Vingt milliards de dirhams. C’est le montant que l’Etat marocain compte miser pour la nouvelle stratégie industrielle à travers le tout nouveau FDI (Fonds de développement industriel). La stratégie qui vient d’être présentée devant Sa Majesté le Roi Mohammed VI par le ministre de l’industrie, de l’investissement, de l’économie et du commerce numérique, Moulay Hafid Elalamy, est beaucoup plus ambitieuse que le Plan Emergence lancé il y a dix ans. Plus concrètement, le Maroc veut passer de l’émergence d’industrie et de métiers mondiaux à la création d’écosystèmes autour de ses différents secteurs industriels. Plus agressifs sur le plan des investissements étrangers mais également à l’export et mieux organisés autour de champions nationaux, les écosystèmes devraient favoriser l’émergence d’industries leaders et mentors de PME (Petites et moyennes entreprises). Outre les 20 milliards de dirhams annoncés pour les 7 prochaines années, l’Etat compte relever plusieurs défis.
Maroc, économie émergente
Le Royaume ambitionne déjà de rattraper certaines économies émergentes sur le plan mondial comme la Turquie, la Malaisie ou encore le Brésil. Pour s’y prendre, la nouvelle stratégie marocaine prévoit d’abord d’intégrer le tissu industriel existant comme le textile, en écosystèmes tout en créant d’autres. Parallèlement, il sera question d’évoluer vers une compensation industrielle. Il faut savoir que sur les 7 dernières années, la croissance de la commande publique a été supérieure à celle du PIB (Produit intérieur brut). L’enjeu d’aujourd’hui est d’optimiser les retombées socio-économiques de la commande publique. De plus, le Royaume cherchera désormais un transfert de technologie derrière ces commandes en prenant exemple sur la Corée qui a obtenu du français Alstom un transfert de technologie comprenant plus de 350 mille documents techniques contre l’achat d’un TGV ou encore la Tunisie qui a négocié la réalisation d’un projet industriel aéronautique Aerolia en contrepartie d’une commande de 19 Airbus. Mais l’un des défis majeurs du Maroc sera sans nul doute de faire basculer le secteur informel dans le formel. En plus d’un département ministériel récemment créé, l’Etat compte simplifier les procédures administratives et garantir un accès plus facile à la couverture sociale et au financement.
Nouveau deal
Le tissu informel devenu formel devra ainsi faire partie des écosystèmes industriels bien structurés sur le plan national dont la production devra réduire la dépendance du pays des importations mais également améliorer l’offre exportable en profitant des 55 accords de libre-échange conclus par le Maroc. Ces défis nécessitent bien évidemment des investissements importants, bien plus que les 20 milliards mobilisés par l’Etat. C’est pour cette raison que la nouvelle stratégie se base sur le concept du «deal making» pour drainer les investissements étrangers en misant sur la vocation africaine du pays. Il ne sera plus question d’attendre l’arrivée des investissements mais il va falloir aller les chercher, notamment en Chine, dont l’investissement à l’étranger a crû en 2013 dans le monde de plus de 28%.
Si le Royaume se donne 7 ans pour réaliser ses objectifs et bien d’autres, il veut au cours de la même période atteindre des résultats concrets en créant un demi-million d’emplois (contre 75.000 postes actuellement) tout en augmentant la part de l’industrie dans le PIB national à 23%. La nouvelle stratégie doit également permettre au Maroc d’élever son tissu industriel au rang des pays émergents. En plus des moyens financiers, les responsables prévoient des mesures plus institutionnelles. Création d’un comité interministériel, mise en place d’un noyau dur regroupant notamment l’Agence marocaine du développement des investissements et Maroc Taswiq, réalisation de guichets uniques, sont autant de mesures prévues. L’Etat mettra par ailleurs à la disposition des investisseurs 1.000 hectares du domaine public. La refonte du système de garantie publique aux PME et de la charte de l’investissement est également annoncée.
Une trentaine de conventions
La mise en place de toutes ces mesures nécessite bien évidemment des partenariats. Dans ce sens, la présentation de la nouvelle stratégie a été suivie par la signature de 29 conventions. La première concerne la mise en place du FDI (Fonds du développement industriel) qui sera chargée de gérer les 20 milliards de dirhams annoncés sur la période 2014-2020 en plus de la mobilisation des financements nécessaires pour accompagner les chantiers de la stratégie industrielle. La deuxième convention est relative à la mobilisation du foncier industriel locatif en définissant les conditions et les modalités de la mise à la disposition par l’Etat d’une assiette foncière de 1.000 ha (terrains domaniaux et collectifs) destinés à accompagner la stratégie de développement des Parcs industriels locatifs au niveau du Royaume. Un autre protocole a été signé pour définir les modalités et les engagements des parties pour l’aménagement, le développement, la promotion, la commercialisation et la gestion du Parc industriel locatif intégré de Casablanca sur une superficie de 143 ha. La quatrième convention signée porte sur la création d’un groupe de travail commun afin d’œuvrer à améliorer la bonne gouvernance globale qui impacte le climat des affaires et l’attractivité du Royaume. Ladite convention prévoit également la constitution d’une task-force commune qui se chargera d’élaborer, sous six mois, une stratégie d’amélioration de l’intégration africaine à travers les forces économiques.
Les autres conventions signées concernent la compensation industrielle, la qualification des ressources, la création et l’animation des écosystèmes, l’amélioration de la compétitivité des PME et l’accompagnement de l’informel vers le formel.
Automobile : Le Maroc hub régional Le secteur a connu ces dernières années une bonne dynamique en termes d’équipements et de constructeurs. Le Maroc offre dans ce sens différentes activités relatives au câblage, plasturgie et industrie textile. Le secteur a par ailleurs intégré des filières à forte valeur ajoutée. Ainsi, le Royaume se positionne en tant que véritable hub régional en exportant des véhicules montés localement vers l’Égypte, la Tunisie et l’Europe. Le développement du secteur automobile a été marqué par l’implantation de l’usine Renault. Se référant aux chiffres du ministère de l’industrie, le secteur compte 150 entreprises, soit 55.000 employés hautement qualifiés et 30,99 milliards d’exportations en 2013. L’impact estimé du potentiel de l’industrie automobile se chiffre à 12 milliards du PIB, soit 70.000 emplois additionnels à fin 2015. Aéronautique : De nouveaux profils sur le marché marocain 8 milliards d’exportations, telle est la valeur enregistrée par le secteur aéronautique en 2013. Le nombre d’implantation s’est fortement accru ces dernières années, pour atteindre actuellement les 100 entreprises. De ce total, 70 % ont moins de 5 ans d’existence sur le territoire national. En effet, de grands noms ont choisi le Maroc pour plate-forme, citons dans ce sens Bombardier, Safran, Boeing et Eads Aviation. Ces nouvelles implantations ont permis par ailleurs de mettre sur le terrain de nouveaux profils. Le plan de formation dans l’aéronautique cible 15.000 profils d’ici 2015. A cet égard, le Maroc s’est doté du premier institut de formation aux métiers de l’aéronautique créé dans la zone de Nouaceur et qui dispense la formation de 400 lauréats par an. Offshoring : Des mesures incitatives pour sauver la mise Bien que ce secteur ait connu un essor bien avant le lancement du Pacte Emergence, l’activité de l’offshoring s’est vue décliner durant ces dernières années. Cela est dû principalement à la crise économique qui a sévi en Europe et qui se veut le principal partenaire du Maroc sur ce plan. Ainsi, les factures de l’offshoring se sont vues en baisse en 2013, soit -2,7% pour les recettes qui se sont chiffrées à 7,16 milliards DH en 2013. En termes du Pacte Emergence, le Maroc offre dans ce sens plusieurs mesures incitatives. Pour les entreprises éligibles installées dans les P2I offshoring, l’impôt sur le revenu est plafonné à 20 % à fin 2015. Les aides à la formation atteignent les 65.000 dirhams pour certains profils. De même, les sociétés sont exonérées d’IS sur 5 ans. Au-delà de cette période un taux de 17,5 % est appliqué sur le chiffre d’affaires à l’exportation. Electronique : 7 milliards d’exportation en 2013 Un potentiel de 9.000 emplois à l’horizon 2015, tel a été l’objectif de départ du Pacte Emergence en termes d’électronique. Le secteur a donc besoin de 200 lauréats en management, 1.400 ingénieurs, 2.700 techniciens et 4.700 opérateurs. Le secteur a vu ses exportations se multiplier par 5 sur la période allant de 2004 à 2011. En 2013, les exportations se sont chiffrées à 7,8 milliards de dirhams, en léger déclin par rapport à leur valeur en 2012. Le PIB sectoriel additionnel est estimé à 2,5 milliards de dirhams d’ici 2015. Agroalimentaire : Cinq initiatives pour le secteur L’industrie agroalimentaire revêt un rôle prépondérant dans la croissance économique du Maroc. Sa contribution s’élève à 29% du PIB industriel, offrant sur le marché 20% des emplois formels et 15% de l’export de produits transformés. Le secteur rassemble actuellement 29% des entreprises industrielles, employant près de 105.000 personnes. Le Pacte Emergence a défini pour le secteur cinq initiatives. Ces dernières sont axées sur le développement des filières à fort potentiel à l’export, la restructuration des filières des denrées de base nationales, un appui ciblé en faveur des filières intermédiaires, un réseau d’agropoles et un programme de formation adapté. Le Maroc comptera dans ce sens 8 plates-formes industrielles dont 4 agropoles et deux fish hub. Textile : Trois types de produits à promouvoir Bien que le secteur offre un positionnement stratégique, il continue toujours à souffrir des aléas de la crise. La vision Emergence est venue promouvoir le secteur à travers 4 volets: le déploiement d’un plan de développement des débouchés à l’export, la reconfiguration du tissu industriel axée sur l’offre Maroc, le développement de la compétitivité des entreprises locales et l’amélioration des conditions cadres du secteur. Le Pacte a défini trois types de produits à promouvoir. Citons dans ce sens le Fast Fashion et prêt-à-porter mode, le Jean et le sportswear et les produits de niche axés sur la lingerie, le textile de maison et la chaussure. A l’horizon 2015, le potentiel de croissance supplémentaire est estimé à 1 milliard DH du PIB et la création d’environ 32.000 nouveaux emplois. En 2013, les chiffres à l’export affichent une valeur de 29,38 milliards de dirhams pour le textile, soit une baisse de 5% par rapport à l’année 2012. Les exportations en chaussures ont par ailleurs grimpé de 6% pour atteindre une valeur de 3,9 milliards DH à fin 2013. |