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Malgré les nombreux assouplissements du cadre réglementaire: Bilan mitigé pour la titrisation au Maroc

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A son démarrage au Maroc, la titrisation n’était possible que pour les établissements de crédit, les établissements publics, les compagnies d’assurance et de réassurance ou encore les  personnes morales délégataires ou titulaires de licences d’exploitation de services publics.

Présentée il y a encore peu comme une voie prometteuse pour le financement des entreprises, la titrisation de créances est loin d’avoir tenu ses promesses au Maroc. Cette technique qui permet aux organismes publics ou privés de céder des créances ou des actifs tangibles pour gagner en liquidité a certes drainé des capitaux non négligeables depuis qu’elle a été mise en place. Depuis sa création il y a un peu moins de 15 ans, Maghreb Titrisation (seul organisme agréé par le ministère des finances en tant que société de gestion de Fonds de placements collectifs en titrisation –FPCT- au Maroc) a arrangé et géré 17 opérations pour un volume d’environ 15 milliards DH.

Ce chiffre a été réalisé essentiellement avec des banques ayant cédé des prêts hypothécaires, notamment CIH Bank (maison mère de Maghreb Titrisation) qui a été pionnière sur cette technique au Maroc avec un montage réalisé dès 2002 et trois opérations accomplies depuis pour un total de plus de 4,2 milliards DH. Banque Populaire lui a emboîté le pas début 2012 avec la cession d’un milliard DH de prêts. Crédit Agricole a pour sa part titrisé pour près d’un milliard d’actifs immobiliers avec deux opérations réalisées fin 2013 et à la mi-2015. Les entreprises privées ne sont représentées que par le spécialiste de la grande distribution, Label’Vie, qui a titrisé pour 456 MDH d’actifs immobiliers fin 2014. S’ajoute à cela l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), seul organisme public à s’être essayé à la titrisation à ce jour, qui a cédé des créances commerciales à travers 4 opérations totalisant 5,3 milliards DH depuis juin 2013. Notons par ailleurs que Maghreb Titrisation a aussi structuré des opérations à l’étranger pour le compte de la Banque internationale arabe de Tunisie (BIAT) pour une consistance de 450 MDH.

Mais en dépit de tout cela, la titrisation reste bien en dessous de son potentiel selon le consensus des spécialistes. Notons déjà que le montant total des opérations de titrisation depuis la mise en place de cette technique reste bien en dessous des capitaux levés à travers toutes les voies de financement qui s’offrent aux opérateurs. Par exemple, les banques.

Surtout, il faut rappeler que les pouvoirs publics n’ont pas ménagé leurs efforts pour apporter de nombreux assouplissements au cadre réglementaire de la titrisation qui devaient en théorie faire accéder cette technique à un nouveau palier. En effet, à son démarrage au Maroc, la titrisation n’était possible que pour les établissements de crédit, les établissements publics, les compagnies d’assurance et de réassurance ou encore les  personnes morales délégataires ou titulaires de licences d’exploitation de services publics. Cette cible s’est ensuite considérablement élargie avec une révision de la loi en 2013. Celle-ci donne la possibilité d’initier des opérations de titrisation à toute «personne, organisme ou entité», ce qui comprend donc l’Etat et non plus seulement les établissements publics, mais aussi tout le secteur privé.

Plus que cela, le champ a été élargi au-delà des simples créances, aux actifs incorporels (les créances mais aussi les droits de propriété intellectuelle par exemple) et surtout à ceux corporels, ce qui englobe tous les types de biens immobiliers ou mobiliers y compris le matériel et outillage ainsi que les matières premières. Ces assouplissements ont certes eu un effet positif juste après leur mise en place. En effet, sur les 15 milliards DH levés à travers la titrisation depuis ses débuts, 9 milliards DH (60%) ont été drainés après l’amendement de la loi en 2013. Mais l’on est encore loin d’exploiter toutes les possibilités offertes par la loi.

Ainsi, comme il ressort des différentes opérations citées auparavant, on ne compte qu’une seule entreprise privée non financière et un seul organisme qui se sont adonnés jusqu’à présent à cette technique. Même les banques qui sont une cible de prédilection pour ce type d’opérations n’y ont pas encore toutes adhéré. De même, les actifs titrisés restent somme toute basiques et ne concernent pas encore les biens mobiliers ou les actifs incorporels, par exemple.

Si la mayonnaise ne prend toujours pas, selon les professionnels, c’est parce que les investisseurs appelés à acheter les parts d’actifs cédés par les organismes qui recourent à la titrisation, ne se montrent pas pour l’heure réceptifs. Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer ce désintérêt. La première est liée à la rémunération proposée dans le cadre des opérations de titrisation qui est jugée insuffisante. Les intervenants du marché reconnaissent certes que les émetteurs dans le cadre de la titrisation présentent un faible risque et offrent des garanties importantes, néanmoins ils rappellent aussi que les titres proposés restent très peu liquides, ce qui suppose une rémunération supplémentaire. Mis à part cela, la titrisation a joué de malchance, du fait qu’elle a dû prendre son envol dans un contexte de défauts de paiement accentués qui font que les investisseurs se détournent naturellement des titres adossés à des créances.

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En attendant des jours meilleurs…

Les pouvoirs publics continuent d’œuvrer pour l’amélioration de l’arsenal juridique, comptable et fiscal de la titrisation afin d’en accroître l’attractivité. A ce titre, une mesure du projet de loi de Finances 2017 prévoit l’extension de la neutralité en matière d’IS, actuellement limitée aux éléments de l’actif immobilisé, aux opérations de cession de tous les éléments de l’actif éligibles à la titrisation (y compris les stocks).

Rappelons aussi qu’en attendant le décollage effectif de la titrisation au Maroc, son homologue dans la finance islamique, les sukuks, est en bonne voie pour trouver ses repères rapidement sur le marché national.

Autant les émetteurs que les investisseurs dans ce dernier type d’opérations ne manquent pas, selon les professionnels, et ils devraient être très actifs une fois que le nouveau secteur de la finance participative sera lancé au Maroc.

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