C’est une intéressante étude sur l’état des lieux de l’Internet au Maroc que vient de rendre public le régulateur national des télécoms. Plus qu’une simple démarche formelle de suivi du secteur, cette étude se distingue à plusieurs titres: reposant sur une méthodologie rigoureuse, le document liste, dans un langage clair et sans complaisance, l’ensemble les problèmes qui bloquent le développement du Web marocain. Et dresse un plan d’action concret et précis pour faire décoller le secteur. D’entrée, l’étude trace une image peu réjouissante de l’Internet local. Ainsi, le marché de la fourniture de l’accès à Internet au Maroc reste fortement dominé par Menara, qui est la marque commerciale Internet de l’opérateur historique avec une part de marché de 88 %, tous accès confondus, et de 94 % sur ADSL. Parallèlement, l’étude note que le nombre de FSI commercialisant des accès à Internet n´a cessé de diminuer ces dernières années, aboutissant à une situation de quasi-duopole entre deux principaux intervenants : Menara et Maroc Connect, alors que le nombre des FSI se comptait en plusieurs dizaines quelques années plutôt.
Concernant les contenus et projet e-gov, l’étude note que l’administration en ligne au Maroc, malgré son degré d’avancement dans certains domaines (douanes, sécurité sociale, justice), accuse un retard global face à des pays comme la Jordanie, la Bulgarie ou l’ÃŽle Maurice qui ont déjà généralisé la production de services administratifs en ligne. De même, et malgré les projets en cours, le développement du contenu dans le système éducatif se heurte à plusieurs freins.
De même, l’industrie du contenu est pauvre au Maroc et accuse un retard affligeant. De plus, une très faible proportion des contenus est en langue arabe. Le e-commerce reste à l’état embryonnaire. Hormis quelques niches, peu d’entreprises ont entamé des démarches de commerce électronique. Comment s’explique cette situation ? Selon les auteurs de l’étude, ses causes peuvent êtres classifiées autour de quatre principales problématiques. En premier lieu, le problème de l’accès au réseau. Le retard du marché de l’Internet en termes d’abonnés mais aussi d’internautes est imputable aux difficultés liées au coût d´acquisition du PC d´une part, et de la connexion Internet d´autre part.
En plus, il a aussi été constaté que le positionnement actuel des offres Internet ne permet pas d’offrir des solutions d’accès adéquates à une large gamme de la population. Sur un autre registre, une analyse des utilisations effectuées par Internet démontre que cet outil est encore sous utilisé et ce pour deux principales raisons : le manque de contenu local adapté, pouvant susciter un intérêt d’une plus grande partie de la population, ainsi que le manque de sensibilisation sur les potentiels bénéfices qui peuvent en être tirés. Au niveau de la concurrence, le monopole des services fixes est pointé de doigt. L’étude estime que cet élément constitue la principale cause du manque de concurrence réelle dans la fourniture de services Internet. IAM a en effet le monopole sur la boucle locale, mais aussi sur la capacité entre les points de présence des FSI (backbone).
De ce fait, les FSI se retrouvent dans une situation de dépendance totale vis-à-vis de l’opérateur historique, sans pouvoir se différencier suffisamment des offres effectuées par le fournisseur Internet de ce dernier «Menara», et ce que ce soit au niveau du prix que de la qualité de service, constate l’étude. Plus globalement, le document relate un ensemble de facteurs macro-économiques exogènes qui expliquent la situation actuelle du marché de l’Internet. Une comparaison du niveau des prix, des équipements et des accès avec le revenu moyen par habitant peut expliquer le faible nombre d’abonnés à Internet. Ceci est d’autant plus vrai que les dernières offres ADSL à 300 DH ont montré un niveau d’élasticité considérable par rapport non seulement au prix mais aussi par rapport au confort d’utilisation. Cependant, les auteurs considèrent que dans la situation actuelle, le potentiel de développement du marché marocain est bien en deçà de ses potentialités. Une analyse de situations similaires dans différents pays montre que dans des pays à PIB comparable, la pénétration de l’Internet est beaucoup plus importante (exemple à l’appui : la Jordanie, l’Egypte, l’Ile Maurice ou encore le Pérou).
Une situation qui nécessite selon l’étude le déploiement d’une batterie de mesures concrètes. A suivre…