Economie

La semaine qui a changé à tout jamais Wall Street

Wall Street ne sera plus jamais la même à l’issue d’une semaine qui a vu l’administration américaine, aux antipodes de son «laisser-faire» habituel, organiser ce qui sera probablement le plus grand sauvetage d’entreprises privées sur fonds publics jamais mené.
L’ensemble des mesures récemment annoncées pour stabiliser le système bancaire américain pourrait coûter jusqu’à 1.000 milliards de dollars, dont 700 milliards pour le seul plan dévoilé jeudi soir. Soit la totalité de la richesse produite en six mois par un pays comme la France. Mais confronté à la crise financière la plus grave depuis le krach de 1929, le gouvernement du républicain George W. Bush avait-il le choix ? En milieu de semaine, le système bancaire américain était au bord de l’effondrement : le sang (l’argent) ne circulait plus dans ce grand corps malade, sa tension (mesurée par les taux d’intérêt à court terme) avait bondi. La morphine injectée en doses massives (les liquidités des banques centrales) ne faisait plus effet. Il fallait opérer en urgence la tumeur qui le rongeait. Les Etats-Unis étaient «peut-être à quelques jours d’un effondrement complet de (leur) système financier», résume a posteriori l’influent sénateur démocrate Chris Dodd, président de la commission bancaire du Sénat.
Jeudi soir, le secrétaire au Trésor Henry Paulson annonçait les grandes lignes d’un plan inouï consistant pour l’Etat à racheter aux établissements financiers les actifs à risques qu’ils avaient imprudemment accumulés pendant la dernière «bulle» immobilière et qui étaient devenus depuis invendables. En d’autre termes, l’Etat fédéral va devenir le plus grand fonds d’investissement à risque («hedge funds») de la planète. Et ce, alors même qu’il a, coup sur coup, placé sous tutelle les organismes de refinancement hypothécaire Fannie Mae et Freddie Mac et nationalisé l’assureur AIG, deux événements exceptionnels dans un pays où l’Etat actionnaire n’existe pas. «Bienvenue dans l’Union des républiques socialistes d’Amérique», lance l’économiste Nouriel Roubini, ancien responsable au Trésor sous Bill Clinton. M.Paulson répond qu’il faut en finir avec le coup par coup et s’attaquer aux racines du mal. Et d’annoncer qu’il travaillerait tout le week-end avec le Congrès pour élaborer le projet de loi nécessaire. Dimanche 14 septembre: les principaux responsables de l’économie américaine pensaient pourtant encore avoir les choses bien en main. A l’issue de trois journées de discussions frénétiques, M. Paulson et le président de la banque centrale Ben Bernanke restent inflexibles et décident qu’il n’y aura pas d’argent public pour aider à une reprise de Lehman Brothers, aux abois après des violentes attaques boursières. La quatrième banque d’affaires de Wall Street, argumentent-ils, ne présente pas de risque «systémique»: sa faillite ne devrait pas entraîner une cascade d’autres défaillances dans le système financier international, pensent-ils. Lehman devait déposer son bilan  lundi. Préférant ne pas connaître le même sort, sa prestigieuse rivale Merrill Lynch convole à la hâte avec Bank of America. Wall Street perd 504 points (-4,42%), enregistrant ses plus grosses pertes quotidiennes depuis les attentats du 11-Septembre. L’assureur AIG, l’une des 30 valeurs composant l’indice Dow Jones, plonge lui aussi. Le consortium bancaire qui essayait, à la demande pressante des autorités, de mettre sur pied un énorme crédit-relais pour l’aider à passer un cap difficile, prend peur et jette l’éponge.
La Réserve fédérale doit opérer un virage à 180 degrés et ouvre une ligne de crédit de 85 milliards de dollars à AIG, en échange de 79,9% de son capital. Explication: sortant de son rôle d’assureur traditionnel, AIG a apporté sa garantie à des centaines de milliards de dollars de produits financiers à la solidité incertaine. Il y a bien là risque systémique, estime la Fed.
Mercredi, les investisseurs sont pris de panique. Ils retirent massivement leurs placements pour se porter sur les traditionnelles valeurs refuges. La tourmente fait rage sur les marchés mondiaux, menaçant d’engloutir d’autres établissements financiers comme Morgan Stanley et Washington Mutual.
La banque britannique HBOS doit se jeter dans les bras de sa rivale Lloyds TSB. Et les deux Bourses de Moscou, au bord de l’implosion, doivent être fermées. Après une nouvelle journée noire mercredi, le krach semblait inévitable jeudi à Wall Street avant que n’apparaissent les premières rumeurs d’une intervention massive des pouvoirs publics. La confirmation du plan gouvernemental américain provoque un énorme soulagement sur les marché internationaux: des places comme Paris (+9,27%) ou Londres (+8,84%) enregistrent des progressions historiques sur la séance.


• Frédéric Garlan (AFP)

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