Entretien avec Nessim Bencheikh, consultant en banque-assurance et auteur marocain
Révolution : M. Bencheikh vient de publier un livre intitulé «Blockchain et industrie du tourisme. Enjeux et perspectives». La lecture de cette publication laisse voir qu’il y recommande le recours au BTU Protocol comme solution pour les hôtels. Il s’explique à ce propos tout en livrant des regards sur la Blockchain (chaîne de blocs) au Maroc.
ALM : Vous abordez la question de la Blockchain en hôtellerie. Qu’est-ce qui fait, selon vous, qu’il faut commencer par ce secteur avant d’autres?
Nessim Bencheikh : D’abord commençons par dire que si le concept de Blockchain trouve des applications intéressantes dans l’hôtellerie, il ne se limite en aucun cas à ce domaine. La Blockchain peut très bien être appliquée et c’est déjà le cas dans le secteur bancaire de l’assurance ou dans le transport à titre d’exemple.
Cela étant dit, le tourisme en général et l’hôtellerie en particulier sont à la croisée des chemins. Ils revêtent des enjeux multiples dans le développement d’une économie telle que l’économie marocaine où, rappelons-le, le tourisme représente près de 10 % du PIB national alors même que cette part est certainement amenée à croître avec le temps au vu d’un fort potentiel sous-jacent.
Lorsque l’on parle d’hôtellerie et de tourisme, on parle à la fois de traditions d’accueil, de valeurs de partage, de tolérance, d’ouverture sur d’autres cultures et donc d’acceptation de la difference, mais aussi d’excellence de service, d’infrastructures de pointe, d’emplois, d’investissements et in fine de croissance.
La clé pour la Blockchain selon moi est de tendre vers un modèle de croissance vertueuse qui pourrait se matérialiser à travers le cas de l’hôtellerie.
Votre livre propose également le BTU Protocol comme solution pour les hôtels. Comment l’introduire au Maroc ?
L’application BTU Protocol que j’évoque dans mon livre propose d’offrir un nouveau modèle basé sur la technologie de la Blockchain qui permettrait de reconnecter directement les hôtels à leurs clients sans utiliser l’intermédiaire de confiance actuel que sont les agences de voyages en ligne de type Booking ou Expedia. En somme, il s’agit de raccourcir la chaîne de production en proposant une forme de désintermédiation, qui devrait permettre une redistribution du pouvoir d’achat aux particuliers et aux hôtels et ainsi, à terme, «démocratiser la révolution Blockchain». Cependant, ce que je fais remarquer dans cet ouvrage, c’est que si les intentions semblent louables, il faut tout de même s’interroger sur les conséquences à long terme. Plutôt que de supprimer l’intermédiaire de confiance, cette application ne pourrait-elle pas tout simplement le remplacer? Face à une promesse de désintermédiation, n’aurions- nous pas droit plutôt à une forme de ré-intermédiation ?
De façon plus générale, le cas de BTU Protocol vise à s’interroger sur la façon dont nous souhaitons construire nos modèles car derrière toute architecture informatique complexe existe une politique. Aussi, avant même de penser à introduire cette solution ou une autre, essayons d’en comprendre les orientations et d’en questionner les limites.
Quelles sont d’après vous les entraves à la mise en place de la Blockchain au Maroc ?
Il convient de préciser au préalable que, comme le Web est utilisé par nos soins sans que nous en comprenions tous les rouages, la Blockchain est déjà présente en arrière-plan de certains services et applications que ce soit au Maroc ou à l’étranger sans même que nous le sachions. Je viens d’apprendre récemment par exemple qu’une équipe marocaine a developpé une solution Blockchain à l’adresse de 28 aéroports saoudiens. Ceci prouve, si besoin était, que les compétences sont bien présentes au niveau national. La Blockchain entraîne un changement profond dans la façon d’appréhender le réel et sa représentation dématérialisée, cela bouleverse également notre rapport à l’information et à son partage et nous intéresse aux enjeux de sécurite et de souveraineté, c’est en soi une révolution.
Ces changements brutaux de paradigmes peuvent toujours entraîner des réticences aux changements bien connues de nos représentants politiques ou des cabinets de conseil. Laissées de côté ces barrières psychologiques ou mentales, la Blockchain trouve parfaitement sa place au Maroc.
Vous travaillez dans le secteur bancaire. Pourriez-vous nous expliquer les raisons de votre intérêt pour le tourisme ?
Cet intérêt pour le secteur du tourisme est né tout au long de mon parcours universitaire et professionnel. A l’obtention de mon baccalauréat, j’ai choisi de poursuivre des études supérieures dans le domaine du management et de l’hôtellerie au sein de l’institut suisse de Glion m’ouvrant la porte ainsi à des stages dans de prestigieux hôtels à l’international. Par la suite j’ai approfondi mon apprentissage en faisant du revenu management au sein de cabinets de conseil parisiens qui comptaient dans leur portefeuille clients un certain nombre d’hôtels. Puis, de fil en aiguille, j’ai gagné le secteur bancaire, toujours dans le conseil. J’essaye de construire des ponts entre des domaines qui ont bien plus en commun qu’on ne pourrait le penser de prime abord.
Auriez-vous d’autres projets après votre dernier livre ?
Peut-être un second livre si j’y arrive.