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Mezouar parle de ses dossiers chauds

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Entretien avec le nouveau président de la CGEM

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Perte de confiance, panne d’investissement, procédures lourdes et arbitraires, fiscalité à revoir, retards de paiement du public, réanimer l’industrie, l’informel… par quoi va-t-il commencer ?

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Comment il devra rétablir la confiance et remettre en marche l’investissement privé, ce qu’il pense de la politique industrielle, de l’action gouvernementale, les priorités auxquelles il compte faire face dans les six prochains mois…

Le nouveau président de la CGEM, fraîchement élu le 22 mai, se trouve être un ancien ministre de l’industrie et des finances. Et donc l’homme parle en connaissance de cause. Pour lui, l’économie traîne visiblement de gros boulets : une fiscalité pénalisante, dont la TVA surtout, qui renchérit le coût de l’investissement, des retards de paiement inadmissibles de la part de l’Etat, des procédures tantôt lourdes, tantôt floues et arbitraires, une tolérance pour l’informel destructeur de valeur…

Comment compte-t-il s’y attaquer ? Par quoi et où va-t-il commencer ? Aujourd’hui Le Maroc s’est entretenu avec Salaheddine Mezouar pour connaître  son plan de bataille…

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ALM :  La panne de l’investissement privé est un signe de perte de confiance. Comment à votre avis en est-on arrivé là ?

Salaheddine Mezouar : Cette perte de confiance est la résultante de plusieurs facteurs et qui trouvent leur origine dans la dégradation progressive du climat des affaires.

Si le Maroc a montré une certaine résilience par rapport à la crise mondiale de 2008, ce sont notamment les entreprises qui ont payé le prix de la stabilité des équilibres macroéconomiques. En effet, quand les recettes fiscales et douanières se tassent et les charges de compensation explosent, les finances de l’Etat ne permettent plus à ce dernier d’honorer ses engagements dans les délais. Or n’oublions pas que la commande publique représente 70% des dépenses d’investissement du Maroc. Donc quand l’Etat paie en retard c’est une bonne partie de la machine économique qui est grippée: les entreprises contractantes et la chaîne de leurs fournisseurs ont les yeux rivés sur la trésorerie, sur le court terme, plutôt que sur le développement, l’investissement, le long terme.

Vous évoquiez au début une dégradation du climat des affaires…

Absolument. Car à cette problématique des délais de paiement est venue se greffer celle des procédures administratives. Aujourd’hui et malgré toute la bonne volonté des uns et des autres, pour bloquer une autorisation de construire, il suffit que l’un des membres de la commission locale fasse opposition. Personne ne tranche. Ne parlons pas du régime des dérogations, pour lesquelles personne ne prend de risque aujourd’hui, mais qui sont en elles-mêmes une aberration : s’il y a besoin d’autant de dérogations c’est le règlement lui-même qu’il faut revoir, sinon l’accessoire prend le pas sur l’essentiel. Par ailleurs, et il faut le souligner, les procédures varient d’une commune à l’autre, d’une ville à l’autre et même d’un responsable à l’autre, ce qui peut ouvrir la voie à l’arbitraire.

Et cela contribue aussi à renchérir l’investissement… ?

Absolument. Quand on parle de l’acte d’investir, il faut se poser une question centrale : quel est le vrai coût de l’investissement aujourd’hui au Maroc ?
Pour un coût économique de 100, vous avez un surplus financier de 20 rien qu’en impact de TVA, sans compter les agios liés au crédit. 120 ce n’est pas 100, c’est 20% de plus et quand on parle d’investissement c’est souvent des millions, voire des dizaines de millions DH. Sur quel horizon cette TVA est-elle remboursée ? C’est là la question !Quand on sait qu’à fin 2017, l’Etat était redevable de près de 30 milliards DH de TVA envers les entreprises et les sociétés commerciales étatiques, on réalise qu’il y a eu un glissement dans la philosophie même de la TVA qui est censée taxer la consommation finale et qui impacte en fait la consommation intermédiaire, celle du tissu productif.

Aujourd’hui quand la TVA tarde à être remboursée aux entreprises on taxe l’investissement et la consommation finale à la fois. 

 

Quelles sont les actions que vous comptez prendre en urgence pour rétablir cette confiance ?

Rétablir la confiance c’est d’abord améliorer le climat des affaires pour l’entreprise et faire en sorte de renforcer la santé financière de l’entreprise et faciliter son développement.

C’est pour cela que nous militons pour l’instauration d’un fonds de garantie spécifique au financement du besoin au fonds de roulement des PME et TPE. Il faut briser ce cercle vicieux de l’entreprise qui est étranglée par des délais de paiement trop longs, qui se voit, de ce fait, refuser l’accès à des crédits de Trésorerie et qui finit par vivre péniblement, sur le dos de ses fournisseurs.

On a recensé 8.000 défaillances d’entreprises en 2017 et ce chiffre est en hausse continue depuis plus de 5 ans. Ce n’est pas normal dans une économie où le PIB enregistre une croissance positive régulière. Ce fonds de garantie du BFR doit bien entendu s’accompagner de la mise en œuvre réelle de la nouvelle loi sur les délais de paiement, et notamment le texte y afférent relatif aux délais sectoriels, afin de revenir progressivement à une situation normale.

Il y a également, l’exonération de la TVA sur les biens d’équipement. Elle est appliquée aux nouvelles entreprises mais pas à celles qui existent déjà. Or qui a le potentiel d’investissement et de création d’emploi le plus élevé ? Ce ne sont pas les entreprises qui démarrent mais plutôt celles qui sont installées et disposent d’un marché et d’une assise financière. Il faut donc exonérer de TVA les biens d’équipement que ce soit dans le cadre d’une opération de primo- investissement ou d’une extension.

Que pensez-vous de l’opération lancée cette année pour le  remboursement par affacturage ?

La CGEM, le GPBM et le gouvernement ont, en effet, trouvé une solution pour apurer le stock de crédit de TVA, grâce à l’affacturage. C’est un début de solution, mais il faut éviter la reconstitution de ce stock à travers: la généralisation du remboursement, la suppression du butoir qui naît de la différence de taux, l’élimination des facteurs de crédit de TVA et notamment l’exonération de l’investissement dont je viens de parler.

En mars, la CGEM a dévoilé une étude sur les dégâts causés par l’informel. Qu’est-ce que cela vous inspire?

C’est là un sujet de préoccupation majeur. L’informel d’importation est en train de tuer l’industrie locale. Comment voulez-vous qu’un fabricant local soit compétitif face à un importateur qui ne paie ni TVA ni charges sociales et qui peut vendre 30% moins cher ? Notre priorité sera de contrôler les importations sauvages.

D’autres priorités peut-être…?

Absolument. Nous prévoyons aussi d’autres mesures que nous jugeons tout aussi prioritaires comme la réforme de la fiscalité locale et de la taxe professionnelle, la simplification des procédures…

Pensez-vous que le gouvernement dispose aujourd’hui de marges de manœuvre pour accorder des avantages supplémentaires en vue de relancer la machine?

Pensez-vous que le Maroc peut se permettre une croissance atone avec un PIB non agricole en deçà de 3% de croissance et des créations d’emplois limitées à 35.000 par an ? La pression démographique et sociale est très importante et une croissance solide portée d’abord par le tissu économique local est nécessaire pour générer un sursaut de consommation et donc une embellie économique. N’oublions pas que les deux tiers du PIB sont d’abord le fait de la consommation intérieure. Les exportations c’est bien mais ce n’est pas suffisant. Le gouvernement doit trouver des marges de manœuvres et il peut en trouver, s’il se place dans une optique économique et une projection sur le moyen terme et non dans un cadre budgétaire. Il faut à mon avis un ré-engineering des masses budgétaires. Il faut également poser clairement la question de l’efficacité économique de la commande publique qui atteint 190 milliards DH : quels effets induits sur nos PME crée-t-elle ? Combien un DH investi rapporte-t-il en valeur ajoutée ? Combien d’emplois?

Sur quoi allez-vous focaliser vos efforts dans l’immédiat et pour les six mois qui viennent ?

Nous sommes, depuis mercredi 23 mai, engagés dans la réflexion sur l’architecture de la nouvelle gouvernance de la Confédération (Bureau, Commissions, nouveau CA…) et le schéma organisationnel le plus à même de répondre aux engagements pris dans notre programme.

Parallèlement, nous entamons des contacts avec l’Exécutif pour les actions de très court terme et notamment celles que nous voulons voir figurer dans la loi de Finances 2019. Pour les six mois qui viennent… ce sera le programme, le programme, le programme. Nous avons pris des engagements envers les entreprises et nous allons nous les tenir.

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La politique industrielle ne doit pas viser seulement les métiers exportateurs

En 2006, vous aviez vous-même été l’artisan du tout premier programme industriel Emergence.
Quelle lecture faites-vous aujourd’hui de l’évolution de la politique industrielle?

Il y a eu de beaux succès qui méritent d’être dupliqués et je félicite mes successeurs pour le travail accompli. Mais aujourd’hui cette vision gagnerait à être élargie aux entreprises qui approvisionnent le marché local.

L’émergence industrielle ne doit pas viser seulement les métiers exportateurs mais tous les métiers et notamment l’industrie classique qui doit regagner ses lettres de noblesse auprès du consommateur marocain.

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