Selon le ministre de l’industrie et du commerce, Ryad Mezzour, ce bond industriel a nécessité de nombreux sacrifices.
Industrie 4.0 : Dans le cadre de son cycle de conférences notre confrère La Vie Eco a organisé le 14 mai un débat réunissant un panel d’intervenants de marque venus débattre du sujet «des nouvelles industries du Royaume». Retour sur les principaux faits marquants.
Ryad Mezzour, ministre de l’industrie et du commerce, Ali Seddiki, directeur général de l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE), Loubna Tricha, directrice de l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail, et Mohamed Bachiri, président de la commission de développement industriel de la CGEM, ont tous les quatre répondu présent pour créer un débat pertinent sur le bond qualitatif et quantitatif réalisé par le Maroc ces dernières années.
C’est un fait. Le Maroc s’est positionné sur les radars internationaux avec ses performances industrielles, notamment dans les secteurs automobile, aéronautique, en passant par le tourisme et autres filières à forte valeur ajoutée.
Mais ce bond industriel a nécessité de nombreux sacrifices. Le ministre en charge de l’industrie et du commerce le rappellera dès le démarrage de la conférence-débat. «Déjà il a fallu offrir aux investisseurs étrangers des marchés et cela a coûté très cher au Royaume. Le tissu industriel était en plus fermé à l’époque. Il s’agit du premier sacrifice qu’il a fallu faire pour que le Royaume puisse grandir».
Le secteur pneumatique en est une parfaite illustration. Il y a des années, l’entreprise General Tire qui surplombait l’entrée de Casablanca disparaissait. L’été 2023, la ville du détroit -Tanger- accueillait le chinois Sentury Tire qui a installé une usine d’une superficie de 20 hectares dans la Cité Mohammed VI Tanger Tech à 354 km du port de Tanger Med. Cette première phase a été dotée d’une manne d’investissement de 300 millions de dollars !
Le second sacrifice identifié par le ministre est lié aux coûts d’investissements en termes d’infrastructures portuaires et ferroviaires. Des secteurs comme la santé et l’éducation en cours de réformes profondes auraient nécessité davantage de budgets d’investissements. La problématique budgétaire s’est imposée dans les débats politiques mais le dossier des infrastructures a primé sur ces secteurs pourtant sensibles car il fallait rendre les marchés accessibles.
Enfin le troisième sacrifice fait pour que le gap industriel puisse être réalisé aujourd’hui renvoie à la création d’un espace pour que les investisseurs comprennent les rouages et les codes de l’administration marocaine.
Ryad Mezzour l’expliquera à travers des situations quotidiennes que le citoyen marocain a appris à gérer au fil des ans mais que l’investisseur étranger ne comprendra certainement pas…
S’agissant du capital humain, les processus de développement industriel ont enclenché une mise à niveau des programmes pédagogiques pour répondre de manière plus efficace aux demandes des investisseurs. Car il s’agissait de les mettre en confiance.
A ce sujet, la directrice générale de l’OFPPT a nuancé la vision du ministre en insistant sur le fait que «dans le cadre de la réforme de l’Office, l’offre de formation a été redéfinie avec la mise en place des Cités des métiers et des compétences avec l’implication des professionnels. L’offre nationale de formation couvrant 18 secteurs et 28 sous-secteurs sachant que l’industrie incube une dizaine de ces sous-secteurs allant du génie mécanique au naval, en passant par l’aéronautique et l’automobile. La stratégie de déploiement industriel a été bien orchestrée. Et pour la première fois au Maroc, un programme sectoriel spécifiait dès le début ses besoins en compétences en termes de profils et de nombres ».
Les ingrédients sont là. Et l’industrie marocaine peut s’enorgueillir aujourd’hui d’avoir réalisé des exploits dans certaines filières. Parmi les exemples les plus parlants, le ministre de l’industrie et du commerce affirmera clairement que «la batterie marocaine sera mieux intégrée que la voiture produite localement. Le Maroc fera ainsi partie des cinq pays au monde affichant un taux d’intégration le plus élevé en matière de production de batteries».
Le politicien poursuivra sur le climat des affaires au Maroc qui est jugé par les investisseurs comme l’un des meilleurs au monde. «Pour l’implantation d’une usine à Tanger, la durée entre la signature de l’accord et le démarrage des activités peut ne pas dépasser 5 mois».
Tout est dit à ce niveau.
De son côté, Ali Seddiki, directeur général de l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE), rappellera aussi que «dans la filière des batteries électriques, le Maroc se positionne durablement comme un pays connecteur entre la Chine et l’Europe». Dans la filière des voitures électriques, le représentant de l’Agence affirmera qu’«il serait illusoire de croire que les Marocains pourraient faire sans les Chinois qui sont nettement en avance sur la technologie».
Pour lui, «l’ancrage permettant d’embarquer le tissu national y compris la PMI qui devra être accompagnée et aidée dans son expatriation est plus que nécessaire». Pour le reste et en termes de compétitivité, le Maroc se positionne bel et bien en tête de peloton régional pour les industries aéronautiques et automobiles. «Et pour aller plus loin, il faudrait justement atteindre le seuil de l’intégration locale profonde avec toutes les différentes strates de production». L’expert ne cessera d’insister sur cet aspect lors du débat.
Mohamed Bachiri, président de la commission de développement industriel de la CGEM, parlera de ce qui lui tient à cœur et qu’il porte si bien, à savoir le secteur automobile. «Grâce au savoir-faire acquis au fil des années, un véhicule 100% made in Morocco peut être fabriqué de la conception à la construction. En 2005, l’usine Somaca fabriquait 15.000 voitures. L’année dernière, les usines de Renault au Maroc ont fabriqué 413.000 voitures. Il s’agit là d’un record absolu d’autant plus que 90% de cette production est exportée».
En définitive, le Maroc a bel et bien actionné l’accélérateur industriel pour atteindre les objectifs assignés par la stratégie nationale. Pour rappel, la nouvelle stratégie industrielle a permis, en effet, de lancer des concertations au niveau des 12 régions du Royaume. Et grâce à la succession de stratégies industrielles convergentes, le Maroc se positionne désormais comme un hub industriel compétitif au niveau régional et international. Néanmoins, dans un contexte mondial et régional marqué par la recrudescence de l’inflation et la perturbation des chaînes d’approvisionnement, le Maroc devra poursuivre le chemin vers une nouvelle ère industrielle pour une industrie plus résiliente, capable de faire face aux nouveaux enjeux économiques mondiaux et de créer davantage d’emplois et de valeur. Il devra faire preuve d’agilité pour adapter également sa législation commerciale compte tenu des différentes mutations à l’international. La notion de souveraineté demeurant le fer de lance de cette nouvelle industrie orientée sur la promotion du capital humain, le développement de la R&D et l’innovation, l’amélioration de la compétitivité et le développement durable.
La boucle sera bouclée.