Le paradoxe est ahurissant : la conformité aux nouvelles dispositions régissant le travail temporaire donne lieu aujourd’hui à de flagrantes situations de non-droit. Cette niche d’emploi se devait de sortir de l’anarchie tout en mettant un terme à l’état de précarisation des intérimaires.
Sur le terrain, c’est plutôt le contraire qui se produit. Démonstration : plusieurs intérimaires, de plus de dix années, ont été tout simplement licenciés. Sous prétexte de la conformité avec le nouveau code du travail, qui limite le renouvellement d’un contrat à trois fois, plusieurs sociétés se débarrassent des collaborateurs gardés sous contrats renouvelables tous les six mois. Et aucun droit dû ne sera versé. Une autre anomalie relevée concerne la conformité aux tranches horaires de 190 h au lieu de 208 h dans l’ancien code. Pour assurer la productivité, une forte pression est exercée sur les employés pour que celle-ci soit maintenue, voire optimisée dans les mêmes tranches horaires.
Côté indemnités, les salariés ne touchent désormais même pas le salaire minimum. Certaines sociétés, contournant les nouvelles lois, ont opté pour la semaine du lundi au vendredi, afin de ne pas payer la demi-journée du samedi. D’autres, tout en obligeant les employés à travailler selon l’ancien horaire (208h), versent une rémunération selon le nouvel horaire (190h), sans que les employés ne puissent s’opposer à ces pratiques, sous peine de se faire renvoyer.
La complicité de certaines sociétés du travail temporaire est flagrante. Et même certains offices publics cautionnent ce genre de pratiques. Plus impressionnant, un concessionnaire qui avait certifié sa gestion des ressources humaines, se trouve obligé de composer avec ces pratiques. Exemple : un contrat passé par cet opérateur avec une agence d’intérim portait sur le creuset quotidien de 7 mètres. Les ouvriers étaient obligés de creuser quotidiennement trois fois plus. La différence atterrissait directement entre les mains du contre maître, le patron de l’agence d’intérim -traitant désormais depuis son domicile – et certains syndicalistes ripoux. Comment s’explique cette situation ?
Le travail temporaire, avant le nouveau texte accompagnant le code du travail, relevait du droit commun. Aucune réglementation spécifique n’a été établie pour structurer le recours à cet outil de flexibilité dans la gestion des ressources humaines. Avec le nouveau code, les professionnels de l’intérim tablaient sur une plus grande flexibilité, source de stimulation de cette branche. En face, l’on pensait que les intérimaires auraient enfin, à leur tour, un cadre juridique faisant valoir leurs droits en cas de litige…C’est malheureusement loin d’être le cas.
Sur le papier, la loi pallie le déficit de délimitation des contours de l’entrepreneur du travail temporaire. La proposition initiale se proposait de fixer la durée d’une mission à 18 mois alors que le texte adopté la fixe à 3 mois renouvelables une fois. Certains abus étaient à craindre. Cela est désormais le cas. Le recours à un travailleur temporaire (intérimaire) en France est autorisé pour l’exécution d’une tâche précise et non durable et dans les cas limitativement énumérés par le code du travail : remplacement d’un salarié, accroissement temporaire d’activité, emploi saisonnier, emploi temporaire par usage.
Actuellement, ce sont plus de 40 sociétés qui opèrent dans ce domaine avec un chiffre d’affaires estimé à plus de 500 millions de DH. Le potentiel du marché de t’intérim est estimé à 1,5 milliard de DH. La loi exige, pour éviter la multiplicité « anarchique » des intervenants, un ticket d’entrée. «Aucune activité d’intérim ne peut être exercée qu’après déclaration faite à l’autorité administrative et obtention d’une garantie financière». C’est désormais l’un des garde-fous contre les mauvaises pratiques qui ont entaché la réputation de cette branche de travail. Le capital social doit être d’un montant minimum tenu en permanence de l’ordre de 100 mille DH.
Le non-respect de ces exigences entraînerait des pénalités qui varient entre 30 et 100 mille DH.
Sur un autre volet, cas de défaillance, le paiement des salaires, des indemnités et des cotisations obligatoires dues, notamment à la CNSS, sera assuré. La loi impose des garanties financières aux entreprises du travail temporaires. Concrètement, cette garantie est calculée en pourcentage de chiffre d’affaires annuel. «Elle ne peut être inférieure à un minimum de 70 % du CA, révisable tous les ans par décret », stipule l’article 4 de la loi. Tout en précisant les droits du collaborateur intérimaire, la loi prévoit des interdictions.
Il s’agit, par exemple, du recours aux salariés des entreprises d’intérim pour casser une grève ou remplacer des employés qui ont été suspendus à cause d’un conflit social collectif. En plus, pour ne pas faire de la flexibilité une précarité pour l’emploi, le travailleur temporaire a désormais des droits envers son employeur : contrat de mission, le SMIG, la CNSS, la couverture accidents du travail et la fiche de paie…