Economie

Les mentalités plombent encore l’entrepreneuriat féminin

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Fraîchement élue à la tête de l’AFEM, Asmâa Morine Azzouzi livre sa vision et ses impressions sur l’évolution de la femme dans le monde des affaires et les obstacles qu’elle rencontre lorsqu’elle souhaite contribuer à l’enrichissement du PIB national. Entretien avec une femme modeste, simple et engagée depuis 10 ans par conviction mais aussi par passion…

ALM : Quand avez-vous intégré l’AFEM et quelles ont été vos motivations de départ ?
 

Asmâa Morine Azzouzi : J’ai intégré l’AFEM il y a 10 ans, et pour tout vous dire, c’est la curiosité qui m’y a amenée plus qu’autre chose. Je voulais vivre de l’intérieur ce qu’une association de femmes entrepreneures pouvait apporter de particulier à ses membres d’autant que pour moi l’entrepreneuriat n’a pas de sexe et que les prérequis et les challenges sont comparables pour un homme comme pour une femme. Ce qui au départ était une simple curiosité s’est transformé en véritable passion et je me suis impliquée depuis mon adhésion dans 3 bureaux successifs. La variété des projets menés et leur haute valeur informationnelle et participative m’ont convaincue de l’intérêt de se rendre utile pour ses pairs. Sans oublier que le simple fait d’avoir un espace d’échange dédié à la femme entrepreneure permet de briser la solitude que connaît chaque entrepreneur et permet d’évacuer le stress en partageant les expériences. Pour l’égalité face à l’entrepreneuriat, au fil du temps, j’ai appris à nuancer mes convictions car la femme entrepreneure connaît des difficultés supplémentaires liées à la difficulté d’accès au financement qui semble plus accentuée pour les femmes, la frilosité face à l’ouverture à l’international, sans oublier la difficulté à gérer ses multiples responsabilités familiales et professionnelles.

Pourtant, vous vous êtes faite très discrète, médiatiquement parlant, alors que vous êtes une cheville ouvrière de l’association. Un trait de votre personnalité ou autre chose ?

Vous savez, la visibilité médiatique n’est pas un baromètre de l’efficacité ni de la compétence. On peut être discret et néanmoins être apprécié et respecté par ses pairs. Par contre, la visibilité peut avoir ceci de bon qu’elle peut mettre en avant des femmes qui ont décidé d’opter pour l’entrepreneuriat comme choix de vie. Au Maroc, très peu de femmes entrepreneures sont visibles médiatiquement et je trouve cela dommage. Nos jeunes filles ont besoin de figures auxquelles elles peuvent s’identifier et prendre comme modèles. D’ailleurs, il est prévu dans mon programme pour les 3 années à venir de mettre systématiquement en avant des femmes qui prennent un jour le risque d’être leur propre chef, montrer leur parcours et humaniser un choix de vie qui paraît encore prohibitif pour les femmes.

Votre regard sur l’évolution de la position de la femme marocaine dans la société ?

La femme marocaine a mené des combats rudes pour faire bouger le droit d’abord avec le nouveau code de la famille qui a mis fin grâce à SM le Roi Mohammed VI à  l’aberration juridique qu’était l’ancienne Moudawana. Le code de la nationalité et l’article 19 de la Constitution qui consacre l’égalité homme-femme représentent aussi des signes d’avancée favorable à la femme. Or tout cet arsenal juridique ne peut occulter que dans les faits la situation de la femme reste très précaire du fait des mentalités qui peinent à suivre l’évolution juridique et réglementaire.

Quel est votre sentiment pour le futur compte tenu des nombreux dérapages recensés cette année et repris fortement sur les réseaux sociaux pour exprimer le mécontentement des femmes au Maroc quant à leur position?

Honnêtement, je suis inquiète car nous sommes sur une pente dangereuse avec la multiplication d’actes discriminatoires pour la femme. La société civile a ici un devoir de vigilance pour dénoncer, expliquer, militer pour que les droits individuels soient garantis pour tous les citoyens hommes et femmes bien évidemment dans le pur respect de la loi.

Pensez-vous que culturellement la femme est avantagée pour braver les obstructionnistes et forcer les portes ?

Elle n’a pas le choix c’est soit refuser l’aliénation, soit accepter d’être marginalisée et placée sous tutelle, ce qui serait une insulte pour plusieurs générations de militantes et de femmes engagées qui par leur persévérance ont fait bouger les lignes. La femme marocaine a toujours été une femme d’influence même quand elle était cloîtrée chez elle. De ce fait, elle est avantagée pour forcer les portes, la génération actuelle n’a juste pas le droit d’être défaitiste.

Comment comptez-vous mener votre mandat pour faire du lobbying dans ce sens ?

Nous sommes une association de femmes entrepreneures et à ce titre nous avons initié en 2006 un programme d’incubateurs au féminin appelé Maroc Pionnières à travers lequel nous agissons pour encourager l’entrepreneuriat féminin par de la sensibilisation, de l’incubation et de l’accompagnement de porteuses de projet. C’est notre contribution à nous pour encourager un maximum de femmes à entreprendre et prendre leur destin en main.
 

Quelles sont les principales actions retenues pour capitaliser sur le travail déjà entrepris ?

Nous allons bien évidemment consolider tous les projets portés par l’AFEM et qui portent les germes du succès comme Maroc Pionnières avec notre partenaire Paris Pionnières, Min Ajliki avec la coopération belge APEFE pour l’encouragement à l’entrepreneuriat féminin, le projet d’industrialisation des entreprises féminines avec UNIDO et nous comptons mettre en place d’autres projets et services pour accompagner le développement de l’entreprise féminine au Maroc.
 

Si vous devez faire un bilan aujourd’hui, quelles sont les principales forces et faiblesses de l’association ?

L’AFEM a acquis un rayonnement indéniable qui ne s’est jamais démenti car elle est portée depuis 15 ans par des femmes engagées qui innovent continuellement pour hisser toujours plus haut cette belle association.
L’AFEM bénéficie, en outre, d’un positionnement très clair qui la place d’emblée comme le porte-parole reconnu de l’entrepreneuriat féminin au Maroc.
Pour les faiblesses, et je n’aime pas ce mot car nulle faiblesse ne résiste à l’énergie déployée pour la dépasser, je dirais que notre volonté est de drainer plus de fonds, ce qui nous permettrait d’être sur un trend gagnant en termes de richesse de l’offre des services et en termes de visibilité à moyen terme.

Un mot pour clôturer le débat ?
Je lance un appel à toutes les femmes entrepreneures du Maroc qui ne sont pas encore membres de l’AFEM, je vous dis : rejoignez-nous et vivons ensemble cette belle aventure appelée entrepreneuriat.

Bio Express

Asmâa Morine Azzouzi est lauréate de l’ISCAE cycle normal et cycle supérieur.

Elle est membre du club marocain de l’intelligence économique et membre du bureau de la Fédération commerce et services à la CGEM.

Dans l’entrepreneuriat depuis 2002, elle gère un cabinet d’accompagnement stratégique et en investissement orienté vers les investisseurs étrangers.
Asmâa est mariée et mère de trois enfants.

 

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