Selon Abdellatif Jouahri, la réussite de la grande transition amorcée par le Maroc nécessite la mobilisation de toutes les forces vives du pays dans un esprit sérieux et de responsabilité, priorisant avant tout l’intérêt national.
Le Maroc poursuit avec détermination sa marche vers l’émergence et la prospérité et ce en dépit d’un environnement incertain. Un constat établi par Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al Maghrib dans sa note introductive du rapport annuel de la Banque centrale présenté lundi au Souverain. Selon M. Jouahri, «la réussite de cette grande transition, de nature complexe et multidimensionnelle, nécessite un recentrage de l’action publique sur les fondamentaux du développement». Le gouverneur de la Banque centrale a ainsi mis l’accent sur l’investissement dans le capital humain, le renforcement de la gouvernance et du cadre institutionnel ainsi que l’amélioration de l’environnement des affaires parallèlement à la préservation des équilibres macroéconomique. Cette transition suppose, selon M. Jouahri, la mobilisation de toutes les forces vives du pays dans un esprit sérieux et de responsabilité, priorisant avant tout l’intérêt national. S’agissant de la transition vers l’État social, Abdellatif Jouahri indique que «l’accès à l’aide sociale de l’État devrait être l’exception et non la règle et le nombre élevé de bénéficiaires en soi constitue davantage un défi qu’une performance». Et de préciser que «l’ambition à terme devrait être une éducation de qualité pour chaque enfant, un travail décent pour chaque actif, des soins de santé accessibles à tous les citoyens et un État protecteur pour que personne ne soit laissé pour compte». Le Gouverneur de la Banque centrale plaide également pour un dialogue social axé sur une approche intégrant, outre l’amélioration des conditions de travail, la justice sociale et l’atténuation des inégalités pour qu’il ait une véritable contribution à l’édification de l’État social. «C’est également pour ces considérations et d’autres de justice intergénérationnelle qu’il faudrait faire aboutir la réforme des systèmes de retraite, reportée d’année en année, alors que les risques qui pèsent sur leurs équilibres s’accentuent progressivement», a-t-il affirmé. Pour ce qui est des chocs climatiques et le stress hydrique, M. Jouahri a souligné la nécessité d’une accélération de l’ensemble de l’agenda public et privé dans ce domaine. «Le rapport du citoyen et des acteurs économiques à l’utilisation de l’eau se doit de changer, ce qui appelle à une réévaluation de la politique de tarification et de la gouvernance de cette ressource précieuse», a-t-il assuré. Et de préciser « plus globalement, l’action publique en matière de climat est aujourd’hui fragmentée en une multitude d’intervenants et de stratégies, ce qui milite pour une refonte à même d’assurer davantage de cohérence, de convergence et d’efficacité et au final une transition réussie vers une économie verte et durable». En ce qui concerne la transition digitale, M. Jouahri assure que la réussite de la nouvelle stratégie est conditionnée par plusieurs prérequis. Citons dans ce sens le renforcement de l’infrastructure de base, notamment publique, l’amélioration de la qualité de l’éducation et la formation pour préparer au marché du travail de demain, la promotion de la culture numérique et la création d’un environnement incitatif et propice à l’émergence d’un écosystème digital. Sur le plan financier, le Gouverneur de la Banque centrale évoque la mise en place d’un Fonds dédié aux Fintechs. Sa création s’inscrit en ligne avec les objectifs du nouveau plan stratégique de Bank Al Maghrib. Ce mécanisme devrait servir de catalyseur des efforts des différentes parties prenantes et faciliter l’émergence d’un écosystème favorisant l’innovation financière, l’accès et l’usage des services financiers. Il fournira un soutien financier aux porteurs de projets et un accompagnement sur plusieurs volets, y compris les aspects légaux et réglementaires.
Dans sa note introductive, Abdellatif Jouahri a mis en avant la résilience de l’économie nationale et ce en dépit des facteurs exogènes en l’occurrence le contexte international difficile, la succession des années de sécheresse et le séisme ayant frappé la région d’Al-Haouz. Dans cet environnement, l’économie nationale a affiché en 2023 une amélioration notable avec une croissance de 3,4 %. L’exercice 2023 a été également marqué par une atténuation de l’inflation. Cette dernière a progressivement reculé passant d’un pic de 10,1 % en février à 6,1 % à fin 2023 contre 6,6 % une année auparavant. «Outre l’affaiblissement des pressions inflationnistes externes, cette évolution est le résultat des mesures prises par le gouvernement et du resserrement de la politique monétaire par Bank Al-Maghrib qui a continué en parallèle à satisfaire l’intégralité des demandes de liquidités exprimées par les banques», commente Abdellatif Jouahri dans ce sens. Le wali de Bank Al Maghrib relève également la poursuite du processus de redressement budgétaire durant 2023. Le déficit est revenu à 4,4 % du PIB, à la faveur de la bonne performance des recettes fiscales, et des rentrées importantes des mécanismes de financement innovants, en plus des ressources mobilisées à travers le «Fonds spécial de gestion des effets du tremblement de terre» mis en place sur Hautes Instructions Royales. On relève également une atténuation du déficit du compte courant à 0,6 % du PIB. Elle est portée par le maintien de la dynamique de l’industrie automobile, des flux des recettes de voyages et des transferts des MRE. Les avoirs officiels de réserve de Bank Al-Maghrib se sont ainsi renforcés à 359,4 milliards de dirhams, soit l’équivalent de près de 5 mois et demi d’importations.