Economie

La libéralisation aérienne en question

© D.R

Cette libéralisation est incontournable; on peut encore la retarder mais on ne pourra guère l’éviter. Alors, autant s’y préparer dans les meilleures conditions possibles. Le Maroc a, dans ce sens, souscrit des engagements internationaux :
– il est ainsi signataire des accords créant l’OMC (ex-GATT), à Marrakech, le 15 avril 1994 ;
– il a également adhéré aux accords de la convention arabe de l’aviation civile ;
– il a conclu des accords d’Open Sky avec les Etats-Unis ainsi que d’autres conventions avec l’Italie et la Hollande ;
– il négocie avec l’Union européenne son intégration dans son espace aérien.
A s’en tenir à ces données, il n’y a pas de doute : le Royaume a opté pour la libéralisation de son transport aérien. Il compte donc, à terme, lever les restrictions pesant encore sur l’offre ainsi que sur les tarifs. Pareille politique ne saurait se limiter à des effets d’annonce sans réelle portée pratique ; bien au contraire, elle doit faire montre de volontarisme. Les axes de cette nouvelle politique méritent que l’on s’y arrête.
Tout un processus complexe de négociations globales doit être mené, poursuivi et finalisé avec l’Union européenne pour que le Maroc intègre pleinement l’espace aérien européen : Ce processus est sans doute long et laborieux, mais en attendant, a-t-on engagé des actions devant se traduire par l’harmonisation des accords bilatéraux existant entre le Maroc et les différents membres de l’Union européenne ? Pour l’heure, peu d’indications sont disponibles à ce sujet.
A l’interne, la législation et la réglementation nationales ne sauraient évidemment, compte tenu des exigences qu’impose la libéralisation du transport aérien, rester en l’état. C’est dire que les pouvoirs publics doivent s’atteler sans tarder à élaborer une loi-cadre relative au transport aérien. L’exemple de ce type de législation a déjà été donné par le texte sur les télécommunications. Seules de nouvelles dispositions législatives peuvent jeter les fondements de cette politique et lui permettre d’être mise en œuvre dans des conditions optimales de transparence et de visibilité. Les opérateurs et les investisseurs – actuels et potentiels – ne pourront, en effet, se lancer dans des programmes et des projets si les règles de jeu ne sont pas clairement identifiées et ce, dans un cadre juridique sécurisant et attractif.
D’ores et déjà, la réflexion nationale doit être engagée dans ce domaine – elle doit être ouverte, participative et prospective puisqu’il s’agira de légiférer pour le futur. Dans cette perspective, la mise sur pied d’une autorité de régulation pour le transport aérien doit être décidée. Elle sera la garantie institutionnelle de l’organisation de ce secteur, des conditions d’entrée des nouvelles compagnies intéressées, ainsi que du respect par tous des règles de concurrence.
Au fond, c’est une nouvelle doctrine du transport aérien qui doit prévaloir. Elle doit prendre en compte un certain nombre de données : la redéfinition de la place et du rôle de la compagnie nationale, la compétitivité du transport charter et touristique vers le Maroc, la maîtrise des coûts dans les aéroports nationaux, l’attribution de créneaux horaires sur des critères conséquents, le réaménagement des plates-formes aéroportuaires actuelles – surtout Casablanca, Marrakech et Tanger , l’implication dans des conditions motivantes des opérateurs privés dans la gestion et l’amélioration des services aéroportuaires, sans oublier le paramètre optimisé du rapport qualité/prix.
Il s’agit d’assurer la rentabilité du transport aérien et partant mieux maîtriser le coût du produit. C’est pousser de nouvelles compagnies charter à cibler le Maroc et à y commercialiser des vols et des séjours touristiques. C’est prendre sa part dans le marché touristique international dont toutes les projections d’ici 2010 font la première industrie mondiale avant le pétrole, l’armement ou la communication.
Demander la suppression de cette restriction, ce n’est pas céder à on ne sait trop quel dogme libéral, mais c’est plutôt la prise en considération de données objectives :
Sur les 160.000 nouveaux lits prévus d’ici 2010, il est retenu que 80% d’entre eux seront localisés dans le balnéaire; dès lors, comment assurer au meilleur coût la desserte aérienne des destinations concernées, si ce n’est par un nouveau maillage de notre système de transport aérien dans lequel les vols charters seraient organisés dans les meilleures conditions ;
Que la RAM se soit engagée lors des Assises du tourisme, à Agadir, le 14 février 2003, à augmenter ses dessertes régionales et à augmenter sa capacité de 30% au niveau national et 10% au dehors, est une bonne chose. Mais cela ne règle pas pour autant la question de la libéralisation du transport aérien.
Dans la meilleure des évaluations – et sur la base d’un grand programme d’investissement qui n’est pas arrêté d’ailleurs, la RAM ne peut assurer que 40% à peine du flux des 10 millions de touristes prévus à l’horizon 2010.
Que compte-t-on faire alors pour les 60% restants, sinon les ouvrir à la libéralisation aux meilleures conditions de prix et de qualité ? Il ne s’agit pas de laisser s’installer une sorte d’anarchie commerciale. Bien au contraire, l’objectif doit être de mettre en place une autorité de régulation qui permette précisément d’exercer plusieurs types de missions basées sur le respect des conditions générales d’exploitation du marché du transport aérien : juridique par la structuration du marché à travers l’attribution d’autorisations; technique, par l’agrément du matériel ; commercial et financier, par l’approbation des tarifs et des liaisons; de police administrative, afin d’assurer la répression des actes de concurrence déloyale.
Pour l’heure, où en est-on ? Toutes les déclarations officielles renvoient à 2004 pour voir le processus de libéralisation s’engager de manière opératoire. Cela renvoie à un an, un an de perdu donc après les deux autres années écoulées depuis le discours de S.M. Mohammed VI à Marrakech sur la «Vision 2010» concernant les 10 millions de touristes prévus. La réforme n’est jamais, à terme, tout à fait consensuelle. Elle implique des arbitrages, des décisions et une «feuille de route», avec des étapes et des chiffres. Puisse ce « plan de vol » se concrétiser au plus tôt par-delà les rentes de situation des uns -personnes ou entreprises – et le conformisme frileux et routinier de tous ceux qui ont peur du changement et du «grand air» !…
Le message royal aux IIIèmes Assises d’Agadir, le 14 février 2003, cadre bien les axes de la nouvelle stratégie à mettre en œuvre dans ce domaine. Le Souverain y souligne le rôle important du transport touristique -notamment aérien – dans le renforcement du transport de la compétitivité internationale de notre industrie touristique. Pour cela, les exigences requises ont été soulignées :
– La nécessité d’élargir le réseau actuel, de sorte à desservir directement toutes les destinations touristiques,
– L’impérative mise à niveau du transport aérien en vue de le libéraliser et de le rendre compétitif,
– La prise en compte du développement et de la rentabilité de la RAM et ce, dans le cadre d’une approche économique intégrée, qui transcende la conception purement commerciale, afin de faire du transport aérien un vecteur puissant du développement touristique.
On le voit clairement : une orientation claire a été donnée; elle implique le Premier ministre et son gouvernement qui doivent s’y atteler pour la traduire en termes opératoires. Elle commande que le ministre du Tourisme et celui du Transport conjuguent leurs efforts pour lui donner forme et contenu dans les meilleurs délais. Des « résistances » ne vont pas manquer de se faire jour, c’est évident ; il y a des intérêts de divers ordres qui vont se sentir menacés par cette nouvelle stratégie; mais peu importe. Celle-ci doit pouvoir être conduite, à marche forcée, parce que c’est le seul chemin pouvant assurer la promotion durable du tourisme marocain.

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