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Mohamed El Fane : «L’année 2020 déjà prévue d’être déficitaire»

Mohammed El Fane président de la Fédération marocaine de la franchise.

Entretien avec Mohamed El Fane, président de la Fédération marocaine de la franchise (FMF)

La reprise des activités pour les acteurs économiques se fait progressivement. Ainsi, un certain nombre de mesures sanitaires sont prises pour assurer la réouverture des restaurants, cafés et magasins après plus de deux mois et demi d’arrêt entraînant des pertes pour ses industries. Par ailleurs, le manque de visibilité sur la suite et la nécessité d’avoir un planning prédéfini et précis pour le déconfinement semblent également préoccuper les principaux concernés. Mohamed El Fane, président de la Fédération marocaine de la franchise, répond à nos questions sur ce sujet.

ALM : Comment s’annonce le retour de l’activité et comment vous organisez-vous pour la reprise ?

Mohamed El Fane : Le retour à l’activité pour le secteur du commerce en réseau s’annonce très difficile. On ne s’attend pas à un rebond immédiat des ventes mais plutôt à une reprise progressive. Tous nos membres ont profité de cette période difficile pour se restructurer et se préparer aux nouveaux défis qui nous attendent et qui sont principalement liés à la gestion de la trésorerie, la remotivation du personnel, la réadaptation de nos produits aux nouvelles exigences des consommateurs. L’ensemble des enseignes priorisent au démarrage l’hygiène et la sécurité de leurs personnels et clients. Des mesures drastiques ont été mises en place au niveau des points de vente pour rassurer et encourager les clients à reprendre le chemin vers les commerces en toute sécurité.

On a vu un peu partout dans le monde la fermeture de certaines enseignes. Pensez-vous que cela aura un impact ou une sorte d’effet domino sur les franchises au Maroc?
Effectivement plusieurs grandes enseignes de la distribution dans le monde ont fermé ou ont été placées en redressement. La plupart d’entre elles étaient déjà en mauvaise santé financière avant la crise Covid-19 et cette dernière n’a fait qu’accentuer le déclin. Les quelques franchises au Maroc dépendant de ces groupes en difficulté subiront effectivement quelques perturbations de leur maison, cela ne veut pas dire la fermeture mais plutôt des restructurations financières et commerciales. A ce jour, les franchises installées au Maroc résistent toujours et ont fourni des efforts considérables pour maintenir leur personnel et la viabilité de leur enseigne. L’avenir sera difficile et incertain.

Les pertes dans le secteur au Maroc sont estimées à 50% sur le volume (CA) de l’année 2020. Cela représente combien en millions de dirhams et comment comptez-vous récupérer ce manque à gagner ?

Ces niveaux de pertes de 50% du CA que vous avancez dépendent de l’activité de l’enseigne, de la périodicité de ses ventes, de ses niveaux de stock avant crise. Ils pourront atteindre jusqu’à 70% du CA pour certaines. Rattraper ces chiffres relève de l’impossible. L’année 2020 est déjà prévue d’être déficitaire et aujourd’hui tout l’effort fourni est de réduire au minimum ce déficit de manière à pouvoir reprendre progressivement sur les 2 années à venir.

Au niveau des emplois, la fédération représente plus de 15.000 emplois. Quelle stratégie ou mesures RH avez-vous prises pendant la période passée pour préserver ces emplois?
Nos ressources humaines constituent notre principal capital. Elles ont été formées aux techniques de vente spécifiques à chaque enseigne et nous représentent au quotidien face au client. Nous avons tenu, malgré les difficultés financières, à garder nos ressources et éviter les licenciements. Des aménagements salariaux ont été faits pour certains conformément à la réglementation du code du travail et en s’appuyant sur les aides mises en place par le CVE.

Quelles sont vos appréhensions et perspectives sur l’activité des franchises pour la suite de l’année 2020 et par secteur (restauration, ameublement, textile et services) ?

Le commerce organisé, tous secteurs confondus, subira les répercussions de cette crise pour au moins 2 années. La reprise se fera progressivement et les pertes enregistrées cette année ne pourront être rattrapées que dans 2 ans, dans des conditions de reprise normales. C’est pour cela que la FMF a veillé pendant toute cette période à présenter ses principales recommandations pour le secteur aux autorités concernées et aux différents ministères. Celles-ci concernent la baisse de la TP ou encore la problématique de loyers en période de fermeture.

Il s’agit de mettre en place un mécanisme de calcul de la taxe professionnelle sur la base du résultat fiscal et non sur les immobilisations (loyers) (recommandation soumise lors des Assises sur la fiscalité 2019), permettre la récupération à très court terme du butoir de la TVA due par l’Etat aux entreprises du secteur à travers le mécanisme bancaire déjà en place qu’il s’agira de simplifier davantage et intégrer la franchise et le commerce organisé dans les programmes d’accompagnement et de financement initiés par le ministère du commerce et de l’industrie et déployés par Maroc PME, ce qui permettra et donnera l’opportunité de créer un canal d’évolution aux entreprises à travers la digitalisation, l’organisation et l’innovation.

Autre mesure recommandée, celle de remédier à la problématique des loyers qui touche d’une part le commerçant et d’autre part le bailleur. Du côté du commerçant, ce dernier ne peut payer le loyer d’un commerce fermé, non mis à disposition et dans lequel il n’a réalisé aucun chiffre d’affaires. Concernant le bailleur, celui-ci ne peut pas supporter des abandons de créances s’il ne reçoit pas de soutien et de subvention à même d’atténuer ses pertes.

Nous avons donc proposé en ce sens la mise en place : d’un texte de loi qui suspend pour l’année 2020 la procédure d’éviction sans indemnité contre les locataires qui n’arrivent pas à payer le loyer du fait de l’état d’urgence sanitaire, des mécanismes de subventions/exonération fiscale au profit des bailleurs et locataires à même de leur permettre d’atténuer mutuellement les effets de l’absence de chiffre d’affaires pendant cette période, et des incitations fiscales auprès des bailleurs pour leur permettre de proposer aux locataires en période post-confinement des loyers progressifs en fonction du niveau de reprise de leur activité. Les commerces pourraient rattraper leur déficit si l’Etat met en place des actions pour rebooster le pouvoir d’achat «revue de la TVA à la baisse sur les produits de première nécessité et de loisir ; revue à la hausse de l’exonération du montant des tickets cadeaux de 30 DH à 100 DH sur l’IS et CNSS, et aider les entreprises à digitaliser l’expérience client.

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