Economie

Le Maroc est à la traîne dans la régulation de l’importation de matériel BTP

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En l’absence de régulation, le marché de l’importation de matériel BTP profite largement à l’importation de matériel d’occasion au détriment du marché du matériel BTP neuf. Un vide juridique qui, selon AIM btp, gagnerait à être comblé puisqu’une régulation permettra de générer à l’Etat des recettes supplémentaires de l’ordre de 1 milliard de dirhams, alors que plus de 1.000 emplois directs et 4.000 indirects seraient créés à court terme, avec un doublement de la taille du marché.

ALM : Comment se porte le marché d’importation de matériel BTP face à la morosité que connaît le secteur?
 

Jaafar Tahiri : Dans sa totalité, le marché du matériel BTP neuf importé équivaut à peine à quelque 500 machines par an pour un chiffre d’affaires estimé à 3 milliards de dirhams. Ce chiffre est réparti sur une vingtaine d’entreprises dont neuf sont adhérentes à l’AIM btp. Il ne faut pas comprendre que ces chiffres révèlent une contreperformance. Par contre, ils soulignent avec force l’environnement difficile qui impacte la filière. L’évolution timide du BTP, pour des raisons conjoncturelles, profite davantage à l’importation de matériel d’occasion. Sans aucune régulation, cette tendance s’accentuera, aggravant les risques afférents à notre métier et augmentant ses charges d’exploitation.
 
Justement, le marché du matériel BTP d’occasion est trois fois plus important que celui du matériel neuf…

En l’absence de régulation, l’importation de matériel d’occasion explose. Cette tendance a été remarquée dans les rares pays qui ont maintenu cette liberté absolue d’importation. Aussi, plusieurs opérateurs étrangers profitent de cette situation pour écouler au Maroc leurs machines en fin de vie, voire interdites sur leurs chantiers. Dès lors, c’est une filière non structurée qui en profite, et son chiffre d’affaires est probablement plus important que celui réalisé par les sociétés structurées distributrices de matériels neufs.

En quoi, c’est un problème si le marché local est preneur?

Un marché de prix est toujours preneur. Rappelez-vous la polémique sur les jouets fabriqués en Asie sans respect des normes de sécurité, de santé et d’environnement. Ces produits avaient explosé au Maroc car le marché était preneur, mais le gouvernement a été obligé d’intervenir pour imposer des règles. L’Etat est toujours le premier perdant dans cette histoire. Notre filière également. Et c’est pourquoi nous militons pour une régulation de notre activité, à l’instar de ce qui se fait dans plusieurs pays voisins. La Tunisie, par exemple, impose des restrictions réglementaires. La taille de son marché est donc plus de deux fois supérieure au marché marocain. L’Algérie a, dans sa loi de Finances 2009, carrément interdit l’importation du matériel d’occasion, et a vu la taille de son marché du matériel neuf tripler à partir de 2012. Enfin, la Turquie, dont la taille du marché est trente fois supérieure au marché marocain et qui est pour nous l’exemple à suivre, a depuis très longtemps interdit toute importation.  

Cela fait plusieurs années que vous militez pour une régulation de l’importation du matériel BTP d’occasion. Pourquoi vos doléances ne semblent-elles pas aboutir à un résultat concret ?

L’AIM btp est une jeune association professionnelle qui ne cesse, depuis sa création, de militer pour une régulation du secteur de l’importation du matériel BTP. Nous avons pris le temps de mûrir la réflexion et nous venons de réaliser une étude que nous estimons très sérieuse et probante, et dont le détail sera bientôt présenté aux autorités publiques. C’est une étude effectuée par un grand cabinet de la place, qui a nécessité pour notre association un investissement de plus de 2 millions de dirhams. Les conclusions de cette étude démontrent tout l’intérêt de l’Etat dans l’instauration d’un mécanisme de régulation pour l’importation du matériel BTP d’occasion. Sans rentrer dans les détails des conclusions, la régulation devrait générer pour l’Etat, des recettes supplémentaires de l’ordre de 1 milliard de dirhams, alors que plus de 1.000 emplois directs et 4.000 indirects seraient créés à court terme, avec un doublement de la taille du marché.  
 
Quelles sont, donc, vos doléances ?

Il ne s’agit pas de doléances, mais d’une vision susceptible de développer tout un secteur d’activité, et mettre le Maroc dans le viseur des grands constructeurs d’engins. Cette vision s’articule autour de trois points essentiels. D’abord, la régulation en limitant l’importation de matériels d’occasion aux engins âgés de moins de 5 ans. Cette démarche dynamisera aussi bien le marché du matériel neuf que le marché local de l’occasion. Ensuite, l’interdiction de l’importation en admission temporaire pour les opérateurs étrangers qui viennent réaliser des ouvrages au Maroc. Je tiens à citer un exemple en ce sens. Quand une entreprise marocaine est adjudicatrice d’un marché en Turquie, il lui est interdit de prendre son matériel dans ses bagages. Elle doit tout acheter ou louer en Turquie, alors que le principe de réciprocité n’est pas appliqué chez nous. Et enfin, soutenir les PME par des subventions pour les encourager à renouveler leur parc de matériel BTP.

La contrepartie à ce type de mesures, c’est notre engagement ferme à mettre à niveau et à professionnaliser toute l’activité, à accroître nos investissements, à aider et encourager la création de centres de formation pour les techniciens spécialisés, et améliorer globalement la compétitivité du secteur BTP, dans un environnement sain et sécurisé sur tous les chantiers du Royaume. Il faut savoir qu’une partie de notre vision concernant la vétusté du matériel devrait être incluse au niveau de la classification des entreprises de BTP dans le contrat programme qui est en cours de négociation par la FNBTP, Fédération avec laquelle nous partageons beaucoup d’intérêts. Autant vous dire que 2015 est une année décisive pour notre association l’AIM btp, et pour le développement attendu des entreprises marocaines qui la soutiennent.

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