Economie

Tourisme : des milliards pour rien

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Alors que l’année touristique n’est encore pas achevée, voici que les résultats du premier semestre 2003, qui viennent d’être rendus publics, donnent déjà lieu à des interprétations quelque peu sujettes à caution. Cette méthodologie peut certes servir de baume au coeur à des décideurs publics plutôt inconsolables avec le «16 mai» et ses effets, mais elle ne peut nullement servir de paravent pour masquer des réalités qui sont, elles, incontournables. De quoi s’agit-il ? Par exemple, le flux des arrivées des non-résidents (étrangers et MRE) montre, pour les six premiers mois de 2003, une augmentation de 4,6% par rapport à la période correspondante de 2002. Mais cette légère augmentation ne doit pas faire oublier que le premier semestre 2002 était lui-même morose et déprimé même du fait qu’il subissait de plein fouet les conséquences des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. C’est donc l’insertion des flux dans la tendance de plusieurs années qui précèdent qui peut réellement être significative dans ce domaine. D’un autre côté, n’est-ce pas réducteur que d’affirmer que la destination Maroc a résisté malgré la guerre en Irak et les événements tragiques du 16 mai à Casablanca sur la seule base des chiffres du premier semestre 2003. Là aussi, la prise en compte d’une durée plus longue s’impose à l’évidence pour appréhender de manière adéquate les conséquences de ces attentats sur le tourisme national. En tout cas, comment ne pas relever pour l’heure les annulations bien réelles de congrès et de séminaires, pourtant programmés pour le second semestre 2003 ? C’est-à-dire que le seul bilan du premier semestre n’est guère éclairant ni explicatif pour «projeter» des prévisions pour le semestre en cours. Dans ce même esprit, l’autosatisfaction doit être évitée à propos du recul de 2,1% des flux de touristes étrangers –chiffre présenté comme une bonne performance en soi en raison de la conjoncture internationale. Ce chiffre, pour être réellement explicatif devrait être comparé à deux autres paramètres : celui de 2002 lui-même « en rouge » par suite de la contraction du tourisme mondial après le 11 septembre, mais aussi celui des autres pays méditerranéens concurrents qui, eux, ont mieux résisté que nous. Par ailleurs, comment apprécier d’ores et déjà l’impact de la campagne de promotion pour le tourisme intérieur baptisée «Kounouz Bladi». Les bulletins de succès actuels qui font état d’une progression de 5% ne devraient-ils pas être relativisés alors que la saison d’été n’est pas achevée ? Ne serait-il plus judicieux d’attendre ainsi la fin du séjour des MRE et même la fin de l’année en cours pour en dresser un bilan complet ? Pour ce qui est maintenant de la forte chute du marché allemand (-29%), il y a là un gros problème qu’il convient d’appréhender dans toute sa globalité. Les mauvaises performances de ce marché depuis deux ans tiennent sans doute par la guerre en Irak, les attentats du 16 mai et la déprime continue de l’économie allemande. Mais ne s’agit-il que de cela alors que ces mêmes raisons ne jouent pas pour la Turquie par exemple ? C’est-à-dire qu’il y a lieu de s’interroger sur le problème toujours posé du positionnement du produit Agadir et de la destination Maroc, de moins en moins attractifs en Allemagne. On en a pour preuve, pour peu que l’on se donne la peine de chercher à le voir et à le savoir, le fait que les T.O. allemands vendent de moins en moins Agadir parce que leurs clients eux-mêmes montrent peu d’intérêt pour ce produit. Cette tendance-là n’est pas conjoncturelle, liée à tel ou tel facteur, bien au contraire, elle témoigne d’une baisse continue de l’attractivité de cette destination. Il y a bien le produit Taghazout qui doit commencer les effets de ce repli et de cette désaffection, mais le chantier de cette nouvelle station ne devait démarrer qu’en juillet 2003… Il nous faut enfin revenir sur le flux des MRE dans le tourisme national. Il est difficile de se prononcer globalement à ce sujet parce que dans nos statistiques actuelles, les RME ne sont pas considérés comme une catégorie particulière, ni dans les «touristes étrangers» ni encore moins dans les nuitées. Tout ce que l’on a aujourd’hui, c’est la part de 20% du tourisme interne laquelle est une catégorie statistique fourre-tout qui ne permet guère l’affinement de l’analyse statistique. En tout cas, l’augmentation des flux d’arrivées des MRE s’inscrit dans l’augmentation des retours d’été des Marocains pour des raisons particulières: le contexte général politico-médiatique dans lequel ils vivent en Europe, volonté d’un retour au pays durant cette période estivale même pour les cadres supérieurs,… Ce phénomène-là n’est pas la résultante du dynamisme de notre politique de promotion du produit touristique. Pratiquant, nous n’y sommes pour rien, pas plus que nous ne sommes vraiment pour quelque chose dans le faible recul (-2,1%) du tourisme international de séjour. S’il en était autrement, il serait intéressant que l’on nous donne les études d’impact de nos «campagnes» en direction des principaux marchés émetteurs. Tous ces éléments ne peuvent évacuer cette question centrale : où en est-on dans la réalisation des engagements du contrat-programme lié à la « vision 2010» définie par S.M le Roi lors des premières assises nationales du tourisme, à Marrakech, en janvier 2001 ? Près de trois ans après, quel est l’état d’avancement de ce programme ? Et réunit-on les conditions de nature à assurer sa bonne exécution. Les effets-annonce et leur sous-traitance médiatique, ici et là, ne peuvent sérieusement convaincre l’opinion publique et les professions. Seule une mise à plat de la situation actuelle peut être un gage de volontarisme et de succès.

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