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Leila Doukali : «La femme marocaine est une véritable cheffe d’entreprise mais elle ne le sait pas»

© D.R

Entretien avec Leila Doukali, présidente de l’AFEM

Quand vous vous adressez à un banquier il préfère de loin prêter à une femme qu’a un homme. Parce que les femmes ressentent une certaine responsabilité à devoir rembourser leurs dettes.

Un peu partout dans le monde, l’entrepreneuriat féminin prend son envol. Au Maroc, force est de constater qu’elles ne sont pas nombreuses à franchir le pas. Ainsi, le nombre des femmes qui ont choisi la voie de l’entrepreneuriat est même en baisse. Il est passé de 12% en 2015 à 10% en 2018. Considéré comme un véritable levier de développement, l’entrepreneuriat féminin constitue un réservoir de croissance encore inexploité. Son essor reste en revanche tributaire de plusieurs facteurs d’ordre culturels, sociaux et économiques. Il est donc temps d’ouvrir la voie aux femmes porteuses de projets et d’encourager les jeunes filles à emprunter le chemin de l’entrepreneuriat. En temps de crise, la participation de la femme à la relance serait salvatrice pour notre économie. C’est le cheval de bataille de Leila Doukali, présidente de l’Association des femmes chefs d’entreprises du Maroc (AFEM). Elle nous livre son point de vue.

ALM : Pouvez-vous nous donner un aperçu sur l’entrepreneuriat féminin dans ce contexte de crise?

Leila Doukali : L’entrepreneuriat féminin qui est essentiellement représenté par les femmes opérantes dans le secteur du commerce et des services au Maroc a été bien entendu lourdement impacté par cette pandémie. Ce sont des secteurs qui ont été les premiers à souffrir de l’impact du Covid-19. Au sein de l’association nous essayons d’accompagner ces femmes dans cette période. C’est pour cela d’ailleurs que nous avons mis en place un programme d’aide qui est dédié aux femmes dont les entreprises ont été touchées par les effets de la pandémie.

Selon vous, quelles sont les mesures à prendre pour renforcer l’entrepreneuriat féminin au Maroc ?

Comme vous le savez, l’entrepreneuriat féminin est indispensable pour la relance économique. Il faut donc impérativement accompagner la femme chef d’entreprise. Parmi les freins liés à l’entrepreneuriat et à la création de projets, il y a tout ce qui est lié au financement. La femme n’a souvent pas de garanties à offrir aux banques. Le manque de formation fait aussi partie de ces obstacles. Culturellement, nous vivons également dans une société qui n’encourage pas l’autonomie de la femme pour aller de l’avant. Nous sommes dans une société qui reste patriarcale et soumise à l’appréciation d’un homme qui peut être un père ou un mari par exemple. A cela s’ajoute, le fait qu’il n’y a pas de moyens et de structures d’encouragement. Je citerai par exemple : l’insuffisance des crèches ou encore les moyens de transport qui ne sont pas au niveau. Tous cela pousse parfois la femme à ne pas avancer dans ces projets. On peut évoquer aussi la lourdeur des responsabilités familiales. Et là, il faut vraiment frapper sur l’inégalité. La femme marocaine est une vraie cheffe d’entreprise mais elle ne le sait pas. Quotidiennement, elle doit prendre des décisions, c’est elle qui gère le foyer du matin au soir. Elle gère un budget, elle se charge de l’éducation de ses enfants et fait face en cours de route à plusieurs contraintes. Tout cela fait que nous avons un taux de création d’entreprise qui est vraiment bas et quant nous avons un chiffre de Deloitte qui révèle que l’appétence de la femme marocaine à créer son entreprise est à environ 34%, je pense qu’il nous reste du chemin à faire. L’AFEM a encore beaucoup de travail à accomplir pour être auprès de ces femmes et les encourager dans leurs projets.

Le financement est une des barrières à l’entrepreneuriat féminin. Pourquoi les banques devraient-elles s’intéresser davantage aux entreprises dirigées par les femmes ?

Tout simplement parce que la femme dirigeante est rigoureuse et elle est solvable. Quand vous vous adressez à un banquier il préfère de loin prêter à une femme qu’a un homme. Parce que les femmes ressentent une certaine responsabilité à devoir rembourser leurs dettes. Par contre là où il y a problème, c’est que les banques n’accompagnent pas à 100%. L’apport fait souvent obstacle par exemple.

Quels conseils donneriez-vous aux femmes qui souhaitent entreprendre ?

Il est tout d’abord important d’avoir une véritable volonté de créer son entreprise et de contribuer au développement économique de son pays. Il faut aussi se dire : je veux m’autonomiser financièrement et pour y arriver j’ai une idée et un projet qui tiennent la route. Et puis surtout je recommande aux femmes qui souhaitent créer leur business de rejoindre l’AFEM parce que nous avons des programmes de formation, notamment avec Maroc-PME pour les porteuses de projets. Ces programmes sont complètement adaptés à ces femmes-là pour les accompagner à mettre en place un business plan et à voir beaucoup plus claire sur la suite. Ces programmes permettent de faire éclore leurs potentiels de cheffe d’entreprise.

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Rendez-vous avec l’Afem le 8 mars

L’Afem organise ce 8 mars à l’occasion de la journée internationale des droits de la femme une rencontre réunissant plusieurs intervenants du secteur public et privé. L’objectif étant de célébrer cette journée mais essentiellement de mettre en lumière l’importance de l’entrepreneuriat féminin dans la dynamique de relance. Cette conférence sera enrichie par des ateliers thématiques.

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