Une délégation néerlandaise a fait le déplacement au Royaume pour examiner un projet de démantèlement vert de navires à Jorf Lasfar
Industrie. Le Royaume confirme ses ambitions dans l’industrie navale avec des projets d’envergure sur sa façade atlantique. Le Maroc compte faire appel aux Pays-Bas pour lancer un chantier important à Jorf Lasfar. Premières indiscrétions.
Le Maroc cherche à renouer avec ses premières amours dans le domaine industriel. Considéré des siècles durant comme puissance maritime faisant la pluie et le beau temps sur l’Atlantique et la Méditerranée occidentale, le Royaume compte ouvrir une nouvelle page en se relançant dans le secteur de l’industrie navale. Ce dernier figurera en bonne place dans la future stratégie industrielle du Royaume. Un premier projet est déjà mis sur la table. Le pays compte se positionner sur le marché du démantèlement vert des navires, un marché très restreint. Pour ce faire, le Maroc fait appel à un autre Royaume, en l’occurrence les Pays-Bas.
Concrètement, une délégation néerlandaise a fait récemment le déplacement à Rabat menée par Lara Müller, directrice générale du secteur public de l’institution néerlandaise Invest International qui fait partie de l’écosystème néerlandais du commerce international. Dans les détails, « Invest International » est une agence détenue par l’Etat néerlandais, spécialisée dans le financement et le développement des projets d’infrastructure publique dans les pays émergents et les pays en développement. «Invest International » offre des financements sous forme de prêts et de dons ainsi qu’une expertise en matière de développement de projets.
Si le programme de la délégation avec la partie marocaine portait notamment sur les dossiers relatifs à l’énergie comme l’hydrogène vert ou encore l’eau et l’environnement comme la construction et entretien des barrages ainsi que la protection du littoral usant des dernières technologies en la matière, les discussions avec les Néerlandais ont concerné surtout les infrastructures sachant que l’accent a été mis sur le domaine maritime et les ports.
Les deux parties ont ainsi examiné les opportunités de coopération disponibles, notamment l’assistance technique pour bénéficier de l’expertise néerlandaise dans les domaines susmentionnés, ainsi que les investissements dans le secteur des ports. Il faut préciser dans ce sens qu’il y a moins d’une année et plus précisément au cours de l’été 2023, Nadia Fettah, ministre de l’économie et des finances, avait procédé à Rabat à la signature conjointement avec Mark Rutte, Premier ministre du Royaume des Pays-Bas, et Joost Oorthuizen, président-directeur général de «Invest International», d’un mémorandum d’entente portant sur le développement et le financement des projets d’infrastructure publique au Maroc.
Cette cérémonie de signature, qui s’était déroulée en marge de la visite officielle du Premier ministre néerlandais, a été marquée, notamment, par la présence du chef de gouvernement, Aziz Akhannouch. Le mémorandum d’entente signé prévoit la mise à la disposition du Maroc, sur les trois prochaines années, d’une enveloppe financière de plus de 300 millions d’euros, comprenant une composante don, pour le développement et le financement de projets prioritaires pour le Maroc dans plusieurs secteurs stratégiques. Ce mémorandum d’entente devra contribuer ainsi au renforcement des relations bilatérales entre le Maroc et les Pays-Bas et à la consolidation du partenariat économique et financier entre les deux pays en matière de développement des projets d’infrastructure.
Secteur portuaire en vedette
Si les responsables marocains et néerlandais ont abordé la question des infrastructures énergétiques, notamment l’hydrogène vert dans les ports en projet comme ceux de Tan-Tan dans la région de Guelmim, le port de Nador West Med dans la région de l’Oriental et le port de Dakhla Atlantique, un projet en particulier sort du lot, à savoir le projet de développement du recyclage vert des navires localisé au niveau du port de Jorf Lasfar. La localisation d’un tel projet au niveau de ce port représente un virage stratégique pour toute la région de Casablanca-Settat qui se place désormais comme figure de proue de l’industrie navale naissante au Royaume avec des projets importants à Casablanca et Jorf Lasfar.
Le choix du démantèlement des navires n’est pas fortuit. Le pays compte, en effet, s’appuyer sur l’écosystème existant. L’activité déjà pratiquée au Maroc présente un potentiel d’expansion à exploiter à travers des opportunités pour récupérer la matière première issue des navires au profit de la production sidérurgique nationale. De même, la capacité de démantèlement peut donner lieu à des opportunités de construction en sous-traitance pour les armateurs de bateaux démantelés. A noter qu’en juillet 2023, la Société maghrébine de génie civil (Somagec) avait remporté le marché relatif au démantèlement du navire Linava. L’Agence nationale des ports (ANP) avait lancé un appel d’offres pour la réalisation des travaux de découpage et d’évacuation du «Livana Ship», navire de commerce de 109 mètres de long, battant pavillon libérien, échoué au large de Marina Smir, dans le nord du Royaume. Le coût des prestations de ce marché avait été estimé à 30 millions de dirhams.
Un marché qui représente une nouvelle niche pour l’industrie locale. Le lancement d’un projet de démantèlement vert de navire va sans nul doute consolider cette activité. Il est vrai que le démantèlement des bateaux en fin de vie est considéré comme une activité potentiellement dangereuse. Cela dit, l’Union européenne, notamment, vient de durcir sa législation en la matière pour pousser les armateurs européens à choisir des prestataires en Europe ou bien dans le monde respectueux des engagements en matière environnementale. Le Maroc pourrait se positionner dans ce domaine dominé jusqu’ici par la Turquie et certains pays de l’Asie du Sud-est.
Le Royaume pourrait mettre en avant sa capacité à jeter les bases d’une nouvelle filière verte pour le démantèlement de navires en fin de vie.
Convention de Hong Kong
Recyclage. La Convention internationale de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires a pour objectif de veiller à ce que les navires ayant atteint la fin de leur vie utile soient recyclés en toute sécurité et sans poser de risques inutiles pour la santé humaine et l’environnement. La Convention de Hong Kong a été adoptée lors d’une Conférence diplomatique tenue à Hong Kong (Chine), en mai 2009 et a été élaborée avec le concours des États membres de l’OMI et d’organisations non gouvernementales et en coopération avec l’Organisation internationale du travail et les Parties à la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontiers de déchets dangereux et de leur élimination. Elle vise à traiter toutes les questions relatives au recyclage des navires, notamment le fait que les navires vendus pour être démolis peuvent contenir des substances dangereuses pour l’environnement comme l’amiante, les métaux lourds, les hydrocarbures ou les substances appauvrissant la couche d’ozone. Elle tient compte des préoccupations relatives aux conditions de travail et d’environnement dans nombre d’installations de recyclage des navires dans le monde. Les règles de cette nouvelle convention portent sur : la conception, la construction, l’exploitation et la préparation des navires de façon à promouvoir un recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires, sans compromettre la sécurité et l’efficacité de leur exploitation; l’exploitation des installations de recyclage des navires d’une manière sûre et écologiquement rationnelle et la mise en place d’un mécanisme approprié d’exécution pour le recyclage des navires, qui prévoit des prescriptions en matière de délivrance de certificats et de notification. L’entrée en vigueur de la convention est prévue le 26 juin 2025.