Les prix du pétrole cédaient du terrain mardi matin, alors que les craintes sur la demande reprenaient le dessus, au lendemain d’un bond météorique de 25 dollars suscitant des doutes sur le bon fonctionnement du marché.
Vers 11H00 GMT (13H00 à Paris), le baril de Brent pour livraison en novembre s’échangeait à 103,78 dollars à Londres, en baisse de 2,26 dollar par rapport à la clôture de lundi.
A la même heure, sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de «light sweet crude» pour la même échéance valait 107,27 dollars, cédant 2,10 dollar.
«Les prix du pétrole baissaient ce matin (mardi), repartant à la baisse après leur montée météorique de la veille, alors que les craintes suscitées par le plan de sauvetage américain et la reprise des dettes empoisonnées allaient grandissant», a commenté Michael Davies, analyste de la maison de courtage Sucden.
Les cours du pétrole avaient été gagnés par l’euphorie à la fin de la semaine dernière, comme les Bourses mondiales, après l’annonce du plus gros renflouage public depuis des décennies par les autorités fédérales américaines. Mais le marché attend désormais le vote de ce programme et les détails de sa mise en oeuvre et il continue de s’inquiéter de l’état de l’économie mondiale et, par là, des perspectives de demande pétrolière. «Nombre d’opérateurs pensent que l’optimisme déclenché par l’annonce du plan n’est pas fondé», estime ainsi Michael Davis. «Le plan américain est loin d’être sûr et ils n’effacera pas les dégâts sur l’économie réelle déjà causés par la tourmente financière», développe-t-il.
La veille, à New York, les prix du pétrole se sont cependant embrasés d’un coup, en une séance historique : les cours sont montés jusqu’à 130 dollars et ont clôturé sur un gain jamais vu de 16 dollars, suscitant des doutes sur le bon fonctionnement du marché. Ce mouvement de prix «signifie-t-il que le monde s’est trouvé subitement à court de pétrole brut ? Ce serait assez extraordinaire et ce n’est certainement pas mon avis», réagit ainsi Harry Tchilinguirian, analyste chez BNP Paribas. «L’annonce d’une baisse des approvisionnements saoudiens aux majors pétrolières, les troubles au Nigeria et des importations chinoises (de brut) plus importantes qu’attendu ont soutenu les cours», admet-il, mais «ils ne constituent pas des raisons (suffisantes) pour une flambée jusqu’à 130 dollars en une seule après-midi».
L’explication tient davantage à l’expiration du contrat d’octobre: pour une raison encore peu claire, des acteurs du marché se sont trouvés à court lors du dernier jour de cotation du contrat et ils ont été contraints de racheter du brut au prix fort pour honorer leurs engagements.
Pour preuve, les prix pour livraison en novembre se sont appréciés lundi dans des proportions bien moindres: ils ont gagné 6,62 dollars, finissant à 109,37 dollars. «Nous ne savons pas si cela a à voir avec les stocks physiques, les oléoducs, ou avec des positions liées à l’effondrement du système bancaire», reconnaît Olivier Jakob, du cabinet Petromatrix, «mais le Nymex (le marché du pétrole à New York, ndlr) devra rapidement apporter des explications». Après cette séance peu ordinaire, le président du régulateur américain des marchés de matières premières (CFTC), Walter Lukken, a d’ailleurs réagi dès lundi soir en déclarant qu’il «(surveillait) de près ce mouvement de prix très important». Il a laissé la porte ouverte à l’ouverture d’une enquête en indiquant «travailler en étroite collaboration avec les régulateurs du Nymex afin de s’assurer que personne ne tirait profit des tensions sur cette place financière pour s’assurer des gains personnels» en manipulant le marché.
• Delphine Dechaux (AFP)
