Economie

Tourisme à Fès : Une crise structurelle

A première vue, Fès possède d’énormes avantages pour faire d’elle une destination touristique de choix. D’abord, sa vieille ville constitue une véritable ville-musée, un authentique bijou architecturale, synthèse originale des influences andalouses et orientales. Elle assouvit l’appétit des férus de l’Histoire et des amoureux de la pierre. Classée patrimoine universel de l’humanité, la vieille ville fait l’objet d’une attention particulière de l’UNESCO.
A 60 km à peine de Fès, se trouve la ville de Meknés. Une autre cité impériale d’envergure, toujours aussi imposante. Non loin se trouvent aussi les ruines de Volubilis qui fut jadis une capitale romaine .
Les villes de sefrou, d’Imouzer, et d’Ifrane de véritables cités pittoresques, forment un circuit original : circuit des lacs, forêts de cèdre.
Le sous-sol de la région regorge lui aussi de sources d’eaux fonctions curatives diverses.
Les sources chaudes de Moulay Yacoub situé à 22 km seulement de Fès et celles de Sidi Harazem offrent la possibilité de miser sur le tourisme thermal. Une station moderne fut inaugurée en 1994 à Moulay Yacoub.
Fès s’est offerte le luxe d’avoir son golf. Inauguré en 1994, le Royal Golf de Fès à une double vocation : vulgariser un sport porteur, devenu un phénomène de société, ailleurs et permettre à cette ville d’avoir un produit d’appel pour promouvoir le tourisme dans la région..
Deux tendances majeures se dessinent à l’issue de l’enquête que nous avons mené, auprès d’un échantillon représentatif des principaux acteurs touristiques de la ville.
La première fait valoir la situation très critique du transport : deux voles réguliers, un charter et des heures interminables d’attentes pour arriver à destination. La direction commerciale de la RAM « s’en lave» les mains. Il n’est pas de son ressort, rétorque-t-elle, d’aller chercher les clients. Les trois vols sont certes insuffisants mais avec plus de demandes, des appareils peuvent, le cas échéant, être mis à la dispositions des agences de voyages : Tours opérator La deuxième met évidence la carence de la capacité d’hébergement : cette capacité ne peut répondre à la demande si Fès devenait une destination touristique à part entière. En effet, selon les chiffres de la délégation régionale du tourisme de la ville il existe 32 unités d’hébergement classées avec une capacité de 5198 lits. Les unités non classées sont au nombre de 34 unités avec une capacité 1231 lits, auxquels il faut ajouter la capacité de 9 maisons d’hôtes.
Ses dissensions traversent l’institution du groupement régionale des intérêts touristiques le (GRIT). Ces structures ont été lancées en 1996 par les professionnels du tourisme dans le but d’accompagner les efforts de la promotion du tourisme. Le GRIT-Fès est largement dépassé par l’envergure des problèmes à gérer. Il se contente de mener des opérations sporadiques de promotion. Mais en marge de ces dissensions, la réalité sur le terrain donne la «migraine». Si les évènements du 11 septembre dernier ont compliqué davantage la situation, le taux d’occupation des unités hôtelières toute catégorie reste très faible. Ce taux varie entre 5 et 10% au meilleur des cas.
La capacité existante étant sous employée, il ne s’agit donc pas seulement d’une crise d’hébergement. Il ne s’agit pas non plus seulement d’un problème de transport. Ce sont tous les segments du secteur touristique qui sont en crise.
Raisonner en terme de crise de transport ou en crise d’hébergement c’est mal poser le problème. Afficher des chiffres relatifs aux nombre de nuits ou de touristes ayant visiter la ville n’aide pas à percevoir la dimension réelle de la crise. En revanche raisonner en terme de taux de retour des touristes et en masse monétaire laissée par chaque touriste, ceci donne la possibilité de voir plus clair.
En effet, un touriste visite et peut retourner visiter une destination donnée parce qu’il n’a pas perdu son temps dans les formalités et parce qu’il était satisfait de la qualité des services ; il dépense et il peut aller jusqu’à casser même sa « tirelire » , si l’infrastructure le permet.
La capitale culturelle et spirituelle du Maroc, ironie de l’Histoire, ne possède même pas de théâtre ou un de ces lieux de spectacles. Le son et lumière qui se produisait avant est en suspens pour le moment.
Si les touristes veulent assister à des manifestations à caractères touristiques, il faut attendre le mois de juin pour le Festival des musiques sacrées et le festival des cerises de Sefrou, le mois d’octobre pour le Festival du cheval à Tissa, et celui de septembre pour le moussem de Moulay Idriss.
Si nos touristes optent pour le golf, ils hésiteront car la dimension actuelle de cet espace, (9 trous), est en deçà des normes internationales, à savoir 18 trous. Cet handicap majeur a pénalisé cet endroit magique, puisque ce «produit d’appel» est resté un produit non fini.
Sous exploité, il a perdu par la même, la possibilité de devenir un haut lieu du sport et de la détente familiale à Fès. Inauguré depuis 1994, ce projet avait la possibilité d’assurer son autofinancement pour la réalisation de la deuxième tranche. La vente de lotissements prévue à cette tâche fut bloquée depuis.
Si nos touristes optent pour le touriste thermal, la station de Moulay Yacoub offre un cadre idéal pour se détendre et se ressourcer. Mais si des milliards ont été dépensés pour sa construction, aucun budget n’a été alloué pour en faire la promotion. Méconnue, enclavée, ce produit haut de gamme demeure lui aussi un «produit d’appel » non fini. De plus il n’y a aucun espace d’hébergement sur place digne de la qualité de ce produit. Située à proximité de Fès, il n’y a même pas de système de navette pour faciliter le transport et l’état de la route laisse à désirer. Ainsi, «l’a peu près» touche le transport, l’hébergement, l’animation et je passe les problèmes de sécurité, de mendicité, de délinquance, de faux guides, d’absence de police touristique et de contrôle de l’ensemble des activités de ce secteur. Je passe aussi la désagréable surprise, pour un touriste, d’être pris en chasse par des racoleurs de tout genre, en mobylette, dès l’entrée de la ville. Une ville, somme toute, « défigurée » par un manque cruel d’hygiène et de propreté. La promotion dépend du produit et davantage d’une alchimie. Ce véritable mélange d’une stratégie à long terme, de la présence d’un schéma directeur, de la professionnalisation et de la communication entre les acteurs touristiques. C’est cette alchimie, dont dépend la prospérité de ce secteur qui fait cruellement défaut dans la région. L’intérêt particulier accordé à ce secteur par S.M le Roi Mohammed VI, les manifestations, les nouvelles directives concernant l’investissement, l’audace de quelques investisseurs ont donné une impulsion à ce secteur. Ainsi plusieurs chantiers ont été annoncés : le lancement effectif des travaux de la deuxième tranche pour les 18 trous du Royal Golf de Fès, la rénovation des anciennes thermes de l’hôtel et des pensions Moulay Yacoub, de l’hôtel Sidi Harazem et des chambres du Jnan Palace.
Déjà trois unités hôtelières sont en construction ajoutant une capacité supplémentaire de 1303 lits. De plus il a été confirmé la mise à disposition de l’immense espace immobilier appelé « champ de course » aux investisseurs, mettant ainsi fin aux multiples rumeurs. Des projets y verront le jour. Projets qui, s’ils sont exploités à bon escient, feront de ce lieu un «motanafas» pour les habitants et le tourisme à Fès. La ville de Fès se doit aussi de développer le tourisme de montagne. Elle en a les moyens. Elle se doit aussi de développer le tourisme «d’affaire » à travers la mise en place d’espace et de service de qualité pour l’organisation de congrès et de manifestations interprofessionnelles.Bien évidemment, ces mesures seront sans effets sans l’impérative professionnalisation de ce secteur et surtout sans l’implication du citoyen dans les affaires de sa ville et dans celles qui touchent le secteur du tourisme.

• Jalal Noureddine
Correspondance privée

Articles similaires

CouvertureEconomieUne

Le Maroc se lance dans la production d’avions-cargos

Des géants américains de l’aéronautique annoncent un accord pour l’installation d’une zone...

EconomieUne

Pêche côtière et artisanale : Près de 3 milliards de dirhams des débarquements à fin mars

L’essentiel des débarquements est réalisé au niveau des ports de l’Atlantique.

Economie

Chariot finalise la transaction avec Energean

Chariot Limited et Energean plc Group annoncent la finalisation de leurs accords...

Economie

Marché interbancaire : 52,6 MMDH de devises échangés à fin mars

Le volume des échanges de devises contre dirhams au niveau du marché...

EDITO

Couverture

Nos supplément spéciaux

Articles les plus lus