livre également sa vision de ce qui pourrait et devrait être fait pour la relance de l’économie après la levée de l’état d’urgence. Au passage, le président de la FISA brosse un tableau rapide des répercussions de la pandémie sur son secteur.

ALM: Quelle évaluation faites-vous de l’impact de la pandémie du coronavirus sur votre secteur ?

Youssef Alaoui : Le secteur avicole dans toutes ses composantes (abattoirs industriels, couvoirs, élevage d’œufs et volailles ainsi que les unités de fabrication d’aliments) a été lourdement impacté, d’une part par l’arrêt brutal du secteur de l’hôtellerie, de la restauration, l’annulation d’événements ,… et d’autre part par la fermeture des souks hebdomadaires. Et à ce titre, nous saluons la décision toute récente du ministère de l’intérieur en concertation avec celui de l’agriculture de rouvrir graduellement les souks, avec bien entendu la mise en œuvre de toutes les mesures sanitaires nécessaires.
Pour en revenir à la situation du secteur, nous nous sommes donc retrouvés du jour au lendemain privés de canaux de distribution qui absorbent entre 30 et 40% de notre production, d’où une chute sans précédent des prix. Comme vous le savez, notre secteur reste un marché de vif à près de 90% pour lequel nous ne pouvons malheureusement pas stocker la production, et nous devons continuer à nourrir le cheptel. C’est dire l’importance, au sortir de la crise, de mettre en œuvre réellement l’écosystème autour des abattoirs industriels, seuls à même d’absorber ce type de choc, de réguler l’offre et la demande et de disposer d’une capacité de stockage, de distribution et de commercialisation en froid suffisante. Parallèlement, et parce qu’ils existent, il faut absolument activer la mise à niveau des abattoirs de proximité, communément appelés «ryachates».

Que pensez-vous des mesures prises par le Comité de veille pour aider les entreprises et sauvegarder les emplois?
Je ne peux qu’appuyer la célérité avec laquelle les mesures ont été décidées et mises en œuvre. Au regard des indemnités servies pour les salariés à l’arrêt, je rappelle ici l’importance de déclarer ses salariés auprès de la CNSS. Peut-on accepter qu’en 2020, plus de 4,3 millions de ménages vivent encore dans l’informel?
S’agissant des banques, effectivement les échéances de la quasi-totalité des crédits amortissables et échéances de leasing, pour ceux qui l’ont demandé, ont été reportées.

Il restait néanmoins que dans notre compréhension et celle des salariés, il s’agissait de reports sans intérêt, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à dernièrement.
En effet, la réunion du CVE du 8 mai vient d’annoncer que les intérêts intercalaires ne seraient en fin de compte pas facturés mais pris en charge par l’Etat et les banques à hauteur des échéances de 3.000 DH pour les crédits logements et 1.500 DH pour les crédits de consommation. Pourquoi cette limite ? Il faut les prendre en charge pour tous ceux dont le salaire n’a pas pu être servi dans son intégralité durant cette période.

Maintenant, si j’ai bien compris, il s’agit ainsi d’une aide de l’Etat aux banques puisque l’Etat prendrait en charge une partie de ces intérêts intercalaires. Excusez-moi de le dire, il y a des secteurs plus prioritaires. S’il y a des aides directes, c’est surtout vers les TPME, les commerçants, les artisans et les agriculteurs qu’il faut les orienter.
Et j’en profite aussi pour appeler les assurances à faire un geste auprès de leurs assurés. En effet, et c’est on ne peut plus évident, la sinistralité a baissé à des niveaux proches de 0 pour certains secteurs et certains segments de primes (automobile par exemple). Oui, bien entendu les placements des assurances ont «virtuellement» perdu de leur valeur. Mais bon… il semblerait néanmoins logique que les primes soient revues à la baisse.

A votre avis, que faut-il faire pour relancer l’économie après l’état d’urgence ?

Nous, et quand je dis nous, c’est aussi bien les chefs d’entreprises que le gouvernement, avons l’obligation de sauver chaque emploi et chaque entreprise. Chaque emploi perdu, chaque commerce ou entreprise qui ferme, c’est mettre des familles en détresse. Aussi bien pour le salarié qui aura perdu un revenu que pour le chef d’entreprise dont les garanties (souvent personnelles) seront mises en jeu. Si tel devait être le cas, c’est que nous aurons failli à notre mission.
Nous sommes un pays émergent. Aussi, aucune politique d’austérité ne peut être de mise et nous sommes rassurés que le ministre de l’économie et des finances ait souligné que l’austérité n’était pas du tout une option. Relançons alors tous les chantiers des grands travaux et lançons-en de nouveaux.

La crise l’a montré de façon criarde ; nous devons faire de la santé et de l’éducation les 2 priorités ; et pour ces 2 secteurs, les diagnostics et les stratégies sont connus depuis trop longtemps, alors, et je pèse mes mots, dépensons sans compter. Et là aussi, si rien n’est fait, nous serons comptables de notre inaction. Relevons aussi le défi d’une industrie marocaine performante, réactive, innovante et compétitive et elle l’a prouvé durant cette crise. Et si le défi est relevé, le consommateur marocain sera le premier ambassadeur, j’en suis convaincu, du Made in Maroc.

Enfin le Fonds lancé par notre Souverain a été l’initiative de solidarité la plus heureuse que chacun d’entre nous espérait.
Le gouvernement, le législatif et la CGEM ont prouvé leur réactivité en cette période de crise. Continuons sur cette lancée et soyons au rendez-vous de l’espoir créé par cette exemplarité tant louée à travers le monde.

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