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Investissement : Abdellatif Jouahri dit tout

© D.R

Intervenant devant la Commission des finances et du développement économique

En dépit des efforts d’investissement que le Maroc fournit en termes quantitatifs, le pays n’a pas pu encore réaliser le rattrapage économique désiré. Et pourtant le taux d’investissement enregistré – qui reste quand même élevé en comparaison avec l’international, est suffisant pour espérer un rattrapage économique. Ce constat a été établi par Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, lors de son passage mardi devant la Commission des finances et du développement économique à la Chambre des représentants. Cette séance de travail tenue mardi 15 février a été consacrée à l’investissement. Dans ce sens, M. Jouahri a dressé un panorama détaillé de l’acte d’investir au niveau national. Il en ressort que le niveau d’investissement observé au Maroc est équivalent à celui observé dans les pays ayant accompli des «miracles économiques».

Un investissement peu rentable malgré les efforts consentis

Se référant aux données formulées, l’effort d’investissement en valeur a atteint en moyenne 32,2% du PIB sur la période 2000 et 2019 contre 25,6% comme moyenne mondiale et 29% pour les pays à revenu intermédiaire – tranche inférieure. Toutefois, cet investissement reste relativement peu rentable. Le wali de la banque centrale relève dans ce sens un coefficient marginal du capital (ICOR) de 9,4 en moyenne sur la période 2000-2019 alors qu’il se situe autour de 5,7 pour les pays de la catégorie à revenu intermédiaire. Ce manque de rentabilité impacte la création d’emplois ayant reculé de manière sensible entre 1999 et 2019. «Chaque point de croissance générait moins de 21 mille emplois entre 2010 et 2019 contre plus de 30 mille emplois entre 2000 et 2009. L’économie nationale a généré donc près de 144 mille postes annuellement entre 1999 et 2009 et près de 72 mille emplois entre 2010 et 2019, soit l’équivalent de 108 mille emplois en moyenne sur l’ensemble de la période 1999 et 2019», indique Abdellatif Jouahri dans sa présentation. Et de préciser que «ce rythme reste insuffisant pour induire une baisse tangible du chômage. Face à la création de 108 mille emplois, la population active s’est accrue annuellement de 89 mille et, en conséquence, le nombre de chômeurs n’a baissé que légèrement, revenant de 1,5 million à 1,1 million au cours des deux dernières décennies». Pour ce qui est de l’évolution de l’investissement en volume, M. Jouahri évoque une croissance annuelle moyenne de 8,5% entre 2000 et 2009 et de 2,9% entre 2010 et 2019. Un ralentissement qui s’est accompagné d’une baisse significative du niveau de volatilité.

La crise sanitaire accentue les fragilités

L’investissement au Maroc reste caractérisé par la prédominance du secteur public qui accapare 65% des parts contre 35% pour l’investissement privé. Une tendance également confirmée dans le rapport de la Commission spéciale sur le modèle de développement. L’ambition étant d’inverser la cadence en faisant basculer l’investissement privé à 65%. S’agissant de l’investissement au niveau de l’entreprise, plusieurs défis restent à relever. Citons à ce propos la corruption, la pression et la lourdeur fiscale, le poids de l’informel et les délais de paiement longs… Face à ces défis, la crise sanitaire est venue accentuer les maux du tissu productif. «La crise a mis en exergue l’étendue de la fragilité du tissu économique et du marché du travail ainsi que la vulnérabilité de larges franges de la population», indique le wali de Bank Al-Maghrib. M. Jouahri a appuyé ses propos par des indicateurs probants. Citons dans ce sens les enquêtes réalisées par le HCP pour appréhender les effets de la crise. Il en ressort que durant la période du confinement, les entreprises organisées auraient perdu près de 726 mille emplois, soit 20% de leur main-d’œuvre. «Ces constats sont en ligne avec ceux qui ressortent des données de la CNSS qui font état d’une chute, en glissement annuel, de l’effectif des salariés déclarés de 33,9% en avril 2020, ce qui correspond à une perte de plus de 850 mille emplois», fait-il savoir. Et de poursuivre que «les résultats des enquêtes de la Banque mondiale sur le suivi des impacts de la crise sur les entreprises privées au Maroc révèlent qu’entre décembre 2019 et juin 2021, 47% des entreprises ont réduit le nombre de travailleurs permanents. Cette part atteint 48% pour les PME et 38% pour les grandes entreprises». Rappelons que pour relever le défi du décollage dans ce contexte de crise, il a été procédé sur Instructions royales au lancement d’un ambitieux programme de relance économique avec une enveloppe de 120 milliards de dirhams. A cela s’ajoute la création du Fonds Mohammed VI pour l’investissement doté d’une enveloppe de 45 milliards de dirhams dont le tiers émane du budget et le reste est prévu de la part des institutionnels nationaux et internationaux.

Le rythme de réalisation des chantiers et réformes à accélérer

Au fil de sa présentation, M. Jouahri a dressé une série de recommandations pour relever le défi de relance dans un contexte marqué par un niveau d’incertitude toujours élevé. L’heure étant d’accélérer le rythme de réalisation des chantiers d’ores et déjà ouverts au niveau national. M. Jouahri appelle dans ce sens à accorder la priorité nécessaire au renforcement du tissu productif pour en faire émerger des champions aptes à faire face à la concurrence internationale et à jouer un rôle de locomotive pour les TPME.
Il est également question de continuer à lutter contre les disparités et œuvrer pour une croissance plus inclusive et une distribution équitable des fruits de la croissance pour soutenir l’ascension sociale. Abdellatif Jouahri plaide par ailleurs pour l’accélération de la mise en œuvre des réformes visant l’amélioration du climat des affaires. Citons en l’occurrence la charte de l’investissement, la simplification des procédures administratives, l’opérationnalisation du Fonds Mohammed VI pour l’investissement, et la réalisation des engagements du Maroc vis-à-vis du GAFI.

Le wali de Bank Al-Maghrib recommande également l’amélioration de la qualité de la gouvernance à tous les niveaux, la lutte contre la corruption, la consécration des principes du mérite et la reddition des comptes. Parmi les recommandations, on relève également l’accélération des chantiers structurels dont notamment la refonte du système d’éducation et de la formation professionnelle, nécessaire pour produire les cadres et la main-d’œuvre dont a besoin le pays, pour améliorer la productivité et la compétitivité de l’économie. Abdellatif Jouahri insiste également sur la nécessité d’accélérer la mise en œuvre de la loi-cadre sur la fiscalité ainsi que de procéder à des revues régulières de la dépense publique et de parachever la réforme des systèmes de retraite. La priorité étant également d’accélérer la mise en place du Registre social unifié, nécessaire à la poursuite de la refonte de la politique sociale de notre pays ainsi que d’instaurer la culture d’évaluation dans le cadre d’une vision stratégique avec une priorisation des objectifs et des ressources. L’objectif étant d’assurer une cohérence de l’ensemble des chantiers et une efficience dans l’utilisation des ressources.

 

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