La sphère financière a beau être en crise depuis environ un an, le nombre de créations de sociétés de gestion de portefeuilles en France ne fléchit pas, porté par des gérants désireux de proposer des formules plus personnalisées. La tempête qui secoue le monde financier ne dissuade pas les nouveaux venus dans le cercle de la gestion: fin juin, l’Autorité des marchés financiers (AMF) avait agréé 23 sociétés de gestion – passage obligé pour que ces sociétés puissent exercer – et ne constatait pas de baisse de rythme. Sur l’ensemble de l’année 2007, 52 sociétés avaient obtenu l’agrément de l’AMF, et 42 en 2006.
En dix ans, le nombre de sociétés de gestion de portefeuilles a augmenté de 60%, pour s’élever à 536 fin 2007, selon l’Association française de la gestion financière (AFG). Or, depuis l’été 2007 et l’éclatement de la crise du «subprime», qui s’est ensuite propagée à l’ensemble du secteur financier, les investisseurs évoluent en milieu hostile: les principaux indices boursiers ont cédé entre 15% et 20% et le marché du crédit s’est contracté. Un paradoxe qu’explique «facilement» Bernard Pochat, gérant chez Sully Asset Management, une société créée au début de l’année: «la plupart des gérants ne sont pas satisfaits des grands réseaux bancaires et les clients de se retrouver dans des compartiments. Ils veulent du sur-mesure». «Plus la situation est difficile, plus on a besoin de spécialistes pour y voir clair», tacle Pierre Bollon, directeur général de l’AFG. Marc Renaud, anciennement gérant chez UBS et fondateur de Mandarine Gestion, rejette également la contradiction. «Je n’ai pas forcément besoin d’un marché qui monte fortement, j’ai besoin d’un marché calme dans lequel les investisseurs n’ont pas peur», ajoute M. Renaud qui a trouvé assez aisément des actionnaires institutionnels qui lui ont confié 270 millions d’euros à gérer. «La situation sur les marchés financiers est difficile, mais peut offrir des opportunités à certains qui ont du talent dans un type de gestion particulier, parce qu’ils connaissent bien tel type de marché ou de clientèle», confie de son côté Pierre Bollon.
Ainsi, les fonds de fonds, le capital-risque, les fonds immobiliers ou la gestion alternative, de type «hedge funds», sont-ils plus enclins à tirer leur épingle du jeu, énumère M. Bollon.
La crise révèle également les vertus du «stock-picking», un type de gestion qui consiste à sélectionner les valeurs sans suivre les grands indices boursiers. «L’idéal, c’est d’être très innovant dans la création d’un produit ou dans le positionnement de la gestion», assure pour sa part Marc Renaud, qui planche sur l’idée de gestion «éthique et responsable». Le cas de Richelieu Finance, menacé d’une crise de liquidités, et qui a finalement trouvé un repreneur fin janvier en la personne du belge KBC Groupe, n’a pas échaudé les volontés. Un gérant en attente de l’agrément de l’AMF évoque toutefois un «syndrome Richelieu»: le gendarme boursier reste très exigeant pour les nouvelles créations de sociétés de gestion.Pour Marc Renaud, il est vrai que «dans le contexte, les exigences se sont renforcées sur le contrôle des risques, tout ce qui est procédure en matière de déontologie, rémunérations, comment va fonctionner la société pour le côté administratif». «La crise a montré les dysfonctionnements du secteur financier et les sociétés de gestion adaptent leurs moyens à cette nouvelle situation», ce qui a révélé notamment le prix à payer pour posséder des actifs liquides, confirme Pierre Bollon.