Entretien avec Samir Rachidi, DG de l’Iresen
Perspectives prometteuses : La cinquième édition du World Power-to-X Summit a tenu ses promesses. Organisé les 1 et 2 octobre 2025 par l’Iresen, sous l’égide du ministère de la transition énergétique et du développement durable en partenariat avec le Cluster Green H₂, l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) et Masen, ce rendez-vous a réuni plus de 1 750 participants issus de 40 pays, avec la participation de 146 intervenants, dont 82 pour le Sommet et 64 pour IRSEC’X. Ce Sommet s’impose comme une plateforme privilégiée de dialogue, de coopération et de négociation, au service de la consolidation de la position du Maroc en tant que hub énergétique régional et mondial de référence pour l’hydrogène vert et ses applications. Samir Rachidi, directeur général de l’Iresen, s’est confié à ALM sur les projets liés à l’hydrogène vert et les perspectives prometteuses qu’offre ce secteur en pleine émergence.
ALM : Quel rôle joue l’Iresen dans le développement de la compétitivité de l’hydrogène vert au Maroc ?
Samir Rachidi : Créé en 2011, l’Iresen (Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles) accompagne le gouvernement et soutient les politiques publiques en matière de recherche, développement et innovation, notamment dans le cadre de la transition énergétique.
Nous avons joué un rôle clé dans le développement des énergies renouvelables, à travers des applications liées au solaire, au photovoltaïque, au thermique, ainsi qu’au stockage d’énergie par batteries et aux réseaux intelligents. Aujourd’hui, notre action s’étend également à la filière hydrogène. Notre mission ne se limite pas à la recherche : nous œuvrons aussi à la préparation de l’expertise nationale et au développement des compétences, à travers la formation continue et la montée en compétences du capital humain, tant dans le domaine de la recherche que dans l’industrie. Nous mettons en place des plateformes de recherche et de démonstration à échelle intermédiaire ou pré-industrielle, afin de favoriser le passage de la R&D à l’industrialisation. L’un de nos objectifs est de créer des synergies entre les entreprises marocaines et internationales, tout en renforçant les liens entre les universités du pays et les centres de recherche à l’étranger. Nous jouons ainsi un rôle de catalyseur, en encourageant la fertilisation croisée des idées entre les différents acteurs de l’écosystème pour promouvoir l’innovation.
Vous avez évoqué lors de la première journée du Power-to-X Summit, le projet pilote sur l’ammoniac vert. Pouvez-vous nous en dire plus?
Lors de la première journée de cette rencontre, nous avons annoncé l’état d’avancement du projet pilote de production d’ammoniac vert, situé à Jorf Lasfar. Ce projet prévoit une capacité de production de 4 tonnes par jour, grâce à une installation d’électrolyse de 4 mégawatts. Il devrait être opérationnel d’ici la fin de l’année prochaine. Par ailleurs, nous travaillons également sur d’autres projets pilotes autour des applications de l’hydrogène, notamment la production de méthanol vert ainsi que de carburants synthétiques destinés à l’aviation et au transport maritime.
Pour vous quelles sont les priorités de recherche à développer pour que le Maroc devienne un acteur crédible dans la chaîne de valeur mondiale ?
Je pense qu’il y a plusieurs maillons de la chaîne de valeur de l’hydrogène qui méritent une réflexion poussée. Tout d’abord, la partie électrolyse : les électrolyseurs constituent une brique technologique clé, mais qui nécessite encore des efforts importants en matière de recherche et de développement. Ensuite, il y a un enjeu très intéressant autour de la capture du carbone. On parle de moins en moins simplement de «décarbonation», et davantage de «défossilisation». Le carbone n’est plus seulement un déchet à éliminer, mais devient peu à peu une matière première circulaire, pouvant être recyclée et réutilisée dans diverses industries. Le troisième point crucial concerne le stockage de l’hydrogène tandis que le quatrième aspect fondamental est l’intégration et l’optimisation de l’ensemble de ces briques technologiques. Il s’agit de comprendre comment elles interagissent entre elles et comment les articuler efficacement pour aboutir, à terme, à un hydrogène vert compétitif en termes de coût.
Selon vous à quoi ressemblera le paysage de l’hydrogène vert dans 10 ou 15 ans et quel rôle jouera la recherche dans cette transformation?
À l’horizon de dix ans, je pense que nous verrons émerger nos premiers projets au Maroc, avec des capacités d’électrolyse intermédiaires comprises entre 100 et 150 mégawatts. Cela correspondra à une capacité en énergies renouvelables de l’ordre de 200 mégawatts à 1 gigawatt, dans le cadre des projets liés à l’offre marocaine. Quant au projet d’OCP, je pense qu’il sera déjà opérationnel d’ici là, avec une capacité de 2 gigawatts en électrolyse et 4 gigawatts en renouvelables. Globalement, on pourrait atteindre une capacité installée significative de l’ordre de 3 à 5 gigawatts d’électrolyse dans les dix prochaines années. Du côté de la recherche, le travail a déjà commencé. Il est essentiel que la recherche ne soit pas en attente du développement industriel ; elle doit avancer en parallèle, en s’alignant sur les besoins industriels, mais aussi en préparant le terrain : les sujets, les chercheurs et plus largement le capital humain. La recherche doit jouer un rôle fondamental et consistant tout au long de ce processus. Il est également nécessaire de briser les silos entre le monde de la recherche et celui de l’industrie. Le dialogue entre ces deux sphères est crucial et c’est d’ailleurs l’un des objectifs majeurs de ce sommet.













