L’eau s’invite dans la chaîne de valeur de l’hydrogène. Dans ce schéma, le dessalement offre une opportunité très intéressante surtout au Maroc où il y a a 3.500 km de côte.
Ressources : La dimension environnementale est une composante centrale dans le processus de développement de l’hydrogène vert. Ce dernier nécessite la mobilisation des ressources en eau à travers, dans le cas du Maroc, le dessalement de l’eau de mer. Toutefois, ce cheminement est accompagné d’un dispositif pour assurer sa durabilité et préserver l’environnement.
Résoudre la problématique de la rareté de l’eau s’impose comme une des grandes priorités pour le Maroc actuellement. Des projets d’envergure pour trouver des alternatives durables et réalisables sont en cours de développement. Parmi ces projets, ceux liés au dessalement de l’eau de mer qui se présente comme une solution innovante. Pour en débattre, un panel sous le thème «Water resources and the Green Hydrogen» a abordé cette question cruciale pendant la quatrième édition du World PtX Summit à Marrakech qui s’est tenue les 8 et 9 octobre 2024. Dans le cadre de ce panel, Selma Jariri, chef de la Division nouvelles technologies de l’eau, confie à ALM : «Ce panel fait l’interconnexion entre le dessalement de l’eau de mer, l’eau en général, les énergies renouvelables et la chaîne de valeur de l’hydrogène. Nous avons mis le lien entre le Maroc, qui souffre de la pénurie des ressources en eau et le dessalement qui est aujourd’hui une solution fiable et mature. Dans ce sens, le pays dispose d’une stratégie volontariste de dessalement à grande échelle à l’horizon 2030. Celle-ci prévoit que 50 % des besoins en eau potable soient desservis à partir du dessalement de l’eau de mer. Ce dessalement de l’eau de mer va être alimenté systématiquement par les énergies renouvelables (…) sachant qu’il consomme énormément d’énergie. Maintenant dans la chaîne de valeur de l’hydrogène, l’eau est un élément principal (…). Pour avoir de l’hydrogène il faut casser une molécule d’eau. Et donc, l’eau s’invite dans la chaîne de valeur de l’hydrogène. Dans ce schéma, le dessalement offre une opportunité très intéressante surtout au Maroc où on a 3.500 km de côte. On a un gisement d’énergie renouvelable important issu de l’éolien et du solaire. Par conséquent, les énergies renouvelables et le dessalement de l’eau de mer vont être mis à profit pour être un intrant de base qui alimente l’offre du Maroc dans la valeur de l’hydrogène».
Parer aux risques d’augmentation de la salinité de l’eau de mer
Lors de ce panel, la question des rejets de sel à moyen terme qui risqueraient d’augmenter la quantité de salinité de l’eau de mer s’est posée. Et donc, cette situation pourrait créer un autre problème environnemental. Dans ce sens, Nabil Jdaira, Engie Senior Business Developper AMEA Region, explique : «C’est une question primordiale dans le développement des projets de dessalement (…) on suit des guidelines qui sont draconiennes d’un point de vue environnementale, notamment pour pouvoir financer ces projets. Au Maroc, là où on est plus chanceux au niveau de la façade atlantique c’est qu’on a des fonds marins qui sont très profonds et très proches du bord. Ce qui est déjà un avantage. La deuxième chose c’est que dans les études environnementales on va regarder la diffusion en terme de saumure et regarder quel impact cela pourrait avoir par rapport aux volumes environnants, on va aussi regarder s’il y a une vie marine aux alentours et bien sûr on va respecter un certain nombre de paramètres pour ne pas dépasser certaines limites aux alentours des diffuseurs. Ces diffuseurs (…) on va les mettre plus au moins loin du bord du rivage. C’est une question très importante. On réduit les risques à travers ces études environnementales et par des dispositifs techniques.
Il y a également des études R&D en cours pour valoriser cette saumure pour qu’un certain nombre d’industriels l’utilisent dans leur process. C’est quelque chose qui est en cours et qu’on essaye de rendre économiquement viable et attractif pour réduire à zéro l’impact environnemental mais je dirais que déjà les dispositifs qu’il y a en termes d’études et en termes de solutions techniques (…) permettent vraiment de limiter ces risques qui sont totalement intégrés dans le développement et le dimensionnement de ces projets ».
Des projets ambitieux
Le Maroc planche actuellement sur de nombreux projets d’approvisionnement en eau. Représentant le ministère de l’équipement et de l’eau, Mohamed Chtioui, directeur de l’Agence du bassin hydraulique de Tensift, explique : «Face à la demande croissante en eau (…) il est devenu essentiel de gérer efficacement les ressources en eau dont on dispose et pour accompagner le développement du pays et répondre aux aspirations futures, le dessalement de l’eau de mer s’impose comme une solution innovante. Cette approche vise à garantir l’approvisionnement en eau potable et en eau d’irrigation dans diverses régions du Maroc en diversifiant les ressources d’approvisionnement. Cela permet aussi de renforcer la résilience du système hydraulique (…) face aux effets des changements climatiques. Un programme de dessalement a été élaboré par le ministère de l’équipement et de l’eau en collaboration avec les partenaires concernés».
Il note à ce propos que ce programme propose une planification rigoureuse visant à sécuriser l’approvisionnement en eau potable en premier lieu puis l’eau d’irrigation tout en préservant les ressources en eau souterraines.
M. Chtioui souligne également : «Ce programme comprend 13 projets de dessalement répartis dans plusieurs zones, notamment les villes de Rabat, Tanger, Essaouira, Tan-Tan, Guelmim, Boujdour ainsi que les régions de Souss-Massa et l’Oriental. Ces projets devront porter la capacité de production de l’eau dessalée à plus de 1,7 milliard de mètres cubes par an d’ici 2030.
Cet objectif ambitieux inclut les efforts d’OCP dans le domaine de dessalement, notamment avec un plan d’urgence pour la production d’eau potable par dessalement de l’eau de mer destiné aux zones de Safi et El Jadida.
Ce plan prévoit une capacité de 110 millions de mètres cubes par an dont 75 millions de mètres cubes seront destinés à l’alimentation en eau des deux villes Safi et El Jadida. En plus de ce programme ambitieux, le Maroc dispose actuellement de 15 stations de dessalement de l’eau de mer d’une capacité de production totale de 192 millions de mètres cubes par an dont 85,2 millions de mètres cubes destinés à l’alimentation en eau potable de plusieurs villes, notamment Laayoune, Agadir et Al Hoceima. Le pays dispose aussi de 6 projets de dessalement en cours de réalisation pour une capacité totale de production de près de 440 millions de mètres cubes par an. Parmi ces projets on citera la plus grande station de dessalement de l’eau de mer en Afrique située dans la région de Casablanca-Settat dont la capacité est de 300 millions de mètres cubes par an (250 millions de mètres cubes /an seront ontdestinés à l’eau potable et 50 millions de mètres/an cubes seront destinés à l’irrigation)».