Economie

Pourquoi les T.O. font la loi

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Que peut gagner le Maroc quand le touriste, qui vient à Agadir ou Marrakech, achète un forfait via un tour opérateur (TO) étranger, emprunte une compagnie de transport étrangère, et séjourne une semaine dans un établissement qui, de surcroît, a la possibilité de rapatrier une partie de ses devises à l’étranger? Le mutisme des statistiques marocains rend toute estimation hasardeuse.
Toutefois, on est encore loin de l’analogie parfois établie avec les pays pétroliers africains, lesquels voient s’évaporer 80% des recettes de l’or noir au profit des partenaires et de cette petite faune d’intermédiaires d’autant plus importante que le produit est mal exploité. «Nous ne sommes pas encore dans ce cas au Maroc», souligne Saïd Benazouz, secrétaire général de la Fédération nationale des agences de voyages marocaines, s’empressant aussitôt d’ajouter qu’il est néanmoins «nécessaire de trouver un équilibre entre opérateurs étrangers et marocains».
Dans le schéma classique d’un package normal, conçu par un voyagiste marocain et donné en distribution à un TO, le rapport entre les différents intervenants fluctue à volonté mais ressemble de plus en plus au schéma suivant : 30% pour le TO, 30% pour le transporteur aérien, environ 10% pour le réceptif (normalement marocain) et seulement 20% pour l’hôtelier. «En fait, l’hôtelier gagne jusqu’à 33% dans un package vendu au Maroc», rectifie Abderrahmane Oumani à cette configuration présentée par un voyagiste de la place.
Le président de la Fédération nationale de l’industrie hôtelière, n’hésite pas à pointer du doigt le phénomène du low-cost et du last minute pour expliquer la baisse du ratio par chambre disponible à Agadir. L’on est en train de vivre, dans cette destination, les mêmes erreurs qu’à Tanger dans les années 70 avec des prix toujours plus bas, signe de rapports de force de plus en plus déséquilibrés. Le mot d’ordre est le même : «Il faut, comme le dit Abdelhadi Alami, être dans le marché !».
Car, comme tout commerce, il y a un rapport de forces qui prévaut dans l’activité touristique. «Un pays comme le Maroc, qui dispose d’une offre limitée, ne peut pas faire le poids face aux gros TO», ajoute le promoteur du Palais des Congrès de Marrakech.
Les parts hôtelières ont tendance à s’effriter sous la poussée des TO et face à l’impossibilité d’élaborer des stratégies de vente communes à l’échelle nationale ou régionale. Même dans l’activité congrès, vue souvent comme très rentable, l’hôtel ne capte aujourd’hui que 20% des recettes d’un package international. Environ 50% vont à la compagnie de transport et 30% à la société de location de voitures. Les TO, qui ont gagné en gigantisme, ont désormais la maîtrise des prix. «L’hôtel ne peut pas rester vide, il a besoin de fonds de roulements pour continuer ses activités ». C’est sur cette corde raide que tire les voyagistes qui parviennent à prendre des établissements entiers ou une partie des chambres disponibles avec 50% de réduction sur le prix normal. Conséquence : chez la plupart des cinq étoiles à Agadir, Marrakech et Casablanca, la recette mensuelle pour une nuitée est en deçà de 1 000 dirhams, à l’exception des hôtels comme la Mamounia.
C’est du pain béni en temps de crise, non seulement pour les hôtels mais aussi pour les compagnies de transport aérien. Quand on a un parc aussi important que la RAM, on ne peut être indifférent à l’offre des voyagistes. Les TO assurent en moyenne 30% du remplissage des sièges de la RAM. Les TO prennent des charters entiers (cas d’Etapes Nouvelles, premier client de la compagnie nationale avec, à sa disposition, deux avions presque en permanence). Parfois, les voyagistes n’achètent pas mais prennent en allongement un certain nombre de sièges pour mieux les vendre dans leurs sites avec l’engagement de restituer quinze jours d’avance. Dans tous les cas, souligne Mohamed Benkirane, «le risque est supporté par le TO». Selon le directeur de la RAM, pour le moyen courrier, les prix ont baissé au départ de l’Europe avec la montée de l’euro.
Les voyagistes ne peuvent, déclare Samir Ghraib, se hasarder à comprimer leurs marges en deçà de 8%. Ce TO, qui s’engage sur des allongements conséquents dans les hôtels et auprès de la compagnie nationale, parvient, en jouant avec la masse, à faire des produits sur la base d’une marge de 2%. En temps de crise, tout le monde y trouve son compte, hôteliers, TO et transporteurs. Reste à savoir, dans cette configuration, et dans le chiffre d’affaires réalisé par le tourisme, combien reste-t-il au Maroc ? Sachant que, désormais, pour mieux pousser les TO à programmer le Maroc, le ministère du Tourisme soutient, via l’ONMT, ces opérateurs à réaliser dans la confection de leurs brochures et de leurs supports marketing. Fram, Etapes Nouvelles, Maxi pour la France, Globalia pour l’Espagne et dernièrement First Choice pour le marché anglais ont tous bénéficié de ces fonds qu’un cadre du ministère refuse d’appeler subvention. «C’est la pratique imposée par la logique du marché. L’Egypte fait plus et soutient également les transporteurs et les compagnies charters. Le Maroc n’a accordé aux TO français que 7 millions de dirhams pour réaliser leurs brochures. Les retombées ont été importantes depuis». Une bonne stratégie mais qui ne concerne pas (question notée dans le procès-verbal du dernier conseil d’administration de l’ONMT), les agences marocaines, réceptives des TO et qui, tout comme ces derniers, confectionnent aussi des brochures. Mais, conclut, Saïd Benazouz, c’est une question de rapport de forces.

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