Taxer les superprofits des compagnies pétrolières est une solution tentante pour les dirigeants politiques en période de crise économique mais qui risque de freiner le développement des projets d’exploration pétrolière, estiment des experts. A l’heure où les économies occidentales entrent en récession et que les caisses publiques se vident, les «majors» du pétrole font preuve d’une bonne santé insolente et dégagent des profits record : 11 milliards d’euros pour la française Total, 29,4 milliards pour l’américaine ExxonMobil. Il peut dès lors sembler judicieux de puiser l’argent là où il en reste. C’est notamment ce qu’a proposé le président américain nouvellement élu, Barack Obama, durant sa campagne, ou Ségolène Royal, l’ancienne candidate socialiste à la présidence française, la semaine dernière. Les experts du secteur sont plus circonspects. Taxer les compagnies pétrolières au moment même où le prix du pétrole chute ne serait pas très opportun, estime Jan Horst Keppler, professeur d’économie à Paris-Dauphine. «Aujourd’hui, les compagnies pétrolières doivent se préparer à des temps moins fastes. Leur crainte est de ne pas avoir les crédits suffisants pour financer leurs investissements», explique-t-il. Les cours du brut ont dégringolé de 60% depuis leur pic de juillet ce qui pourrait à terme menacer la rentabilité de certains projets d’exploration pétrolière. Or, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a prévenu qu’un manque d’investissement pourrait faire peser un «risque réel» sur l’approvisionnement mondial en or noir d’ici à 2030. Pour satisfaire ses besoins, le monde devra en effet augmenter ses capacités de production de 64 millions de barils par jour dans les 20 prochaines années, soit l’équivalent de 6 fois les capacités actuelles de l’Arabie saoudite, estime l’AIE. «Les profits élevés sont nécessaires pour financer des coûts en hausse», souligne Jacques Percebois, directeur du Centre de recherche en économie et droit de l’energie. Le coût de production des nouveaux gisements est ainsi passé de 15 à 50 dollars le baril en quelques années du fait de la hausse du prix de l’acier et des coûts d’ingénierie, note-t-il.