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Près de la moitié de la population féminine au Maroc n’a pas de couverture médicale

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Le taux de privation atteint 39,2% en milieu urbain contre 53,7% dans le rural

Selon les quintiles de dépenses, les femmes les plus riches ont un taux de privation situé à 33,2% et les femmes les plus pauvres ont un taux qui atteint 51,8% (soit un dépassement relatif de l’ordre de 56%).

Au Maroc, elles sont encore nombreuses à ne pas bénéficier d’une couverture médicale. 44,6% des femmes ne sont ni adhérentes ni bénéficiaires d’aucun des deux systèmes d’assurance-maladie (AMO ou RAMED). C’est ce qui ressort d’une étude sur «les discriminations intersectionnelles des femmes au Maroc» réalisée par l’Observatoire national du développement humain (ONDH). Cependant, il faut noter que ce taux moyen (44,6%) cache d’importantes inégalités entre les femmes si l’on tient compte de plusieurs critères : milieu de résidence, quintiles de dépenses et région. En milieu urbain, le taux de privation par rapport à l’assurance-maladie atteint 39,2% contre 53,7% pour le milieu milieu rural. Selon les quintiles de dépenses, les femmes les plus riches ont un taux de privation situé à 33,2% et les femmes les plus pauvres ont un taux qui atteint 51,8% (soit un dépassement relatif de l’ordre de 56%). Les deux régions qui enregistrent les taux de privation les plus bas sont celles du Sud (28,8%) et de l’Oriental (29,9%). En revanche, les deux régions marquées par les taux de privation les plus élevés sont celles de Béni Mellal-Khénifra (51,1%) et du Souss-Massa (53,1%). Le croisement selon les critères de milieu de résidence, quintiles de dépenses et région de résidence montre que certains groupes de femmes sont moins privés que d’autres. Les groupes les moins privés sont les citadins les plus riches des régions du Sud (23,5%) et de l’Oriental (24,6%). Les groupes les plus défavorisés sont les ruraux les plus pauvres des régions de Béni Mellal-Khénifra (60,3%) et Casablanca-Settat (60,5%). L’ONDH fait remarquer que les femmes rurales les plus pauvres occasionnent un taux de privation de l’ordre de 54,5% alors que les citadines les plus riches ont un taux de privation situé à 30,5%. Le groupe le plus défavorisé «des ruraux les plus pauvres de la région Casablanca-Settat» enregistre un taux de privation élevé, à 60,5%. Dans son étude, l’ONDH s’est intéressé aux femmes âgées de 18 ans et plus ne disposant pas de couverture médicale et confrontées simultanément à d’autres privations : cycle primaire non complété et statut décent dans l’emploi. Les résultats, en tenant compte de ces critères, révèlent que 27,9% des femmes de cette catégorie de la population sont privées de manière simultanée d’une assurance-maladie, d’un statut décent, ainsi qu’elles n’ont pas complété leur cycle d’enseignement primaire. L’estimation de l’effectif de ce groupe de femmes discriminées de manière simultanée s’élève à 3.359.150. La répartition de la population féminine victime de ces privations simultanées selon le milieu de résidence montre que près de 55,1% résident en milieu rural alors que la répartition de la population concernée, qu’elle soit privée et non privée de manière simultanée, montre que les femmes en milieu rural ne représentent que 35,2%. L’écart absolu entre ces deux proportions est 19,9% et en terme relatif 56,6%.

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Obstacles à l’accès aux services de santé

L’étude de l’ONDH révèle que 27,6% des filles et femmes de tout âge n’ont pas recours à une consultation médicale suite à une maladie, blessure ou accident. Autre chiffre alarmant : 11,4% des femmes non célibataires, âgées de 15-49 ans, en période de grossesse, n’ont pas eu recours aux consultations prénatales. Signalons également que 10% des femmes non célibataires âgées de 15-49 ans, en période de grossesse, n’ont pas eu recours à l’accouchement en milieu surveillé. Ces chiffres reflètent une situation préoccupante quant à l’accès des femmes et des filles aux services sanitaires. Environ le quart de la population féminine souffrant de problèmes de santé n’arrivent pas à effectuer une consultation médicale pour différentes raisons économiques ou socioculturelles ou des raisons liées à la gouvernance du système de santé. Environ le dixième de la population féminine enceinte n’arrive pas à effectuer ni consultations prénatales ni accouchements en milieu surveillé. Par ailleurs, l’ONDH a réalisé une analyse qualitative en ciblant les femmes et les filles issues des milieux les plus discriminés. Cette analyse a montré que celles-ci font face à de nombreux obstacles pour accéder aux services de santé. Ceci résulte de leur faible pouvoir économique et au fait qu’elles ne disposent pas d’autonomie dans leurs décisions relatives à leur propre santé. Ces limitations sont accentuées par d’autres facteurs liés aux déséquilibres de la couverture sanitaire, aux problèmes d’accessibilité au transport et aux limites intrinsèques au Ramed qui ébranlent leur confiance envers les prestataires de soins. Parmi les principaux dysfonctionnements, l’ONDH relève le caractère juridique non contraignant de la loi 65-00 pour fournir les soins adhérents au Ramed. L’Observatoire mentionne également la complexité des procédures liées à la demande de la carte d’affiliation au Ramed, le parcours de soins imposé aux Ramédistes en situation de handicap ou vivant en milieu rural. Parmi les autres obstacles figure l’absence de structures et de personnel dédié à la prise en charge et à l’accompagnement des personnes malades de longue durée, handicapées ou dépendantes.

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