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M. Amine Laghidi : «Il faut transformer nos exportations en des flux tirés et non pas poussés»

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Entretien avec M. Amine Laghidi, expert international et vice-président du Congrès africain des mines et des énergies

ALM : Nous avons toujours tendance à parler de logistique comme activité et métier. Comment peut-on la définir?

M. Amine Laghidi : La logistique est avant tout une science de la logique. Elle a toujours été placée au cœur des stratégies militaires. En tant que profession, la logistique est un métier noble et créateur de valeur. C’est pourquoi aujourd’hui on parle de «chaîne de valeur». Nous ne nous situons plus dans une logique de «rapport qualité-prix» mais plutôt dans une perspective de «branding» (image de marque) qui doit refléter de manière optimale la philosophie de l’entreprise, sa valeur et sa perception client.

La stratégie marocaine de compétitivité de la logistique répond-elle, aujourd’hui, à cette logique de création de valeur ?

La stratégie logistique a été ambitieuse lors de son lancement mais il faut qu’elle soit façonnée autour de projets-clés de taille humaine, adaptés aux PME et TPE marocaines. Justement, il faut qu’elle soit orientée «création de valeur ajoutée» et non pas foncier, et ce dans une approche collaborative entre le public et le privé. Il ne suffit pas de bâtir et observer mais plutôt d’identifier le besoin réel des opérateurs privés en vue de développer des zones sur mesure. Une autre priorité fondamentale à tenir en compte est d’investir à l’international, notamment en Afrique, en Europe, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis d’Amérique. Il faut, en effet, penser logistique et commercial et mettre en œuvre dans ces marchés stratégiques des vitrines commerciales dédiées qui couvrent derrière toute une chaîne logistique qui est massifiée et une expertise dédiée au marché, à ses clients et ses contraintes. En capitalisant sur ces points, nous allons aider les entreprises marocaines à s’internationaliser avec le moindre coût. Le producteur marocain reste ainsi focalisé sur son métier de base qui est de produire. Le reste sera géré à travers des centrales dans le cadre d’un rapprochement public-privé.

Qu’est-ce qu’il faut améliorer dans ce sens?

En logistique il y a deux manières de procéder : en pull ou en push. Autrement dit, soit on identifie le besoin du client pour le servir ou bien on produit dans l’attente du client potentiel. Notre stratégie logistique porte sur une logique de push. Il faut transformer nos exportations en des flux tirés et non pas poussés. Ceci nous permettra d’attirer les «grands comptes», des clients-clés qui jouent le rôle de locomotive à l’export. C’est un gage de confiance, de rentabilité et d’optimisation. Ainsi, les facteurs de risques, de coûts et d’inadéquation entre la production et le besoin du marché diminueront drastiquement. A cet effet, tout le système de production de la matière première à la livraison est contrôlé avec une traçabilité et une démarche qualité garantie. Il est à souligner que la qualité est un état d’esprit et pour qu’il s’instaure il faut que les gens le visualisent. Pour ce qui est des locaux, on peut dire que nous sommes dans une bonne logique immobilière.

Le transport maritime capte l’essentiel de l’activité logistique. Quelles sont les problématiques qui freinent l’élan des opérateurs?

Je citerais les surestaries (sommes à payer en cas de dépassement du temps convenu pour le chargement et le déchargement). Ce problème structurel persiste toujours malgré le grand effort consenti en matière de digitalisation et de modernisation des portiques qui répondent aujourd’hui aux normes méditerranéennes et africaines. Ce qui arrive très souvent c’est quand la marchandise arrive et que l’entreprise n’a pas le cash nécessaire pour dédouaner ou ces entrepôts sont pleins, la marchandise reste détenue dans les ports au-delà des délais de franchise fixés qui peuvent aller de 3 jours à 21 jours en fonction des entreprises maritimes. Ce retard génère des coûts car avant tout le port est un espace de vie où transitent les flux et non pas pour y rester.

Comment peut-on remédier à cela ?

Les entreprises qui ont ce problème fréquemment doivent investir dans des conteneurs. Acheter un conteneur reviendra moins cher plutôt que de payer pour la détention. Et pour éviter la déperdition de la marchandise surtout pour les entités qui changent de référence, il serait judicieux d’importer des petites quantités jusqu’à ce que leur cargaison soit référencée par le laboratoire du port.

Globalement comment vous, en tant qu’opérateur, avez vécu la crise sanitaire. Et comment voyez-vous la relance du secteur ?

La crise sanitaire n’a fait que renforcer nos chaînes de valeur. Les gens avaient besoin d’un fournisseur qui soit le plus proche possible. Le Maroc a un pavillon géographique qui couvre un bon nombre de régions en moins de 15 jours. Nous pouvons faire l’Angleterre en 5 jours, l’Europe entre 7 à 5 jours ainsi qu’une bonne partie de l’Afrique dans les mêmes délais. Ce sont là des chaînes de valeur qui permettent de servir les clients de manière continue. Nous avons aussi une bonne réputation en termes de gestion de crise. En somme, Il va y avoir une restructuration. Beaucoup d’économies veulent rebâtir leur souveraineté et automatiquement il va y avoir des phénomènes de «clustérisation». C’est une opportunité pour le Maroc afin d’attirer de nouveaux investissements.

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