Désormais quiconque a un zinc en bon état de vol et qui a les moyens de payer ses taxes aéroportuaires, peut se joindre à la flotte volante opérante pour transporter chez nous des touristes par centaines, par milliers. Bien entendu la RAM, sa filiale Atlas Blue et même les petites compagnies dotées d’un avion ou deux, acquis neufs ou d’occasion ou même simplement loués, peuvent tenter leur chance sur le ciel européen.
Cet accord est certainement historique et il ne faut pas ménager ses remerciements et ses félicitations aux responsables des deux ministères de Transport et du Tourisme qui ont su, avec courage et intelligence, vaincre l’inertie ambiante et les anciens calculs et tactiques du passé, qui n’avaient en fait réussi qu’à protéger des privilèges et à développer auprès des Marocains de faux espoirs et des rêves éphémères d’un progrès économique possible accrochés à des formules de développement chimériques qui s’appuient sur des statu quo et des monopoles. En réalité cet accord est d’une portée considérable pour l’essor du tourisme dans le Royaume. Rappelons-nous le faux mythe développé pendant des décennies autour de notre compagnie nationale d’aviation civile opérant dans le cadre d’obligations de service public. Ce mythe n’avait pu se perpétuer que du fait de nos ignorances et du peu d’aptitudes que nous avions pour trouver les solutions adéquates. Il est évident que le Maroc n’a pas à chercher à vaincre le sous-développement à travers des slogans jouant sur les cordes sensibles des Marocains. La lutte contre le sous-développement ne se passe pas seulement dans les airs, sur les mers et les routes, elle doit être le fait surtout d’une stratégie d’action gagnante visant la création d’emplois, le développement constant de l’exportation et l’émergence des nouvelles technologies.
Tout le reste relève de l’utopie. Monsieur Ghallab a bien fait de préciser que la RAM "n’a pas d’obligation de service public". Le fait que l’Etat participe dans son capital ne fait pas d’elle l’un de ses démembrements et ne l’engage directement en rien. Souvenons-nous, les Etats-Unis avaient laissé, à juste titre, couler la PANAM et la TWA, sans regret, pour des raisons économiques supérieures. C’est logique, le principal doit toujours primer sur l’accessoire. Depuis, de grands pays occidentaux cèdent ou privatisent leurs compagnies nationales. Comment, en effet, accepter que la protection d’une société de transport, même si ses avions volent sous les couleurs nationales, puisse se faire au détriment de la saine application des lois économiques telles que la libre concurrence, la rentabilisation des investissements et la planification intégrée?
La RAM et Atlas Blue disposent ensemble de moins de 40 avions. Même si ces avions opèrent de jour et de nuit, sans jamais s’arrêter, elles ne pourront nullement répondre à la demande, ni la provoquer, pour occuper les 180.000 lits classés et non classés dont 50% sont constamment inoccupés.
Le Royaume avait à choisir entre le privilège d’avoir une compagnie nationale et l’essor de son tourisme. Il vient enfin de prendre la bonne décision. Nos transporteurs aériens font de l’exportation. Ils ne doivent pas bénéficier de plus de privilèges que les autres exportateurs nationaux de produits industriels ou hôteliers. Bien sûr personne ne leur jette la pierre, ils font de leur mieux mais cela ne suffit pas.
" Ghallab n’a tué" personne. Il a au contraire ajouté son nom à la liste de tous ceux qui ont milité pour que le Royaume sorte le plus tôt possible d’un sous-développement que nous nous sommes imposés à nous-mêmes, par manque de sérieux et de clairvoyance. Comment peut-on oublier que le ciel de la Malaisie est en fête permanente avec les 480 compagnies régulières et charters qui l’animent et que ce pays surprenant a pris le départ bien après nous sur le chemin du tourisme international? Le monde aujourd’hui est un village où ne peuvent survivre que ceux qui privilégient le travail à la combine, l’imagination à la paresse et le dynamisme à l’inertie et au laisser aller. Faisons ensemble un calcul mental approximatif mais édifiant. Nous tournons aujourd’hui dans l’hôtellerie nationale à moins de 50% de nos capacités.
L’Open Sky va, sans le moindre doute, faciliter le remplissage quasi-intégral de nos chambres d’hôtels. Nos recettes, avant même que le Plan Azur ne soit totalement réalisé, risquent de doubler sinon d’augmenter au moins de façon significative. Savez-vous à quel niveau se situent les enjeux ? Deux à trois dizaines de milliards de dirhams annuels qui risquent de tomber dans nos caisses et en devises s’il vous plait ! De l’autre côté que rapporte le transport aérien national ? Des pacotilles qui se chiffrent en profits par quelques dizaines de millions de dirhams, quand profits il y a, bien entendu.
Le Maroc à ciel ouvert est enfin un grand rêve réalisé. L’hôtellerie et le tourisme marocains ne pourront jamais rendre suffisamment hommage à tous ceux qui ont participé à la réalisation de cet objectif considérable et dont les retombées vont créer les vrais conditions de décollage de notre industrie touristique et partant de notre économie.
Gagner le pari de l’échéance 2010: telle est l’ultime invitation faite par S.M.Mohammed VI aux participants des Assises de Casablanca. Cela implique- comme l’a souligné le Souverain dans son message – le seul moment fort des Assises : «l’évaluation critique tant des points de succès que des difficultés rencontrées, l’origine de celles-ci est la meilleure méthode de les surmonter». C’est aujourd’hui chose faite pour ce qui est de la libéralisation du transport aérien. Les prochaines étapes seront celles de la réforme fiscale, de la formation professionnelle et de la réalisation, à pas forcés, du Plan Azur.
Voir ailleurs le chapitre consacré au même sujet dans le livre "Le Tourisme marocain, l’éternel espoir"