D’origine sismique, un tsunami est un train de vagues imperceptibles en pleine mer, mais qui se manifeste à l’approche des rivages, sous forme de déferlantes violentes et géantes, aux effets dévastateurs.
Autrement dit, à la différence des vagues générées par le vent qui sont essentiellement un phénomène de surface, les tsunamis partent du plancher océanique lui-même, et prennent l’allure d’ondulations très allongées contenant une force colossale De même que l’écorce terrestre guide les vibrations sismiques, les tsunamis transportent, à travers l’élément marin, loin de la source, l’énergie libérée lors des tremblements de terre sous-marins.
On estime à sept ou huit le nombre de grosses vagues qui font des dommages avant que l’énergie d’un tsunami ne soit dissipée. En moyenne, quinze à trente minutes séparent l’arrivée de chacune. La plus grosse vague n’est pas nécessairement la première. La plupart des tsunamis sont caractérisés, près du rivage, par une baisse soudaine du niveau de l’eau, au-delà de la limite des plus basses mers, mettant ainsi à découvert de grandes zones de la frange littorale. Puis quelques minutes plus tard, la surface libre de la mer peut s’élever de plusieurs mètres au-dessus de l’altitude de la plus haute marée. Les zones inondées peuvent s’étendre à plus 300 m à l’intérieur des terres. Figure: vague tsunami au milieu des pentes enneigées du mont Fuji, par Katsushika Hokusai (1760-1849). Il faut se garder de croire que ce phénomène est exotique. Pour preuve, signalons qu’un tsunami détruisit le 2 novembre 1755 à 9 h 40 mn le port de Mohammédia et le séisme correspondant une partie de l’ancienne Casbah. La ville n’a repris son véritable essor, malgré sa reconstruction par le sultan Sidi Mohammed Ben Abdellah, que vers le début du vingtième siècle. Les effets de ce séisme touchèrent également le site de Rabat-Salé ; on relate que la mer s’était retirée sur une grande étendue. Beaucoup de gens étaient allés contempler cet événement ; le flot montant, revenant avec une rapidité prodigieuse, dépassa de beaucoup ses limites ordinaires.
Les eaux tumultueuses montèrent à une hauteur de dix à douze mètres au-dessus du niveau des hautes marées et engloutirent un grand nombre de curieux. Le raz de marée balaya toutes les rues basses de Salé, couvrit même le sol de la grande mosquée et transporta fort loin dans la vallée toutes les barcasses et embarcations ancrées dans le fleuve.
Le pont flottant qui reliait Rabat à Salé fut rompu et enlevé par les flots. Les berges de l’oued Bouregreg s’effondrèrent en divers endroits ; à la Tour Hassan, il reste des rochers fissurés témoins de ce désastre qui changea la configuration de l’estuaire, ainsi que celle du port de Salé, le fleuve s’étant élargi à l’embouchure.
Le 29 février 1960, à Agadir, un séisme ébranla fortement, pendant quinze longues secondes, le port et une partie de la ville. Il fut précédé de deux secousses annonciatrices. La première eut lieu le 23 février ; la deuxième, beaucoup plus forte, se produisit le 29 février à 11h 45mn, soit douze heures avant la catastrophe. Cela donna lieu à une rumeur, non fondée, selon laquelle le séisme serait en corrélation avec la marée et suivrait le cycle lunaire. Plusieurs vagues de six mètres de haut accompagnèrent le tremblement de terre. Sur les plages avoisinantes, des vagues puissantes balayèrent le sable sur de grandes profondeurs. Mais la large baie d’Agadir a atténué les effets du tsunami qui s’en est suivi. Le cas singulier du port de Nador est unique au monde, en ce sens qu’il a vécu en symbiose avec les tsunamis. Cette relation particulière, méconnue, mérite d’être contée. En effet, ce sont les tsunamis qui ont entretenus au fil du temps la magnifique étendue de Mar Chica qui abrite le port historique de Nador.
Littéralement « la petite mer», cette lagune s’étire sur une longueur de 25 kilomètres. Séparée de la mer par un cordon très bas de sable, elle ressemble à un immense lac intérieur, à peine accessible par la mer.
En 1775 et en 1848, des tsunamis y produisent des ouvertures que les sables referment progressivement. Un autre tremblement de terre et un fort tsunami créent en 1889, cette fois face à Nador, une brèche. Elle fait office de voie de passage jusqu’en 1907, date où, à nouveau, elle devient impraticable par suite de l’envasement. En 1924, les Espagnols procèdent à la purge de cette passe, et assurent sa maintenance. Les bords n’en seront stabilisés et fixés qu’en 1985 par deux digues de 300 mètres chacune.
Enfin, signalons que le syndrome des tsunamis a profondément marqué l’imaginaire collectif de nombreux peuples, et toutes les civilisations y font référence de façon plus ou moins mythique.
• Par Najib Cherfaoui
Ingénieur des Ponts et Chaussées