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Les enjeux actuels de la finance participative au Maroc

© D.R

Entretien avec Abderrahmane Lahlou, président de l’Académie de la finance participative (APAF)

Dynamique : L’écosystème des banques participatives poursuit son évolution au Maroc. Ce développement se confirme avec le lancement de Takaful qui a donné un nouvel élan au marché mais en même temps, le secteur est confronté (tout comme les autres activités) aux défis imposés par la conjoncture actuelle. Pour en analyser les enjeux et décrypter les différentes tendances du marché, l’Académie de la finance participative (APAF) organisera du 16 au 18 mars à Casablanca un symposium sous le thème «La finance participative outil d’inclusion et levier de développement». Joint par ALM, Abderrahmane Lahlou, président de l’APAF, nous livre son analyse.

ALM : Vous organisez du 16 au 18 mars le symposium SYMPART23. A qui s’adresse ce rendez-vous et quelles sont les thématiques qui y seront abordées?

Le Symposium de la finance participative qui se tient du 16 au 18 mars 2023 s’adresse principalement aux banques et Fenêtres participatives du Maroc et aux sociétés d’assurance Takaful. Il intègre également des bureaux de conseil, des SS2I, des organes de presse, des universités et organismes de régulation et de représentation nationaux et internationaux, ainsi que la presse spécialisée et les médias.
Dans ce rendez-vous annuel de la finance participative au Maroc et dans le monde, les professionnels et les acteurs de l’écosystème rencontrent le grand public et débattront aussi des sujets d’actualité du secteur, particulièrement la problématique bancaire du nécessaire équilibre des emplois et des ressources en provenance du marché et la problématique des placements de fonds pour les assurances Takaful. Le SYMPART vise donc deux objectifs : l’appropriation du concept et des offres des banques et organismes financiers participatifs par le grand public, d’une part, et l’échange scientifique avec des experts autour de pratiques internationales sur les questions de développement du secteur, d’autre part.
Le symposium se compose de deux activités parallèles, à savoir le Salon de rencontre du grand public et les Conférences d’échange et de débat.

Quelle analyse feriez-vous du paysage de la finance participative en 2023 ?

A valeur aujourd’hui, les chiffres officiels dont nous disposons sont ceux de juin 2022. L’activité des banques participatives maintient toujours le cap, surtout du côté des financements octroyés. A fin mai 2022, l’encours du financement participatif a atteint 21 milliards DH, marges comprises. Ce chiffre est en hausse de 8,7% depuis le début de l’année 2022. La grande part revient toujours à la Mourabaha de financement immobilier avec 83,5%, avec un encours en progression de 7,5%, à 17,5 milliards DH. L’encours du financement à la consommation, lui, a augmenté de 2,5% pour s’établir à 1,2 milliard et l’encours du financement de l’équipement a augmenté de 21% pour atteindre un peu plus de 2 milliards DH. Par contre, les dépôts à vue accusent un retard par rapport au volume relatif des financements octroyés. Cependant, ils progressent à un taux de 10,4% pour atteindre près de 6 milliards DH, 2 milliards DH pour les dépôts d’investissement. La croissance de ces dépôts d’investissement est un peu plus élevée et affiche un taux de croissance de 14,6%.

Le démarrage de nouveaux services a-t-il permis de donner un nouveau souffle à la finance participative au Maroc ?

Absolument, car un secteur complémentaire a vu le jour au début de l’année 2022, qui est celui de l’assurance Takaful. Cette activité s’est d’abord employée à combler les défauts de couverture des risques des contrats de financement de logements et biens immobiliers en Mourabaha, qui se sont cumulés depuis 2017. C’est une opération en voie de réussite puisque le stock couvert avoisine 60% des contrats de financement octroyés.
En seconde étape, les banques participatives agréées pour vendre des produits de Bancatakaful, ainsi que les intermédiaires se préparent déjà à attaquer le marché des particuliers et des entreprises pour placer des contrats d’assurance Takaful de multirisques bâtiments ou d’assurance vie. Plus tard, des produits d’épargne conformes à la charia seront également proposés au public.

Le contexte de crise actuelle accompagnée par l’inflation a-t-il un effet sur cette industrie au Maroc ?

Certainement, dans la mesure où la crise a touché les Marocains particuliers et les PME, ce qui va ralentir le recours au financement, mais si ralentissement il y a, il n’a pas dû toucher les banques participatives plus que les autres banques. Il y a également le relèvement du taux directeur du crédit, qui va également impacter les taux de marge des banques participatives, comme c’est le cas pour les banques conventionnelles, ce qui peut ralentir un peu le recours aux financements.

Selon vous, quels sont les atouts et les faiblesses de la finance participative au Maroc ?

Les banques participatives constituent un secteur naissant, avec 8 institutions bancaires, une demi-douzaine de compagnies d’assurance Takaful et quelques établissements opérant sur le marché des capitaux. Mais ce secteur, c’est aussi les milliers de TPE et PME, dont 40% ne prennent pas de crédit à la banque, et dont 58,2% de cette catégorie déclarent s’abstenir pour des raisons religieuses, selon la dernière étude d’Abwab. C’est un vrai vivier pour les banques participatives. Vous savez que dans le financement conforme à la charia, on ne prête pas à l’entreprise en créditant son compte mais qu’on achète pour son compte moyennant une revente à tempérament incluant une marge commerciale ferme et irrévocable, qui tient compte de l’échéance arrêtée pour le remboursement, et j’ai pris là l’exemple de la Mourabaha. Pour l’Ijara, ce principe est encore plus manifeste. C’est ainsi qu’on finance directement la création de valeur par les producteurs économiques.

Quelles sont les perspectives de ce secteur au Maroc et quelles sont les pistes d’amélioration à préconiser ?

Je dirais une meilleure bancarisation des particuliers et des entreprises, une réapparition de l’argent thésaurisé ou immobilisé dans du foncier et son intégration dans le circuit économique productif mais également l’émergence d’initiatives de création ou d’extension d’activités économiques. Et enfin, l’attrait de capitaux et étrangers de pays musulmans qui s’abstenaient d’investir au Maroc faute de banque islamique pour le dépôt et la gestion de leurs fonds.

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