A l’heure où le gouvernement Indien s’est engagé à renforcer les flux commerciaux et d’investissement avec l’Afrique, Dakar vient d’accueillir le 9è conclave régional des affaires Afrique-Inde, consacré à l’accroissement des investissements et des échanges commerciaux entre l’Inde et l’Afrique de l’Ouest.
Si le secteur public réalise la majeure partie des échanges commerciaux et des investissements entre les deux pays, cette manifestation entend stimuler un niveau plus élevé d’investissements privés. «Cette rencontre doit permettre aux acteurs privés indiens et africains de travailler ensemble sur les moyens de sortir les pays africains de leur sous-développement», a déclaré Anand Sharma, ministre indien délégué aux Affaires étrangères, à la cérémonie d’ouverture de la conférence le 3 juillet dernier.
Au cours du conclave, la question de la sécurité alimentaire a dominé les débats. Au terme de la rencontre entre le président Abdoulaye Wade et le Premier ministre indien qui a eu lieu en mars 2008, l’Inde avait promis de fournir au Sénégal 600 000 tonnes de riz par an, et durant au moins cinq années. Si les livraisons ne se sont toujours pas concrétisées, M. Sharma a indiqué que la première cargaison, estimée à 200 000 tonnes de riz, était en cours de route. Cette confirmation a été saluée comme une véritable victoire de la nouvelle stratégie de la «diplomatie économique » sénégalaise.
D’après les statistiques fournies par l’agence nationale, le Sénégal a importé l’équivalent de 41 milliards de francs CFA de riz en 2007 en provenance de l’Inde, contre 87 milliards de francs CFA en provenance de Thaïlande.
La coopération entre l’Inde et le Sénégal repose essentiellement sur le secteur public. Ainsi, 300 bus Tata ont été vendus en 2006 par le biais de lettres de crédit garanties par le gouvernement indien. Le contrat, signé en 2003 pour 19 millions de dollars, consiste en la provision de bus et de pièces détachées pour la société de transport urbain Dakar Dem Dikk. Par la suite, la joint-venture Senbus a été créée pour la fabrication de bus Tata par une société sénégalaise sous franchise. Néanmoins, en 2007, la Compagnie indienne des agriculteurs et des engrais (IFFCO) a décidé d’augmenter son capital dans les Industries chimiques du Sénégal (ICS), et depuis lors, l’investissement privé s’est démocratisé. Le conclave se situe dans le prolongement du sommet des Chefs d’Etat d’Afrique et de l’Inde qui s’est tenu en mars dernier à New Delhi. Le meilleur exemple de la coopération Sud-Sud (entre les économies émergentes de l’hémisphère sud) au Sénégal reste l’Inde, en raison de sa collaboration grandissante sur les plans industriel, minier et agricole », a déclaré Wade à OBG. L’Inde est actuellement le pays avec qui le Sénégal commerce le plus, comptant pour 12,9% de l’ensemble de ses exportations, notamment l’exportation de phosphates. De son côté, l’Inde importe principalement de la roche phosphatée, de l’acide phosphorique et des noix de cajou, tandis que le Sénégal vend du coton fil, des déchets métalliques, des équipement pour le transport et des produits pharmaceutiques. Selon l’Agence nationale des statistiques (ANS), le déficit commercial s’élève à 27 milliards de dollars.
Depuis plusieurs mois, les matières premières opèrent un retour en grâce dans les portefeuilles d’investissements. Le géant de la sidérurgie Arcelor-Mittal a conclu un accord avec l’Etat du Sénégal en 2007 pour un montant de 2,2 milliards de dollars portant ainsi les investissements indiens au Sénégal à un niveau record. Le projet, qui vise à développer des activités d’extraction de minerai de fer dans l’est du pays, dans la région de Faleme, dont les réserves totales estimées s’élèvent à environ 750 millions de tonnes. Le complexe comprendra la construction d’un nouveau port à Bagny au sud de Dakar, le développement d’environ 750 km d’infrastructures ferroviaires pour relier la mine au port, ainsi que la réalisation de stations électriques. Le projet de Faleme, détenu à 90% par le sidérurgiste indien, devrait être opérationnel en 2011. L’opération sera développée en plusieurs étapes pour finalement atteindre une capacité annuelle de 25 millions de tonnes. Arcelor Mittal devrait également étudier la possibilité de développer la production en aval, et donc de participer à l’élaboration d’une industrie sidérurgique au Sénégal. Signe révélateur de la volonté de l’Etat indien de promouvoir l’investissement privé au Sénégal, la banque indienne Export Import Bank of India (Exim) a ouvert un bureau à Dakar en février 2008. Ce deuxième bureau sur le continent africain, après celui de l’Afrique du Sud, donnera certainement un coup de fouet aux investissements et aux flux commerciaux entre l’Inde te l’Afrique de l’Ouest dans la mesure où la banque publique joue un rôle capital dans l’accompagnement des entrepreneurs et investisseurs indiens, et en particulier auprès de ceux qui sont axés sur l’exportation. Par ailleurs, sur le plan automobile, le groupe Tata a indiqué en avril 2008 qu’il entendait développer ses activités en Afrique, avec notamment la réalisation d’une usine d’assemblage de camions bon marché. Tata opère déjà une usine d’assemblage de bus à Thiès depuis 2003, en joint-venture. Les synergies entre les deux économies s’étendent au secteur textile, avec la création d’une joint-venture entre Indian Thapar Group, qui détient 60% du capital, et la Compagnie textile nationale sénégalaise (NSTS), qui détient les 40% restant. Moyennant un financement de 2 millions de dollars, l’objectif est de moderniser les unités de tissage et de filature dans la ville de Kaolack et de créer une chaîne de production de prêt-à-porter destinée à l’exportation. Le marché des médicaments génériques suscite également l’intérêt des investisseurs indiens depuis quelque temps, comme en témoignent les compagnies indiennes pharmaceutiques Ranbaxy et Micro Exports, qui ont établi des succursales au Sénégal tandis que la société Serum Institue of India est devenue un important fournisseur de vaccins dans le pays ouest africain. Au regard de l’augmentation du volume des investissements et des échanges commerciaux qui découlera de l’union des secteurs privés des deux pays, le temps est au beau fixe pour ceux qui cherchent à mieux capitaliser les opportunités créées par la coopération Sud-Sud.
• Oxford Business Group
24 juillet 2008