Open banking : compte à rebours au Maroc

«L’Open Banking vise une meilleure intégration de la finance et du digital. C’est un chantier complexe qui dépend du niveau de maturité des acteurs de l’écosystème ainsi que des prérequis techniques et de l’engagement de collaboration qui doivent être respectés.

C’est une véritable révolution qui se profile pour le secteur bancaire marocain. Les responsables sont en train de mettre les derniers réglages pour le déploiement de l’Open Banking. La banque centrale s’apprête à désigner un cabinet privé pour encadrer le chantier. C’est ce qui ressort de l’intervention d’un responsable de Bank Al-Maghrib. En effet, Abdelilah Harrat, responsable de la surveillance des plateformes et opérateurs des services financiers digitaux à Bank Al-Maghrib, vient d’annoncer qu’un cabinet spécialisé sera désigné d’ici la fin de l’année 2025 pour encadrer la mise en œuvre du modèle Open Banking au Maroc à travers un cadre juridique dédié. Cette initiative vise à créer un environnement sécurisé et interopérable, indispensable pour une ouverture maîtrisée des données bancaires.

Le responsable s’exprimait dans le cadre d’une rencontre organisée à l’initiative de la Chambre de commerce britannique pour le Maroc (BritCham), réunissant acteurs institutionnels, experts financiers et représentants de la tech autour du thème « Open Banking, Intelligence Artificielle et Finance Décentralisée : Vers une nouvelle ère de la sécurité des données ? ». Cet événement a offert une plateforme d’échange approfondi sur trois piliers de la modernisation financière : l’Open Banking, l’Intelligence Artificielle (IA) et la Finance Décentralisée (DeFi) — trois dynamiques qui pourraient, selon McKinsey, générer plus de 400 milliards de dollars d’économies annuelles dans les services financiers mondiaux d’ici 2030.

Le Maroc s’aligne sur la tendance
Pour rappel, Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, avait déjà mis en avant le rôle de l’Open Banking comme un levier d’innovation et de développement dans le secteur bancaire. Il a souligné son potentiel pour stimuler la recherche et le développement, tout en notant l’importance de la cybersécurité dans ce contexte. l’Open Banking, qui permet aux tiers prestataires d’accéder aux données bancaires des clients via des API sécurisées, est considéré comme un moyen de favoriser l’interopérabilité et l’innovation dans le secteur financier. Les responsables encouragent son adoption pour dynamiser le marché et améliorer l’offre de services financiers. Alors que plus de 70 pays ont déjà lancé ou expérimenté des cadres réglementaires pour l’Open Banking, et que les investissements dans les fintechs ont dépassé 150 milliards de dollars en 2023 dans le monde (KPMG, 2024), le Maroc s’engage résolument sur cette voie stratégique avec des banques marocaines qui s’y préparent déjà. Dans ce sens, Houda Boukar, responsable Data Groupe à Bank of Africa, a partagé l’avancement des projets Open Banking au sein du groupe bancaire. Elle a souligné l’importance de la collaboration entre banques traditionnelles et fintechs, ainsi que les défis liés à l’innovation responsable, la cybersécurité et la conformité réglementaire. Mustapha Lahlali, directeur exécutif au Morocco Fintech Center, a livré une vision optimiste mais lucide de l’écosystème marocain, notant que plus de 50 fintechs sont actives aujourd’hui au Maroc. Il a insisté sur le rôle stratégique de l’Open Banking pour ces startups et a plaidé pour un accompagnement renforcé en matière de réglementation, d’accès au marché et de financement. L’ensemble des participants à la rencontre de BritCham a reconnu que des avancées significatives ont été réalisées dans la structuration du marché, avec une meilleure coordination entre acteurs publics et privés et une dynamique d’innovation renforcée. Badr Bellaj, co fondateur et CTO de MCHAIN, a défendu une vision intégrée entre DeFi et Open Banking.

Il a présenté les solutions blockchain développées par MCHAIN autour de la traçabilité, l’identité numérique et la sécurité décentralisée. Il a rappelé que le Maroc figure au 27e rang mondial en termes d’adoption de la cryptomonnaie (source : Chainalysis, 2023), ce qui témoigne d’un fort potentiel à valoriser par l’innovation locale. Il faut préciser enfin que l’Open Banking est un système qui permet aux tiers prestataires d’accéder aux données bancaires des clients avec leur consentement, via des API sécurisées. Le rôle de Bank Al-Maghrib consiste notamment à mettre en place un cadre réglementaire pour l’Open Banking afin de garantir la sécurité et la fiabilité des échanges de données. Ce chantier comporte beancoup d’avantages potentiels, notamment la stimulation de l’innovation. Il est question également d’améliorer l’offre de services financiers et favoriser la concurrence entre les banques et les fintech. Cela dit, le projet présente également des enjeux puisqu’il s’agit d’assurer la cybersécurité et la protection des données personnelles des clients dans le cadre de l’Open Banking. Les autorités financières et monétaires du pays voient dans l’Open Banking une opportunité de moderniser le secteur bancaire marocain et de le rendre plus dynamique, tout en veillant à la sécurité des transactions et des données. Pour rappel, le directeur général de BAM avait affirmé lors du Salon Gitex 2024 à Marrakech que «l’Open Banking vise une meilleure intégration de la finance et du digital. C’est un chantier complexe qui dépend du niveau de maturité des acteurs de l’écosystème ainsi que des prérequis techniques et de l’engagement de collaboration qui doivent être respectés. Compte tenu de cette complexité, nous avons commencé par la réalisation d’une enquête auprès des acteurs concernés dont la plupart soutiennent l’adoption de l’Open Banking, mais considèrent qu’un cadre juridique est nécessaire pour le réguler». La même source avait fait savoir que la Banque centrale avait lancé des études pour la mise en place de ce cadre juridique tout en examinant en parallèle le passage par une phase intermédiaire et pilote pour expérimenter des cas d’usage afin d’établir une régulation proportionnée.

Banque ouverte
Définition. L’Open Banking, ou banque ouverte, est un concept qui permet aux tiers, comme des fintechs, d’accéder aux données financières des clients via des interfaces de programmation d’applications (API) avec le consentement du client. Au Maroc, Bank Al-Maghrib (BAM) avait déjà annoncé le lancement des travaux pour à la mise en place d’un cadre réglementaire pour l’Open Banking. L’objectif est de favoriser l’innovation, la transparence et l’inclusion financière en ouvrant le secteur bancaire aux acteurs tiers et en facilitant l’accès au crédit pour les particuliers et les entreprises. L’Open Banking au Maroc devrait permettre de décloisonner les données bancaires et faciliter un accès sécurisé aux données financières des clients par des prestataires tiers autorisés. Le but est d’encourager le développement de nouveaux services financiers et de produits innovants par les fintechs et autres acteurs. Il s’agit également de faciliter l’accès au financement pour les petites et moyennes entreprises (TPE) et les particuliers. Il est question de renforcer la transparence à travers l’accroissement de la transparence du secteur bancaire et l’amélioration de la comparaison des offres. Les clients doivent donner leur consentement explicite avant que leurs données ne soient partagées avec des tiers. Les banques peuvent partager des informations telles que les soldes de comptes, l’historique des transactions et d’autres données pertinentes avec des prestataires tiers autorisés. L’Open Banking permet le développement de nouveaux services tels que la gestion de budget, les conseils financiers personnalisés, les paiements simplifiés et d’autres applications innovantes.