Inauguré dimanche par le Roi Juan Carlos d’Espagne, le sommet marquant le dixième anniversaire du processus de Barcelone a démarré ses travaux lundi avec un gros handicap. Fragilisée par un bilan en demi-teinte des dix ans du processus et grippée suite aux douleurs à l’estomac du président algérien Abdelaziz Bouteflika, l’un des derniers chefs d’Etat arabe attendus, la rencontre espérait pourtant déboucher sur un plan d’action plus pragmatique que par le passé sur les cinq ans à venir. Cette défection de la partie sud de la Méditerranée, ajoutée aux échauffourées survenues au début du sommet entre manifestants altermondialistes de tout poil – depuis l’agriculteur venu défendre la subvention de la tomate, menacée par l’intransigeance de M.Blair, jusqu’au militant catalan membre de l’organisation Attac, inquiet de dérive capitaliste de la Méditerranée et un cordon de six mille policiers, appuyés, selon les observateurs, par un dispositif aérien de l’Otan, n’était pas de bons présages pour l’issue des travaux, programmé le lundi.
Quatre points majeurs étaient à l’ordre du tour entre les représentants des 35 nations. Un code de bonne conduite contre le terrorisme, un plan contre l’immigration clandestine, la promotion de la bonne gouvernance et la coopération économique. Ces trois derniers points passèrent plus ou moins sans difficulté. “La France, l’Espagne et le Maroc ont présenté une approche commune en matière d’immigration”, déclare à ALM Jerome Bonnqfont, porte-parole du président Jacques Chirac, l’un des rares officiels à garder encore le sourire en cette mi-journée du lundi 28 novembre 2005. “Nous avons présenté une approche commune sur les fonds d’accompagnement, la reconduction à la frontière et sur l’organisation probablement au Maroc d’une conférence Euro-Afrique sur l’immigration”. Pas de précisions toutefois sur le montant des fonds, lesquels ne sont pas encore fixés. Ce consensus tripartite est mentionné dans le discours du Premier ministre marocain, Driss Jettou : “ Nous avons besoin d’un partenariat euro-méditerranéen, ne se réduisant pas seulement à une vaste zone de libre-échange mais qui organiserait la mise en place d’un véritable espace commun spécifique et mutuellement avantageux; à travers l’approche de coopération renforcée avec des groupements homogènes”. Les propos du Premier ministre marocain rejoignent parfaitement ceux Josep Borell Fontelles, président du Parlement européen : “La frontière entre l’Europe et la Méditerrannée du sud est l’une des plus inégales dans le monde”, déclare-t-il. Et de s’appuyer sur les chiffres. En dix ans, le PNB par habitant de l’Europe des 15 a progressé de 50%, passant de 20.000 à 30.000 dollars. Dans la même décennie, les pays de l’Europe de l’Est qui ont rejoint l’Union ont vu cette grandeur passer de 6.000 à 15.000 dollars. Pendant tout ce temps, la Méditerranée du sud a stagné à 5000 dollars. Le parlementaire appelle de même à des actions spécifiques pour la circulation des personnes. “Dommage, regrette un membre de la société civile, que l’aspect terrorisme ait relégué au second rang l’économie et les droits de l’Homme”. Sur le code de conduite de terrorisme, le compromis attendu n’était toujours pas tombé à l’heure où nous mettions sous presse. Coupée des politiques, la presse en était réduite à guetter les rares et stratégiques apparitions officielles. Un diplomate espagnol relate la petite histoire de la tournée; sur un ton de confidence.
Les échanges surpris entre le Premier ministre espagnol et son assistante qui avait apparemment oublié de mettre le micro en mode veille. La partie israélienne est intransigeante sur la question du terrorisme”, entend-on cette dernière répondre a son Premier ministre. Plus tard, Ehud Olmert, vice-Premier ministre d’Israel, venu lui aussi livrer sa déclaration informelle à la presse, est explicite :‘’Nous considérons le terrorisme comme un obstacle au processus de Barcelone. Nous pensons qu’il y aura un accord sur la question aujourd’hui”.., lâche-t-il, avant de se replier subitement, assailli par une haie de caméras et de microphones. Rappelons que le secrétaire général de la Ligue Arabe a déclaré, vendredi dernier, être favorable à une distinction claire entre le terrorisme et le droit du peuple à la résistance.
Sur les autres points, le plan d’action ne souffre pas de beaucoup de réticences. La proposition française de la règle des deux tiers de financement pour la Méditerrannée et du tiers pour l’Europe de l’Est évoluait vers une adoption. En principe, les prêts et les aides accordés dans le cadre du processus de Barcelone devront augmenter de 50% à partir de l’année prochaine et évoluer sur un rythme analogue pendant cinq ans, selon la proposition de la Commission européenne.
La répartition des budgets se fera sur la base des programmes et des projets à financer. Reste à régler la question de la disponibilité des fonds. Décidément, Barcelone n’a pas encore largué les amarres.