Economie

Qui a peur de la loi Hejira ?

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Présenté comme étant une révolution par le ministère chargé de l’Habitat et l’Urbanisme, le projet de loi 04/04, complétant la loi 12/90 sur l’urbanisme ainsi que la loi 25/90 sur les lotissements et l’amoncellement de terrains et qui vient abroger la loi du 25 juin 1960 sur les constructions rurales, traîne depuis deux années. Déposé à la commission de l’Intérieur, de la décentralisation et des infrastructures de la Chambre des représentants lors de la session de printemps de 2004, ce projet y est toujours. « Ce texte de loi a été passé au peigne fin par les députés. Tous les articles ont été discutés à raison d’un article par réunion », explique un député. Et d’ajouter que les discussions ont été très virulentes. Au bout de deux années de débats et d’études, un texte amendé est fin prêt. Il sera remis dans les jours qui viennent au ministère de tutelle. Le groupe istiqlalien a présenté à lui seul quelque 70 amendements. Les députés RNIstes ont présenté pratiquement le même nombre de modifications. Et les autres groupes parlementaires ont fait de même. « Mais l’essence du texte n’a pas changé. Son objectif est toujours le renforcement du contrôle en matière de lutte contre les habitations insalubres et anarchiques », souligne la même source. Mais au lieu de réunir ces pouvoirs de contrôle entre les mains du gouverneur, comme le projet de loi proposé le stipule, les députés sont unanimes quant à le faire au niveau du maire ou du président de la commune concernée. «Nous avons ainsi travaillé dans le sens du renforcement des acquis de la démocratie, en parfaite conformité avec la charte communale 78.00».
Mais la plupart des amendements proposés par les députés visent la réduction « du flou autour de la responsabilisation des différents intervenants au niveau local », comme le souligne pour sa part Khalil Boucetta, député istiqlalien. Ainsi, et en ce qui concerne la délivrance de l’autorisation de construire, obligatoire dans le projet de loi 04/04, les amendements des députés vont dans le sens du renforcement des attributions et prérogatives des élus. Et ce sont ces derniers qui, dans la copie des députés, doivent se charger du contrôle. Les articles les plus contestés du projet, ceux relatifs aux peines d’emprisonnement et d’amende encourues en cas d’infraction ont été adoucis. L’article 71 du projet de loi prévoit par exemple des peines d’emprisonnement « allant de trois mois à un an et d’une amende de 50.000 à 300.000 dirhams ou l’une de ces deux peines seulement à l’encontre de toute personne qui engage une construction sans avoir obtenu le permis de construire ». Les amendements des députés distinguent entre toute construction initiée par une personne physique pour y loger et les autres chantiers des promoteurs immobiliers destinés à la vente au public. «Les mêmes peines et amendes ne peuvent être appliquées dans des situations aussi différentes». Ces différents amendements doivent être adressés au ministère de l’Habitat qui les fera soumettre aux différents départements ministériels concernés. Le recours à l’arbitrage du Premier ministre, dans le cas où ce blocage perdurerait, est envisageable. «L’objectif est de pallier un déficit juridique qui a beaucoup nui à notre pays. Dans l’attente d’un Code de l’Urbanisme qui ne pourrait voir le jour qu’en 2008 ou 2009, il est nécessaire de se doter d’un arsenal juridique clair et sévère à même de stopper l’hémorragie de l’habitat insalubre», estime un haut responsable de ce ministère.

 Cadrage


C’est l’un des projets de loi les plus douloureux que le Parlement ait à discuter. Et ce n’est pas un hasard si la plupart des groupes parlementaires, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, se sont ligués contre ce texte depuis le 16 avril 2004, date de sa transmission à la commission de l’Intérieur, des infrastructures et de la décentralisation. En effet, le projet de loi en question qui se rapporte à l’urbanisme criminalise notamment les fraudes enregistrées dans le processus de création de l’habitat insalubre où le Maroc continue de battre de jolis records. Autrement dit, la prison pour les élus locaux et les agents d’autorité, coupables d’encourager ce type d’habitat. La sanction reste le seul moyen de mettre fin au business juteux des bidonvilles.  D’où la grande peur qui s’est emparée des partis lesquels aiment apparemment voir se poursuivre l’impunité et la dilution des responsabilités.
Or, pour dépasser le blocage qui dure depuis plus d’un an, il va falloir convoquer une réunion autour du Premier ministre et les ministres concernés (Habitat, Intérieur, secrétariat général du gouvernement, Relations avec le Parlement) en vue de trouver un consensus préalable sur les projets d’amendements des députés. Mais il ne faut pas que ces derniers vident la loi de sa substance étant entendu que la future loi Hejira n’est qu’un dispositif de transition en attendant l’entrée en vigueur du code de l’urbanisme prévue avant 2009.

Abdellah Chankou

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