L’échec des négociations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) cette semaine à Genève a probablement reporté à 2009 toute avancée dans la libéralisation des échanges commerciaux, même si certains pays demandent une reprise rapide des discussions. Pour le prix Nobel d’économie et professeur à l’université de Columbia Joseph Stiglitz «les pourparlers ne pourront reprendre qu’après les élections américaines», d’autant qu’il est «difficile de négocier un accord quand le chômage augmente» et que l’économie faiblit. Un avis partagé par Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS. «On va attendre l’arrivée de la prochaine administration américaine ». L’Inde, poids lourd de l’OMC, devrait organiser des élections fin 2008.
Certains pays ne cachent pas leur satisfaction de voir le cycle de Doha paralysé, à l’instar de l’Italie. Elle a fait partie d’un groupe de 9 pays européens, dont la France et l’Irlande, qui jugeaient que l’Europe avait lâché trop de lest par rapport à ses partenaires commerciaux. Le ministre français de l’Agriculture Michel Barnier a lui suggéré d’ouvrir les discussions sur les produits agricoles, qu’il qualifie d «’actifs stratégiques», vers d’autres institutions, comme l’Organisation de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ou le Fonds monétaire international (FMI). Un argument typiquement «protectionniste», pour Elie Cohen. Joseph Stiglitz ajoute qu’il est difficile de déplacer les négociations vers d’autres instances, malgré leur complexité: «En ayant beaucoup de sujets réunis dans un même forum, il est plus aisé de trouver des compromis». Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, dont le pays aurait été l’un des principaux bénéficiaires d’un nouvel accord de libéralisation du commerce, suggère lui d’organiser une réunion de chefs d’Etat pour apporter une «solution politique» au cycle de Doha, amorcé en 2001. Le commissaire européen au Commerce Peter Mandelson a de son côté appelé à une reprise dès cet automne des discussions, un avis que partage l’Allemagne. Le directeur général de l’OMC Pascal Lamy a affirmé vendredi que des réunions étaient «actuellement en cours (à Genève) sur la clause de sauvegarde sur laquelle ont buté les négociations », appelant à dépasser cet « obstacle technique ».
• Véronique Dupont (AFP)