Vers une nouvelle taxation pour orienter les consommateurs vers des produits «écolos» et moins nocifs pour la santé
Fiscalité. Le gouvernement veut aller loin dans la lutte contre la malbouffe ainsi que les équipements énergivores. Pour ce faire, les responsables brandissent l’arme de la taxation dans le cadre du projet de loi de Finances 2024. Voici un avant-goût.
Face à une progression des maladies chroniques liées au mode de vie et à la pulvérisation continue de record de consommation de l’électricité, les responsables veulent agir. Un nouveau dispositif est envisagé dans le cadre du projet de loi de Finances (PLF 2024). C’est ce qui ressort du dernier rapport du ministère de l’économie et des finances relatif à l’exécution et au cadrage économique triennal. Plusieurs produits sont en ligne de mire. C’est le cas pour le tabac. La réforme de la fiscalité sur les cigarettes, mise en œuvre depuis 2022, sera poursuivie avec un schéma de taxation progressif dans l’objectif de la simplification du système de taxation des cigarettes, de la consolidation des recettes du budget général de l’Etat et de la protection du consommateur.
Il est question également de la mise en place d’un schéma de taxation graduel relatif à la TIC, sur une durée de 2 ans à partir de 2024, pour certains produits alimentaires de grande consommation contenant du sucre ajouté, avec l’élargissement de la gamme des produits soumis à cette taxation. Cette mesure contribuera à lutter contre certaines maladies et réduire, par conséquent, les dépenses de santé y afférentes. La lutte contre le blanchiment n’est pas en reste. Il est question du renforcement du dispositif législatif douanier en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, afin d’améliorer la conformité du Maroc aux recommandations du Groupe d’action financière (GAFI) en la matière.
Taxe carbone
Dans le même contexte, l’année 2024 verra également la conduite de trois chantiers importants, en l’occurrence l’étude de la mise en place d’une taxe carbone au Maroc conformément aux dispositions de l’article 7 de la loi-cadre n° 69-19 portant réforme fiscale. Ceci dans l’objectif de permettre aux entreprises marocaines de maintenir leur compétitivité à l’international. L’année 2024 sera ainsi dédiée à la conception de ladite taxe à travers, notamment, la délimitation de son périmètre et la détermination des modalités de son application en concertation avec les départements ministériels concernés, et via l’appui technique des institutions financières internationales.
Il s’agit également de la promotion de l’efficacité énergétique, en incitant les consommateurs à utiliser les équipements les plus économiques en matière de consommation d’électricité, à travers l’application d’une TIC sur les équipements concernés dont les quotités seront différenciées, selon l’indice d’efficacité énergétique qui leur est propre. Cette démarche, ayant été entamée lors de la loi de Finances 2022 avec l’instauration d’une TIC dite verte sur les équipements électriques de grande consommation, s’inscrit dans la continuité des engagements du Maroc visant l’encouragement des actions de protection de l’environnement et du développement durable.
Elle est, en effet, en parfaite adéquation avec les objectifs de la loi-cadre portant réforme fiscale et avec ceux désignés dans la feuille de route de la stratégie énergétique nationale (2009-2030). «Dans ce cadre, pour une application optimale de cette mesure, il est prévu au titre de l’année 2024 de finaliser, en concertation avec les départements concernés, les textes réglementaires rendant les normes d’efficacité énergétique obligatoires, ce qui facilitera la mise en place d’un système de taxation efficace selon la classe énergétique des produits et équipements concernés. La finalisation de cette étape permettra aussi d’envisager l’extension du périmètre de taxation au titre de la TIC à d’autres équipements énergivores pour orienter les décisions d’achat des consommateurs», précise le rapport.
Douane verte
L’autre réforme phare prévue prévoit de rendre le tarif douanier plus vert et de soutenir les mesures de politiques écologiques, de sorte que le rôle de la nomenclature, en tant qu’outil statistique de commerce international, puisse être élargi pour devenir également un outil de soutien du commerce international durable. Ainsi, le tarif douanier sera mis à contribution pour faciliter l’application des mesures de politique environnementale aux frontières, qu’il s’agisse de mesures de contrôle, de restriction ou de facilitation des échanges et, surtout, pour asseoir une fiscalité douanière qui permettra de promouvoir ou de décourager la circulation transfrontalière de certains produits en fonction de leur impact sur l’environnement. Par ailleurs, le PLF 2024 prévoit une réforme de la TVA qui vise essentiellement la consécration du principe de la neutralité de la TVA, à travers l’alignement des taux et l’élargissement de l’exonération aux produits de base de large consommation.
Cette réforme sera mise en œuvre progressivement sur une période de trois ans (2024-2026) pour atteindre plusieurs objectifs, à savoir l’alignement progressif des taux de TVA, afin d’atténuer les situations de butoir pour les entreprises, en visant deux taux cibles à l’horizon 2026: un taux normal de 20% et un taux réduit de 10%; l’élargissement de l’exonération à certains produits de base de large consommation (médicaments, fournitures scolaires,…) et la rationalisation de certaines exonérations de la TVA; la rationalisation des incitations fiscales et des régimes dérogatoires. Enfin, le ministère va continuer son travail pour le renforcement du cadre juridique et institutionnel pour la lutte contre la fraude et l’intégration de l’informel.
«Plusieurs actions d’ordre juridique et institutionnel pourront être mises en place, afin de simplifier et de renforcer les procédures de lutte contre les pratiques de fraude fiscale et d’abus de droit, notamment la révision de la procédure d’examen de l’ensemble de la situation fiscale des contribuables et le renforcement de la conciliation pour la résolution de la situation fiscale des contribuables et leur accompagnement», ajoute la même source. A noter enfin que le projet de loi de Finances 2024 table sur un taux de croissance économique de 3,7% en 2024, après une croissance estimée à 3,4% en 2023. A travers la concrétisation du PLF 2024, la croissance économique devrait se situer à 3,7% en 2024, sur la base des derniers éléments conjoncturels au niveau national et des éléments d’incertitudes qui pèsent sur l’évolution de la conjoncture internationale, indique le rapport. Ces hypothèses fixent, notamment, la production céréalière à 75 millions de quintaux, le cours du gaz butane à 500 dollars la tonne, la parité euro-dollar à 1,081, et l’accroissement de la demande étrangère adressée au Maroc (hors produits de phosphates et dérivés) à 2,9%, poursuit la même source.
Prévisions
Budget 2024. Le PLF 2024 et tenant compte de l’hypothèse d’une campagne agricole de 75 millions de quintaux, prévoit une amélioration légère de la valeur ajoutée agricole à 5,9%. La valeur ajoutée non agricole devrait maintenir sa cadence à un rythme proche de celui de l’année précédente, puisqu’elle devrait se situer à 3,4% en 2024 après 3,3% en 2023. Pour ce qui est de la croissance de la demande étrangère adressée au Maroc, elle devrait continuer à croître au même rythme modéré de l’année 2023, et devrait augmenter de 2,9% en 2024 après 2,7% en 2023 et 5,6% en 2022. Cela devrait induire une légère accélération de la croissance des exportations de 6,4% après 5,6% en 2023. La croissance des importations devrait, quant à elle, se situer à 5,9% après 5,3% en 2023. Les secteurs secondaire et tertiaire devraient consolider leurs taux de croissance et poursuivre leur amélioration pour atteindre 2,6 et 3,8% respectivement en 2024. Du côté de la demande, la croissance devrait être portée par une contribution des exportations qui devrait s’élever à 2,9 points de pourcentage, mais qui sera totalement absorbée par la croissance des importations dont la contribution devrait se situer à -3,5 points de pourcentage. Ce qui, in fine, aboutit à une contribution des échanges extérieurs à la croissance du PIB légèrement négative de l’ordre de -0,5 point de pourcentage. Quant à la demande de consommation finale, elle devrait contribuer à hauteur de 3 points de pourcentage, portée presque à égalité par la contribution de la croissance de la consommation des ménages à hauteur de 1,4 point de pourcentage à la croissance et celle de la consommation des administrations publiques dont la contribution serait de 1,7 point de pourcentage. La formation brute de capital fixe devrait quant à elle contribuer à hauteur de 1,1 point de pourcentage. A partir de 2025, les prévisions tablent sur une correction de la croissance autour de son niveau de ces dernières années.