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Lobbys de l’UE : une guerre commerciale contre le Maroc ?

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Protectionnisme. Plusieurs mesures annoncées récemment par l’Union européenne ciblent particulièrement les intérêts économiques et commerciaux du Royaume dans différents secteurs, ce qui commence à susciter des interrogations sur les véritables motivations de ces attaques. Eclairages.

Théoriquement, le Maroc et l’Union européenne sont des partenaires de longue date. Le Maroc a même un statut avancé avec l’UE. En pratique, les décisions prises à Bruxelles mettent à mal ce partenariat. Il est de notoriété publique que certaines parties au sein de l’Union ainsi que des lobbys voient d’un mauvais œil depuis de longues années, les choix stratégiques et la dynamique économique au Maroc mais les dernières décisions semblent aller encore plus à l’encontre des intérêts souverains du Royaume. Dans le domaine de la finance et des banques, l’entrée en vigueur de la directive européenne CRD VI est perçue de ce côté de la Méditerranée comme une véritable menace à la fois pour la balance des paiements et les dépôts bancaires de la diaspora marocaine établie en Europe. La situation est telle que le wali de Bank Al-Maghrib a annoncé lors de son dernier point de presse une prochaine réunion importante avec le gouvernement afin de préparer la défense de la position marocaine et assurer ainsi la continuité de l’activité normale des banques marocaines au niveau des pays de l’Union européenne. Il faut préciser que la directive (CRD VI) revoit en profondeur le traitement des succursales d’établissements de crédit de pays tiers (comme le Maroc) au sein de l’Union européenne. La directive est présentée comme un outil essentiel du développement, visant à favoriser l’intégration financière dans l’Union européenne. Cela dit, ladite directive impose aux filiales de banques étrangères opérant en Europe de mettre à la disposition des clients potentiels des produits et services financiers européens et non ceux de leur pays d’origine. Déjà à l’été 2023, la Banque centrale marocaine avait annoncé qu’une commission menée par le ministère des affaires étrangères aura des discussions avec l’Union européenne pour que les transferts de fonds des MRE ne soient pas entravés par la directive européenne relative aux succursales bancaires de pays tiers. Concrètement, le ministère des affaires étrangères avait mis en place une task force qui comprend notamment le ministère des finances, Bank Al-Maghrib et les banques marocaines, pour discuter avec l’Union européenne de ce sujet crucial.
Les responsables marocains auraient alors eu par la suite des signaux positifs de la part de leurs homologues européens après les premiers échanges. Mais la dernière sortie médiatique de la direction de BAM laisse penser que la menace est bel et bien réelle et imminente tout comme pour les exportations industrielles du Maroc.

Jantes en aluminium
Il y a quelques jours, la Commission européenne a annoncé l’application des droits compensateurs définitifs allant de 5,6% à 31,45% sur les jantes en aluminium marocaines sur la base d’une plainte de l’Association des fabricants européens de roues (EUWA). En vertu du règlement d’exécution n°500/2025, ces droits s’élèvent à 31,45% pour la société Dika Morocco Africa et à 5,60% pour la société Hands8 Dex. Pour les responsables de la commission, cette décision fait suite aux conclusions de l’enquête initiée, le 16 février 2024, par la Commission européenne suite à la plainte de l’EUWA. Une enquête qui avait conclu à une «concurrence déloyale préjudiciable à l’industrie européenne» en raison, semble-t-il, «de subventions de l’Etat marocain et de la Chine» aux produits concernés. Cette situation pousse les responsables marocains à réagir. Interrogé sur la question à l’occasion du point de presse à l’issue du dernier Conseil de gouvernement, Mustapha Baitas, ministre délégué auprès du Chef du gouvernement chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, a affirmé que «le partenariat avec l’Union européenne est global et ne saurait être soumis à une logique sélective», réitérant la position marocaine au sujet de la surtaxe décidée par la Commission européenne. Les exportations agricoles marocaines ne sont pas non plus dans une meilleure posture, subissant des attaques continues. La dernière en date remonte à quelques jours seulement lorsqu’une Eurodéputée espagnole du Groupe du Parti populaire européen a repris les accusations de la Coordination des organisations d’agriculteurs et d’éleveurs espagnols (COAG), contre les exportateurs marocains de tomates demandant le versement de 71,7 millions d’euros en droits en raison de dépassements de quotas entre 2019 et 2024. Les producteurs espagnols estiment qu’un volume de près de 230.000 tonnes de tomates supplémentaires aurait été introduit chaque année sur ladite période échappant aux taxes devant être appliquées au-delà du contingent prévu dans le cadre de l’accord entre le Maroc et l’UE. Christophe Hansen, commissaire européen à l’agriculture et à l’alimentation, a affirmé que les autorités douanières ont collecté 81 millions d’euros de droits de douane sur les importations de tomates fraîches marocaines sur la période concernée. « Sur cette base, la Commission n’a détecté aucune évasion fiscale », a t-il indiqué. Cette dernière attaque vient s’ajouter à d’autres au cours des derniers mois. En février 2024, la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural a diffusé une communication pour manifester son inquiétude au sujet des attaques répétées contre les produits agricoles marocains exportés vers l’Union européenne. «Nous exprimons notre inquiétude suite aux attaques récurrentes et infondées dont les produits marocains font l’objet ainsi que la stigmatisation médiatique dont les agriculteurs marocains sont les victimes collatérales. La Comader entend œuvrer avec ses partenaires européens à la préservation de la relation commerciale au bénéfice des deux parties, dans le cadre d’un respect mutuel du flux des marchandises et ne saurait tolérer aucune action contraire», avait alors affirmé la Confédération. Jusqu’à quand donc les intérêts du Maroc seront-ils pris pour cible?

Harcèlement juridique
Partenariat. Le Maroc a exigé à plusieurs reprises de l’UE que soit mis fin, une fois pour toute, à l’harcèlement, notamment devant la justice européenne. « Le Royaume du Maroc attend de l’UE qu’elle prouve son engagement envers le partenariat par les actes et non les paroles (…). Il attend des propositions et des mesures pratiques à même de répondre aux interrogations et défis auxquels fait face ce partenariat ». Les mots du ministre des affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, prononcés lors d’un point de presse à l’issue de sa rencontre avec le commissaire européen à la politique de voisinage et à l’élargissement, Oliver Varhelyi, le 25 novembre dernier à Rabat, résument sans ambages la position du Royaume. Une ligne de conduite et une position de principe maintes fois répétées par le Maroc qui attendent de l’UE d’œuvrer à préserver et développer ce partenariat, qui n’a pas d’égal en termes de densité et de profondeur dans tout le voisinage sud de l’UE. Un partenariat structuré dans un cadre statutaire unique, représenté par le « Partenariat euro-marocain de prospérité partagée », lancé le 27 juin 2019 à Bruxelles. Attachée à ce partenariat, l’UE dit en prendre toute la mesure. «Le Maroc, un partenaire fiable, disponible et sérieux, et un pilier de stabilité et de prospérité sur le plan de la sécurité régionale, est indispensable pour l’UE», a assuré le commissaire Varhelyi. C’était la troisième fois depuis la décision de la Cour de justice de l’UE, annulant les accords de pêche et agricole entre Rabat et Bruxelles, que l’UE réaffirmait cet attachement. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le haut-représentant de l’UE, Josep Borrell, avaient réitéré, dans une déclaration conjointe -un acte politique rare- l’engagement du bloc européen en faveur davantage de préservation et de renforcement des relations étroites avec le Maroc dans tous les domaines. Preuve de l’unanimité dans l’UE quant à l’«immense valeur» accordée au partenariat stratégique de « longue portée, de longue durée, très dense et approfondi » avec le Maroc, plusieurs Etats membres de premier plan et des députés de toutes les familles politiques au sein du Parlement européen ont exprimé leur attachement à cette relation singulière.

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