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Khalid Machchate : «La révolution de la Healthtech ne fait que commencer»

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Entretien avec Khalid Machchate, directeur de K&W Technologies

Les nouvelles technologies sont en train d’opérer une véritable révolution dans le secteur médical. Après l’avènement de la crise liée à la pandémie du coronavirus, l’usage du digital dans le secteur de la santé est à l’ordre du jour. Le big data et les solutions mobiles se sont avérés être les outils les plus efficaces pour maîtriser la propagation du virus. Expert en transformation digitale, Khalid Machchate a créé il y a quelques années la solution SOS Santé dédiée au secteur. Le jeune entrepreneur nous donne son point de vue sur l’évolution du digital dans le secteur de la santé et le rôle que pourrait jouer le digital dans la période post-Covid-19.

ALM : Comment le secteur de la santé peut-il faire du digital un moyen de réduction de la fracture sociale, notamment dans les zones les moins favorisées ?

Khalid Machchate : Le secteur de la santé, vu son caractère sensible en matière de régulation, tarde à se transformer dans les pays qui ne sont pas en phase avec l’innovation. Mais quand on regarde quelques expériences réussies en Afrique du EMR (Electronic Medical Record) et de la télémédecine (étant les deux premières briques de base de la e-santé), leur impact sur l’inclusion et la réduction de la fracture sociale dans les milieux ruraux et défavorisés est extrêmement important.
Jusqu’à 2018, la plus large implémentation du EMR en Afrique était en Éthiopie par le Dr Wuleta, avec ce qu’on peut appeler des «stations médicales» dans les régions les plus éloignées, conduites sur place par un aide-soignant formé et le médecin intervenant par technologie interposée. La station médicale dispose également de moyens pour traiter les maladies les plus répandues par saison (connues à travers des analyses des données de maladies provenant aussi des EMR).
En effet, les retours de ces expériences montrent à quel point ces deux briques facilitent l’accès aux soins, car cela diminue le coût de visite médicale, permet aux médecins de traiter un plus grand nombre de patients, facilite les diagnostics à l’aide des données récoltées et analysées, et évite les erreurs qui sont commises lorsque le patient (par manque de connaissances) visite différents médecins, et consomme différents médicaments, des fois contre-indiqués.

Quelles sont les possibilités que le digital pourrait ouvrir au secteur de la santé en termes d’accès aux soins et de traitement d’information ?
Les technologies existantes commercialisées aujourd’hui, sans parler de celles en développement, sont révolutionnaires et le rythme des innovations dans ce sens s’accélère.
Entre les solutions d’intelligence artificielle en lecture de radiologie, du diagnostic par analyse d’image, à la blockchain pour la traçabilité des médicaments afin d’éviter les contrefaçons, passant par les robots «caretakers» des personnes âgées à domicile, à des opérations faites par des robots et contrôlés par des chirurgiens à des milliers de kilomètres, grâce à des connexions ultra-rapides et stabilisées en 5G et fibre optique… les possibilités sont illimitées !
Reste trois axes qui s’imposent dans le contexte marocain : la volonté, la faisabilité, et la priorisation d’implémentation selon les besoins des citoyens.

Vous avez créé il y a quelques années l’application SOS Santé. Parlez-nous un peu de cette solution et des projets sur lesquels vous travaillez dans le secteur de la santé ?

J’ai une passion particulière dans mes aventures entrepreneuriales pour deux thématiques vitales : l’éducation et la santé. Ceci m’a amené à créer «SOS Santé», un système de détection et notification d’accidents routiers à travers un boîtier installé dans le véhicule soutenu par une application, mais ce n’était pas mon seul travail sur le sujet. J’ai eu aussi le plaisir de travailler avec mon ami Zouheir Lakhdissi sur «Sehatuk». Il s’agit d’une application mobile d’assistant santé avec une multitude de fonctionnalités pour le Maroc et pour d’autres pays d’Afrique. Dans le cadre de programmes d’incubation et d’accélération que j’accompagne, je travaille sur le mentoring de plusieurs startups dans le domaine de la santé, de la prévention, et du «care». Par ailleurs, dans le cadre du programme que j’ai dirigé entre l’Afrique et la Silicon Valley en 2018/2019 (dénommé DEMO Africa), j’ai eu le privilège d’accompagner financièrement à l’international certaines belles réussites, comme «Shefaa» d’Egypte.

Quels sont selon vous les outils digitaux indispensables dont devrait s’équiper le Maroc pour faire face à la Covid-19 ?

En matière de gestion de la Covid-19 il n’y a pas forcément de bonne réponse, à part la traçabilité de cas contact à travers Wiqaytna, du testing en masse, une vigilance citoyenne, et une communication constante autour des gestes barrières et des pratiques de prévention. Concernant le traitement, le Maroc devrait se doter de plus de centres de R&D permettant le travail sur des traitements et vaccins possibles, non seulement pour la Covid-19 mais pour également se préparer à d’autres pandémies éventuelles dans le futur. Il faut se doter de fabricants de matériel médical, de lits de réanimation et respirateurs d’urgence. D’ailleurs, nous avons des startups qui ont fait un excellent travail durant les derniers mois.
Nous pouvons bien sûr faire mieux sur certains points comme les prises de RDV et l’administration des tests, des études prédictives de foyers à travers les données récoltées mises à jour, de la télémédecine pour diagnostiquer et faire la différence entre grippe et Covid. L’objectif est d’éviter les déplacements et éviter de créer des foyers dans les hôpitaux, cliniques et centres de test.

Comment voyez-vous la transformation digitale dans le secteur de la santé dans la période post-Covid ?

Plusieurs chercheurs et spécialistes internationaux s’accordent à penser que l’ère des pandémies ne fait que commencer, et qu’il faudra se préparer afin de mettre des protocoles en place pour éviter une répétition du désastre mondial qu’a causé la Covid-19. La recherche accélérée du vaccin a aussi mis en avant un certain nombre d’innovations dans le domaine et une collaboration importante entre pays.
Enfin, le passage au «tout à distance» a accéléré la promotion de la télémédecine et autres moyens de traitement à distance, et comme le «travail à distance» a été annoncé en tant que choix permanent pour les géants technologiques, il n’y aura pas de retour à la normale à 100% pour la médecine non plus. Plusieurs pays dans le monde ont revu leur régulation. Certains même des plus strictes, en matière de gestion des EMR, et de télémédecine, et là où c’était carrément interdit pour certains, nous voyons aujourd’hui un système de licences d’organisme de télémédecine. Parallèlement, les réserves et soucis de souveraineté et de protection de données sont présents. On voit aussi l’émergence de EMR, tantôt gérés directement par des ministères de santé, tantôt par des acteurs semi-publics voire privés dédiés à cet effet. La Covid-19 a propulsé la santé sur le devant de la scène. L’investissement dans la santé a nettement augmenté et la pandémie a montré les failles d’un système qui a été, pour une majorité, un non-sujet avant la venue de la Covid. La révolution de la Healthtech ne fait que commencer.

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