Au terme de cinq jours de dures négociations au siège de l’institution à Genève, les délégués des 147 membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont, sous les applaudissements, approuvé dans la nuit un compromis, en ratant de quelques minutes une échéance fixée à fin juillet. « C’est un moment historique pour notre organisation », a lancé le directeur général de l’OMC, Supachai Panitchpakdi.
L’accord prévoit pour la première fois d’ouvrir des négociations pour fixer une date limite pour supprimer les subventions aux exportations du Nord, accusées de ruiner les paysans des pays en développement. Il prévoit aussi une baisse des autres subventions à l’agriculture qui faussent le commerce. Le texte avait été rédigé quelques heures plus tôt par une trentaine de pays qui avaient discuté presque sans interruption depuis vendredi à midi. Le compromis permet de donner un « cadre » aux négociations lancées à Doha (Qatar) fin 2001 sur un abaissement généralisé des barrières douanières dans le monde. Un échec, après celui de la conférence de Cancun (Mexique) en septembre 2003, aurait repoussé aux calendes grecques la conclusion du cycle dans tous ses aspects concrets (montants chiffrés, calendriers d’application, etc). Le cycle de Doha devrait théoriquement être bouclé avant la fin de l’année, mais les pays membres ont décidé de repousser sine die la conclusion du cycle. L’accord prévoit simplement que les Etats « redoublent d’efforts » pour parvenir à un résultat dans la perspective de la prochaine conférence ministérielle qui aura lieu à Hong Kong en décembre 2005.
Le patron de l’OMC a souligné les conséquences positives de l’accord pour les populations les plus pauvres de la planète. « Les agriculteurs auront plus de débouchés pour leurs produits sur les marchés internationaux. Avec l’élimination des subventions aux exportations, leurs bénéfices seront plus élevés », a-t-il ajouté. L’accord sur l’ouverture des barrières douanières aux importations de produits industriels « créera des emplois », a ajouté M. Supachai, tandis que les négociations concernant les services se traduiront, selon lui, par des investissements dans les pays en développement. Ces pays se sont félicités de l’accord. Lequel marque « le début de la fin des subventions agricoles », a espéré le ministre brésilien des Affaires étrangères, Celso Amorim. « L’accord conclu aujourd’hui est un pas décisif pour le commerce mondial », a estimé de son côté le représentant américain au Commerce, Robert Zoellick. « Après le détour de Cancun, nous avons remis les négociations à l’OMC sur les rails », a-t-il déclaré.
L’accord constitue « un bon compromis » pour les agriculteurs européens, a assuré le commissaire européen à l’Agriculture, Franz Fischler. Son collègue chargé du Commerce, Pascal Lamy, a souligné que le texte était également « un bon accord pour la France », en référence aux réticences affichées par Paris.
Vendredi, la France avait été isolée au sein du Conseil européen, s’opposant seule à un précédent projet de compromis préparé par l’OMC. Le 21 juillet, le président Jacques Chirac avait jugé ce projet « inacceptable en l’état », estimant qu’il était laxiste envers les subventions agricoles américaines. En échange de concessions en matière agricole, les pays développés ont obtenu l’engagement des négociations sur la baisse des droits de douanes pour les produits industriels.