L’émergence d’un écosystème de monnaie numérique au Maroc attire les startups américaines implantées en Europe
Finance. L’année 2026 sera sous le signe de la monnaie numérique qui révolutionnera le paysage financier au Royaume avec des enjeux stratégiques. Eclairages.
Alors que les banques françaises effectuent un repositionnement stratégique au Maroc et que les Britanniques mettent les dernières retouches pour tenter une percée, les startups américaines dans le domaine des monnaies numériques pourraient également s’inviter. Tous anticipent l’émergence très prochaine au Maroc d’un véritable écosystème de blockchain (technologie utilisée pour les cryptomonnaies). Justement, le Royaume s’apprête à légiférer en la matière avec l’adoption d’un projet de loi destiné à encadrer l’usage des cryptomonnaies au Maroc. La dernière année de la législature actuelle, qui démarre dans quelques semaines, sera une occasion pour lancer le processus d’adoption dans le circuit législatif.
Un texte qui devrait faire encadrer l’usage notamment des stablecoins. Contrairement à leurs pairs comme les «bitcoins», les autorités dans de nombreux pays privilégient les stablecoins jugés plus sûrs ou plutôt plus stables, d’où leur dénomination. En effet, ces derniers reproduisent la stabilité des monnaies fiduciaires ordinaires comme le dollar américain avec un avantage compétitif caractéristique des cryptomonnaies permettant des transferts de valeur rapides, confidentiels à des tarifs bon marché grâce à une connexion à Internet et un e-wallet. Ils sont généralement donnés à des valeurs traditionnelles comme le dollar ou bien l’or.
Top départ US
Le développement rapide des stablecoins a été rendu possible grâce à la mise en place il y a quelques semaines d’un cadre légal aux Etats-Unis d’Amérique avec l’appui du président Trump. En effet, le «GENIUS Act» est une loi américaine de 2025 qui établit un cadre réglementaire complet pour les stablecoins (voir encadré).
Elle impose aux émetteurs de respecter des règles strictes concernant les réserves (100 % de l’équivalent en actifs liquides comme des bons du Trésor), la protection des détenteurs en cas d’insolvabilité, la transparence mensuelle des réserves et le respect de la loi sur le secret bancaire pour la lutte contre le blanchiment d’argent. L’objectif est de favoriser l’innovation tout en renforçant la stabilité et la confiance des consommateurs dans le marché des stablecoins, positionnant les États-Unis en leader de la finance numérique.
Le Maroc pourrait à son tour devenir le leader en Afrique et en Méditerranée occidentale. L’une des principales niches sera sans nul doute les transferts des MRE. Alors qu’un nouveau cadre réglementaire menace le volume des transferts des MRE, le hasard du calendrier fait que les stablecoins deviennent une alternative simple, efficace et beaucoup moins chère.
E-dirham
L’adoption d’une loi au Maroc sur les cryptomonnaies sera un premier jalon en attendant l’arrivée de le e-dirham également prévue par les autorités pour compléter l’écosystème national. Il faut préciser que le e-dirham n’est plus un concept mais une réalité avec les premiers tests. Le wali de Bank Al-Maghrib, (BAM), Abdelatif Jouahri, avait fait le point lors de l’ouverture du séminaire continental de l’ABCA (Association des Banques centrales africaines) pour l’année 2025, placé sous le thème « Cyber-risques et technologies financières innovantes : défis et mesures stratégiques». «La monnaie digitale de la Banque centrale (MDBC), en tant que monnaie souveraine, peut effectivement constituer une option de paiement numérique aussi bien dans sa version de gros que de détail.
A l’instar d’autres pays du continent, nous avons réalisé au niveau de Bank Al-Maghrib des études sur l’émission d’une monnaie digitale de la Banque centrale avec l’appui de la Banque mondiale et du FMI. Ces travaux ont principalement porté sur la définition des objectifs stratégiques de la MDBC, ses éventuels impacts macroéconomiques et sur les systèmes de paiement», a expliqué M. Jouahri. Ce dernier a ainsi révélé une première expérience. «Nous avons mené une première expérimentation qui a porté sur le cas d’usage de paiement (Peer-to-Peer) de détail. Nous sommes en train de mener une autre expérimentation, en collaboration avec la Banque centrale d’Egypte et avec l’appui de la Banque mondiale, sur le cas d’usage dans le transfert transfrontalier. Nous projetons de compléter ce projet par des études et analyses sur les aspects juridiques et règlementaires», a t-il expliqué.
Ecosystème
L’arrivée de le e-dirham et l’adoption d’une loi sur les «cryptos» sans oublier les changement prévus concernant le régime de change et le panier de devise vont certainement renforcer l’usage des stablecoins qui, contrairement aux cryptomonnaies volatiles et spéculatives, constituent une monnaie de valeur prévisible et sécurisée. Un MRE peut par exemple envoyer une somme en dollars numérique à sa famille qui pourra après quelques minutes la changer en dirhams ou la dépenser en ligne. Il s’agira alors d’une véritable révolution avec un fort impact économique et financier. Le poids des transferts des Marocains du monde demeure très important. Les recettes des transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE) ont atteint un niveau record de 119 milliards de dirhams (MMDH) en 2024, en hausse de 3,3% par rapport à une année auparavant, selon l’Office des changes. Ces recettes ont affiché un taux de croissance annuel moyen (TCAM) de 5,7% durant la période 2021-2024, fait savoir l’Office qui vient de publier son rapport «Balance des paiements et position extérieure globale du Maroc» au titre de l’année 2024. Ledit rapport révèle aussi que le solde des revenus des transferts courants privés est passé de 128,4 MMDH en 2023 à 133,5 MMDH en 2024. Cette augmentation résulte de l’accroissement des recettes de 4,5%, atténué toutefois par la hausse des dépenses (+19,2%). D’après la même source, la progression des recettes provient, essentiellement, de l’augmentation des envois de fonds des MRE (+3,8 MMDH), principale composante des transferts courants privés.
«Genius Act»
Loi. Le « GENIUS Act » (Guiding and Establishing National Innovation for US Stablecoins Act) est une loi américaine adoptée en juillet 2025 qui établit le premier cadre réglementaire fédéral pour les stablecoins, des monnaies numériques adossées à des devises traditionnelles, principalement le dollar américain. Le GENIUS Act a été promu par l’administration Trump et a reçu un soutien bipartisan au Congrès. Il marque une étape significative après des années d’incertitude réglementaire, visant à combler le vide juridique et à rassurer le marché. Cette législation vise à assurer la stabilité financière, à protéger les consommateurs, à prévenir le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme et à favoriser l’innovation et l’adoption de ces actifs numériques. La loi met en place des règles claires pour les émetteurs de stablecoins, leur imposant de détenir des réserves (en monnaie physique, bons du Trésor, etc.). Les émetteurs de stablecoins sont tenus de respecter la loi sur le secret bancaire (Bank Secrecy Act), ce qui implique la mise en place de mesures anti-blanchiment et anti-financement du terrorisme. La loi vise à renforcer la protection des consommateurs en introduisant des garde-fous et une plus grande transparence dans le secteur des actifs numériques. En apportant de la clarté réglementaire, le GENIUS Act est censé encourager l’adoption des stablecoins par les particuliers et les entreprises et propulser l’écosystème des actifs numériques.














