Economie

Ne pas condamner l’innovation

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ALM : La Coalition marocaine pour le droit aux soins et à l’accès aux médicaments a organisé un sit-in de protestation contre l’accord de libre-échange entre le Maroc et les USA. Pensez-vous que cette démarche est justifiée?
Mohamed Cheikh Biadillah : Je ne peux que me féliciter du regain d’intérêt que les ONG accordent à la santé. C’est un acquis d’une importance capitale pour nous. Mais, il ne faut pas que certaines données erronées puissent polluer l’atmosphère.
Il ne faut pas oublier que le secteur des médicaments, comme tout secteur industriel, est régi par l’accord ADPIC (Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce de Marrakech), conclu en 1994, dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cet accord, qui fait partie de 18 autres accords impose un brevet de 20 ans sur les produits fabriqués. Le Maroc est signataire de cet accord depuis 1996. La loi 17-97 intègre la durée à respecter concernant les brevets sur les molécules-mères en matière de médicaments. Une période à laquelle s’ajoutent 5 ans supplémentaires sur les données non divulguées. Il faut également mentionner les dispositions de l’accord de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis qui ouvre de nouvelles perspectives pour le Maroc sur le plan économique.
Les défenseurs des médicaments génériques au Maroc accusent le gouvernement de faire le jeu des grands groupes pharmaceutiques en entourant les négociations sur l’ALE d’un silence qu’ils jugent suspect. Quelle est votre réponse à cela ?
On ne peut pas parler de silence. Cela, pour une raison bien simple. L’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique a été impliquée dès 1990, et même avant, dans ces différents accords. Qu’est-ce que l’ADPIC si ce n’est la suite logique des accords du Gat et l’Uruguay round. Il s’agit donc d’un processus qui dure depuis les années 90. Un séminaire a même été organisé il y a quelques années par l’AMIP. Cette dernière est régulièrement consultée par l’équipe qui dirige le débat.
Mais l’avenir des génériques au Maroc, ne risque-t-il pas d’être compromis par cet accord ?
Les médicaments génériques ont un grand avenir devant eux. Le gouvernement s’engage à prendre des mesures concrètes en matière d’assurance maladie obligatoire allant dans le sens d’encourager les génériques. Mais nous n’avons pas le droit de condamner l’innovation. Le patient marocain a le droit de disposer aussi bien des médicaments génériques que des dernières innovations en matière de médicaments. Son choix dépendra évidemment de son pouvoir d’achat. Mais comme l’AMO va être mise en oeuvre très prochainement, il y aura des packages de soins et des médicaments pour tout le monde. Le législateur ne manquera pas de faire en sorte que tout le monde y trouve son compte
Pour l’heure, et sur le total des achats du ministère en matière de médicaments, qui s’élèvent à 500 millions DH, quelque 90% sont des génériques. Nos achats sont en effet effectués par Dénominations communes internationales (DCI). Il ne fait pas de doute que nous encourageons les génériques. Et les chiffres le prouvent. En comparaison avec des pays comme la France, où la consommation des génériques représente 7%, au Maroc elle s’élève à 20% du total des médicaments commercialisés.
Cet avis n’est pas partagé par plus d’un organisme, médical comme industriel, ainsi qu’appartenant à la société civile…
Ce sont des thèses infondées. Pour la simple raison que les accords ADPIC ne sont pas encore appliqués au Maroc. Ces derniers n’entreront en vigueur qu’en 2006.
Il n’y a donc pas de pertes enregistrées pour le moment. Mieux encore, sur les 324 nouveaux produits enregistrés cette année, 70% sont des génériques. À mon avis, il s’agit d’un problème de communication. Je pense que nous communiquons très mal. Je tiens à rappeler dans ce cadre que l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis va redynamiser les génériques. C’est une occasion pour s’arrimer aux normes américaines, et qu’il faut saisir rapidement.
Qui compensera les pertes qu’un tel accord risque d’entraîner ?
Il n ‘y a rien à compenser. D’autant qu’il existe un Conseil supérieur de l’ADPIC qui se réunira tous les deux ans pour corriger les tirs et s’adapter aux nouvelles situations.

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