CouvertureEconomieEntretienUne

Odile Renaud-Basso: «Notre ambition est de continuer à avoir du succès dans le partenariat stratégique avec le Maroc»

© D.R

Entretien avec Odile Renaud-Basso, présidente de la BERD

Avec ses visions ambitieuses, le Maroc a réussi à gagner la confiance de grandes institutions financières internationales, à l’instar de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) qui accompagne le Royaume dans divers chantiers de développement. La BERD présente aux Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI. L’occasion étant de faire le point sur la coopération avec le Royaume et les ambitions de l’institution au niveau national. Odile Renaud-Basso, qui en est la présidente, liste les priorités.

ALM : La BERD est aujourd’hui présente aux Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI. Quel message souhaiteriez-vous porter durant cette manifestation ?
Odile Renaud-Basso : Le premier élément est notre joie d’être au Maroc. Je suis extrêmement contente d’être ici. C’est la première fois depuis 50 ans que les Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI ont lieu en Afrique. C’est un signal très important qui démontre l’intérêt et le soutien apporté aux pays du continent. Le deuxième élément est la solidarité avec le Maroc compte tenu du tremblement de terre qui s’est produit il y a quelques semaines et qui a eu un impact humain important. La BERD partage évidemment la peine du pays. En tant que banque, nous essayons de développer le type de soutien qui nous pourrons apporter pour aider nos clients à faciliter la reconstruction. Le troisième message que nous véhiculons est lié aux réunions elles-mêmes : Le contexte mondial actuel nécessite de continuer à coopérer et travailler ensemble pour davantage de progrès économiques, sociaux et environnementaux. Beaucoup d’efforts sont à consentir et cela nécessite de la coopération internationale.

Est-ce vous avez eu l’occasion de rencontrer les décideurs marocains en marge de cette manifestation ?
J’ai eu une réunion avec notre gouverneur de la BERD au Maroc, en l’occurrence Nadia Fettah, ministre de l’économie et des finances et plus brièvement avec Leila Benali, ministre de la transition énergétique et du développement durable, avec qui nous avons signé un mémorandum d’entente sur un soutien apporté à l’ONEE. Nous avons discuté à la fois de la situation du Maroc, de l’impact du tremblement de terre et de comment la BERD pourrait, de par des instruments financiers, apporter un soutien. Nous avons déjà des projets avec des banques, des institutions de micro-crédits pour pouvoir apporter un financement spécifique aux entreprises qui ont été touchées par la catastrophe. Nous avons aussi échangé plus globalement sur la stratégie de coopération entre la BERD et le Maroc ainsi que sur les investissements que nous réalisons dans le pays.

Quelle place occupe le Royaume dans votre portefeuille clients ?
Le Royaume est un pays stratégique pour la BERD. Nous avons investi plus de 4,2 milliards d’euros depuis que nous avons commencé à intervenir au Maroc. Nous intervenons à la fois pour développer le secteur privé, qui est notre première priorité, soit directement par des financements à des entreprises privées ou au secteur bancaire. Nous mobilisons, également, beaucoup de financement pour les infrastructures et les investissements dans le domaine des énergies, notamment en matière du renouvelable et du développement de l’énergie propre. L’un des angles sur lequel nous intervenons au Maroc est le rôle des femmes. Nous apportons un soutien spécifique à des activités de business développées par les femmes et où il y a beaucoup de potentiel.

Quel bilan dressez-vous de votre activité au Maroc ?
La BERD a commencé à intervenir au Maroc en 2012 et depuis, nous avons investi, comme j’ai susmentionné, 4,2 milliards d’euros dans 95 projets.
L’année dernière, en 2022, nous avons eu la deuxième année la plus élevée en matière d’investissement. 530 millions d’euros ont été injectés dans des projets assez divers comme les émissions vertes par l’ONCF ainsi que d’autres projets avec des institutions financières.
Pour cette année, nous espérons avoir, également, un niveau d’investissement très important. Nous sommes toujours en train de développer des projets.

Compte tenu du contexte actuel, qu’est-ce que vous préconisez comme modèle au Maroc pour une meilleure performance économique et de facto une bonne intégration régionale ?
L’orientation donnée au plus haut niveau de développer les énergies renouvelables et verdir l’économie est un facteur assez important dans le long terme. Cela va devenir un élément de compétitivité. Le Maroc peut devenir vraiment un lieu d’exportation d’énergie parce qu’il y a beaucoup de potentiel dans le solaire et l’éolien.
Les besoins d’énergie dans le monde sont énormes. Il y a beaucoup de projets possibles au Maroc. De même, la stratégie de développer les capacités manufacturières a montré, aujourd’hui, un succès important, notamment quand on voit l’attrait du Maroc comme lieu d’investissement étranger pour développer de telles productions. Aussi, l’inclusion et la qualité de l’éducation sont très importantes pour la croissance à long terme du Royaume. Le fait que l’ensemble du pays puisse bénéficier de la croissance économique est un élément phare de « soutenabilité » à long terme. C’est d’ailleurs cela qui fait inscrire le potentiel de croissance dans la durée.

Une nouvelle stratégie pays est en cours de finalisation pour le Maroc. Peut-on avoir une idée sur les points clés de cette vision ?
Nous sommes dans les échanges finaux avec les autorités. Nous allons présenter rapidement cette stratégie. Les grands axes vont être la compétitivité de l’économie, le climat et l’inclusion. Sur la base de ces axes, nous allons définir les projets. Nous allons travailler, par ailleurs, avec des institutions publiques pour les appuyer dans la définition des politiques publiques. A titre d’exemple, nous collaborons avec la ministre de l’économie et des finances sur la stratégie de gestion des entreprises publiques.

Est-ce que vous prévoyez de nouvelles lignes de financement pour le Royaume?
Nous innovons toujours. Par exemple, nous avons fait au Maroc des lignes de crédits bancaires avec de l’assistance technique pour les jeunes qui développent leurs entreprises « younging business », nous avons également développé de nouveaux produits pour financer la décarbonation en vu d’aider les entreprises privées à décarboner leur processus ou à améliorer leur efficacité énergétique. Nous innovons de façon continue et nous continuerons de le faire les années qui viennent.

Quelles sont les ambitions de la BERD au Maroc à court et moyen termes ?
Nous souhaitons maintenir un bon niveau. Comme souligné, le Maroc est un pays stratégiquement important. C’est un pays d’opération où nous faisons les plus hauts volumes d’investissement. Nous souhaitons accompagner le pays dans sa transformation, sa croissance économique et sa transition verte mais aussi traiter les défis, notamment ceux de l’eau et de l’inclusion. Notre ambition est de continuer à avoir du succès dans ce partenariat stratégique et dans l’évolution du pays vers une société moderne et équitable.

Décarbonation du secteur énergétique : La BERD s’allie au département de Leila Benali

Partenariat. Le Maroc et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) unissent leurs forces pour accélérer la décarbonation du secteur énergétique au Maroc. Un Mémorandum d’entente a été signé à Marrakech le 11 octobre 2023, par Leila Benali, ministre de la transition énergétique et du développement durable, et Nandita Parshad, directrice générale des infrastructures durables à la BERD. Au titre de ce rapprochement, les deux institutions ont convenu d’approfondir leur coopération pour aider à faire progresser la transition énergétique verte au Maroc.

La coopération visera à accélérer le déploiement des énergies renouvelables, à renforcer le réseau électrique, à déployer des solutions d’efficacité énergétique dans tous les secteurs et à développer un marché de l’électricité ouvert et fonctionnel. «Nous sommes très heureux d’annoncer aujourd’hui ce partenariat avec notre partenaire de longue date, la BERD, qui intervient à un moment crucial de notre relation avec nos partenaires européens, avec la signature du partenariat vert par le Maroc. Cela est d’autant plus important compte tenu de l’ambitieux programme d’investissement lancé par l’ONEE et de sa transformation.

Ce protocole d’accord soutiendra un élément clé de notre stratégie : renforcer les réseaux et assurer un financement durable à long terme dans des systèmes énergétiques agiles et robustes », souligne dans ce sens Leila Benali. Pour sa part, Nandita Parshad, a salué l’engagement du ministère en faveur de la décarbonation du secteur de l’électricité. « En signant ce Protocole d’accord, nous renforçons une coopération déjà dynamique en matière de transition énergétique », indique la responsable. Et de rappeler que « face à l’urgence climatique, le Maroc a été à l’avant-garde de l’effort climatique du continent et prend désormais de nouvelles mesures pour mettre le pays sur une voie durable aussi bien en matière d’adaptation et d’atténuation des effets du changement climatique ».

Dans les détails, la BERD et le département de Leila Benali ont convenu, dans le cadre de mémorandum d’entente, de soutenir l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) dans ses efforts de décarbonation et de renforcer la résilience de l’ONEE, notamment en accélérant la digitalisation de l’entreprise et à travers la mise en œuvre de la loi 48-15 relative à la régulation du marché de l’électricité. La portée de la coopération couvrira un certain nombre de domaines d’intérêt stratégique commun à long terme, notamment la mise en œuvre d’une trajectoire neutre en carbone et l’élimination progressive des actifs fossiles au cours des prochaines décennies. 

Articles similaires

EconomieUne

Promotion de la destination Maroc : l’ONMT cible la Gen Z via TikTok

L’Office National Marocain du Tourisme (ONMT) innove en imaginant une opération inédite...

EconomieUne

Tanger-Tétouan-Al Hoceima : Le CRI dresse son bilan au titre de l’exercice 2023

En se basant sur cette étude, 92% des entreprises interrogées se sont...

Economie

Région TTA : Les retenues des barrages atteignent environ 1,1 milliard de m3

Les retenues des grands barrages situés dans la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima (TTA)...

EconomieUne

Reportage : The View Agadir, une élégance dans le tourisme bien à part

Les équipes de gouvernance ont été toutes ou presque changées avec une...

EDITO

Couverture

Nos supplément spéciaux