Economie

Les exonérations fiscales affectent le système au Maroc

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ALM : Commençons par l’actualité et la polémique au sujet de la nouvelle taxe concernant les petits commerçants… Que pouvez-vous en dire ?
 

Idriss Azami Al Idrissi : Vous faites allusion à l’article 145 bis de la loi de Finances 2014. C’est un article qui s’inscrit dans le cadre d’une démarche claire et objective en matière d’équité fiscale. D’abord, la question du régime forfaitaire avait été longuement discutée durant les Assises sur la fiscalité au regard des principes d’équité et de justice fiscales. Ensuite, la pratique a démontré qu’un certain nombre de contribuables n’avaient rien à voir avec le régime forfaitaire, je fais allusion aux faux forfaitaires qui s’invitent au niveau de ce régime et bénéficient indûment de ses avantages, ce qui n’est pas du tout normal. Je le rappelle, le régime forfaitaire a été institué au bénéfice des petits contribuables lesquels sont définis par un chiffre d’affaires qu’ils ne doivent pas dépasser et qui bénéficient à ce titre d’un régime simplifié en termes d’imposition. Ce régime forfaitaire doit donc bénéficier et continuera à bénéficier exclusivement aux seuls petits commerçants, artisans et prestataires de service.

Vous avez décidé de suspendre cette mesure qui ne rentrera en vigueur qu’en 2015. Est-ce que vous l’avez définitivement enterrée ou bien sera-t-elle maintenue ?

Nous avions déjà prévu dans le cadre de la loi de Finances que cette disposition ne s’appliquera qu’à partir du 1er janvier 2015. Et je tiens à vous signaler que l’idée derrière ce calendrier était de s’offrir une marge de temps suffisante en 2014 pour discuter et échanger de tous les points avec les professionnels, les associations représentant les petits commerçants, les petits artisans et les prestataires de service.

Pour nous, il semble clair que les petits commerçants, artisans et prestataires de service doivent continuer à bénéficier du régime forfaitaire et de ses avantages. Au même moment, nous sommes décidés à continuer notre travail de contrôle et de lutte contre la fraude fiscale, pour faire en sorte que la législation fiscale s’applique de manière juste et équitable et que tout un chacun contribue à l’effort national en fonction de ses capacités contributives.

Après les dernières Assises sur la fiscalité, on peut presque dire que la montagne a accouché d’une souris puisque, mis à part l’imposition du secteur agricole et des retouches sur la TVA, rien de révolutionnaire n’a été adopté…

En matière de réforme fiscale, il faut dire que ce gouvernement a eu le courage d’organiser en 2013 de grandes Assises fiscales dans un cadre de partenariat avec le secteur privé et avec les partenaires sociaux. Il a réussi à discuter dans ce cadre plusieurs problématiques qui touchent notre système fiscal. Il est vrai que notre pays dispose d’un système fiscal moderne, mais ce système reste très affecté par toutes ces mesures, exonérations et exceptions introduites au fil du temps et qui étaient justifiées à un moment de l’histoire de notre économie. Les Assises fiscales ont pu relever plusieurs problèmes à ce niveau et trois axes fondamentaux ont pu être dégagés. Le premier est l’axe de l’équité et la justice fiscale, le deuxième concerne le rôle de la fiscalité dans l’amélioration de la compétitivité de l’économie et de l’entreprise et le troisième est au niveau de la relation entre l’administration fiscale et le citoyen. De manière générale, il faut se dire que la réforme fiscale n’est pas une réforme qui pourra être accomplie en une année. C’est plutôt un agenda qui s’étendra sur les prochaines années et qui devra concerner en priorité ces trois axes. Au niveau de la loi de Finances 2014, nous avons déjà commencé à travailler sur ces trois axes.

Et en dehors de ces trois axes?

Ces trois axes constituent l’essentiel de la réforme que nous avons commencé à mettre en œuvre. Nous avons à ce titre introduit des mesures dans le sens de l’amélioration de la relation et de la consolidation de la confiance entre l’administration fiscale et le citoyen. Je donne deux exemples concrets. Le premier concerne l’obligation d’un procès-verbal signé conjointement par l’administration et le contribuable attestant le commencement de l’opération du contrôle fiscal. Le second concerne l’institution d’un délai de 6 mois pour notifier les redressements au contribuable au titre du contrôle fiscal. Ces deux mesures donnent plus de confiance et de visibilité aux contribuables.

Comment comptez-vous améliorer la compétitivité de l’entreprise à travers toutes les mesures que vous citez ?

A ce titre, beaucoup de mesures ont été mises en œuvre, notamment au niveau de la catégorisation des entreprises qui a débuté en 2013. Et ce n’est pas tout, il y a également un travail qui s’accélère au niveau de la dématérialisation des procédures de déclaration et de paiement. Tout ceci implique que les entreprises citoyennes qui ont des comptes aux normes auront une relation plus fluide et plus simple avec l’administration fiscale. Dans le même sens, nous avons intégré l’obligation pour les professions libérales de la télédéclaration et du télépaiement des impôts. Nous avons également introduit deux mesures importantes au niveau de la loi de Finances 2014 qui concernent directement la trésorerie des entreprises à travers la suppression de la règle de décalage en matière de TVA.

Ce qui aura pour impact d’améliorer la trésorerie des entreprises et de faciliter la récupération de la TVA. De même, la loi de Finances 2014 a institué le principe du remboursement progressif du crédit de TVA cumulé pour la période de 2004 à 2013. Donc il y a un travail important qui a été fait et un agenda qui est parfaitement acté. Et d’ailleurs nous avons convenu avec le Parlement de continuer ce travail de partenariat et de concertation pour une mise en œuvre réussie des recommandations des Assises fiscales.

Les banques islamiques devraient être bientôt opérationnelles au Maroc. Est-ce que vous avez un calendrier précis les concernant ?

Il faut dire qu’il existe deux axes fondamentaux concernant la réforme de la loi sur les établissements de crédit. Le premier axe touche à la mise à niveau des normes en ce qui concerne la supervision et le renforcement du contrôle et la prévention des risques. Et le deuxième axe concerne l’intégration des banques participatives pour que nous puissions bénéficier de tous les instruments de financement qui seront introduits par ces banques. Sur le plan du calendrier, le texte se trouve au niveau de la Chambre des représentants.

Nous allons commencer sa discussion. Par ailleurs, le gouvernement a travaillé sur plusieurs textes concernant le secteur financier. Je tiens à ce titre à rappeler les textes sur le renforcement de l’indépendance et du rôle de l’autorité marocaine des marchés de capitaux et de l’autorité du contrôle des assurances. De même, le gouvernement a initié un texte sur le partenariat privé-public. Il s’agit de réussir le pari d’introduire le privé dans le financement et dans la réalisation des chantiers publics. La diversification de tous ces instruments financiers sera bénéfique pour notre pays. En disposant de ces différents instruments nous avons à la fois les moyens de mobiliser davantage d’épargne aussi bien nationale qu’internationale et les moyens de financer dans les meilleures conditions l’économie nationale et les projets publics. Enfin, tout cet arsenal juridique bénéficie par-dessus tout à la réussite de la place financière de Casablanca et fera ainsi de notre pays un hub financier d’excellence et consolidera la politique d’ouverture de notre pays.

Le gouvernement avait décrété dans le budget 2014 une amnistie les avoirs détenus à l’étranger. Comment les choses ont-elles évolué durant les premiers mois de 2014 ?

Quoique cette mesure vienne de commencer, les choses évoluent dans le bon sens. Elle s’inscrit d’abord dans le cadre des mesures de confiance et de mobilisation. Et c’est une disposition qui tire les leçons de l’expérience internationale en la matière. Elle donne la chance aux personnes ayant constitué des avoirs ou des actifs à l’étranger en infraction de la législation de change et fiscale, de régulariser leur situation. Deuxièmement, de bénéficier des mesures incitatives leur permettant de disposer de 75% de leurs avoirs dans un compte en devises ou en dirhams convertibles. Ces personnes bénéficient enfin de toute la confidentialité nécessaire, puisque cette procédure met le client en relation directe et exclusive avec sa banque dans une relation de confidentialité et de confiance.

Parlez-nous un peu de la loi organique relative à la loi de Finances…

Cette loi est très importante et figure parmi les grandes réformes introduites actuellement dans le sens où l’on est en train de parler d’un nouveau cadre légal pour la préparation, la programmation et la mise en œuvre des finances et des politiques publiques.

Cette loi entend inculquer à l’action publique la logique de résultats et la programmation pluriannuelle. De même, le projet de la loi organique de Finances prévoit des mesures rigoureuses en matière de création et de gestion des comptes spéciaux du Trésor et des services d’Etat gérés de manière autonome.
 

Deux points du PIB de plus

Quel est le niveau de confiance des partenaires étrangers par rapport au Maroc ?

Aujourd’hui, à travers le travail qui a été effectué et les efforts déployés, le Maroc jouit de la confiance de ses partenaires et cela est constaté au niveau du maintien de la ligne de précaution et de liquidité avec le Fonds monétaire international et du maintien de la notation d’Investment Grade par les agences de notation. Idem concernant le taux de l’indicateur de confiance des grandes entreprises nationales.

En une  seule année, c’est-à-dire entre 2012 et 2013, le Maroc a pu récupérer deux points de PIB au niveau du déficit budgétaire, en passant d’un déficit de 7,3% du PIB à 5,4% et de son compte courant de la balance des paiements, en passant d’un déficit de 9,7% du PIB à 7,7%.

C’est une réalisation exceptionnelle, accomplie grâce aux efforts fournis en termes de rationalisation des dépenses et de mobilisation des recettes et des réformes initiées au niveau de la compensation. Ces résultats  permettent le maintien de la confiance des investisseurs nationaux et de nos partenaires étrangers, et partant la compétitivité et l’attractivité de l’économie nationale.

Quelle lecture faites-vous de la situation économique de notre pays ?

Nous avons une situation aujourd’hui qui, au niveau des indicateurs macroéconomiques, est meilleure et qui ne cesse de s’améliorer de jour en jour. Notre pays va de l’avant et la destination Maroc est de plus en plus prisée.

 

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