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Tourisme : le mirage Tanger

© D.R

Des immeubles cachant la vue de la mer aux rares passants, des terrains vagues rendant la promenade le long du littoral risquée, une propreté qui laisse un peu à désirer…
Entre l’hôtel Ramada et le Shéhérazade, le terrain vague appartenant à la BNDE est devenu, d’après les dires des uns et des autres, le rendez-vous des malfrats et des dealers. Consciente du problème, la municipalité promet des actions énergiques pour l’été. «Nous allons nettoyer la ville, il n’y aura plus d’odeurs», répond le maire, Dahmane Derhem. Souvent pointé du doigt par les opérateurs touristiques qui lui reprochent de ne rien faire pour le secteur, l’homme politique déclare avoir participé à une étude sur la ville et aux opérations de nettoyage.
Des opérations utiles mais qui n’ôtent pas ce sentiment d’abandon au visiteur qui chemine sur le long de cette plage, jadis l’une des plus cotées du pays. La baie de Tanger est loin de son faste des années 70. Le déménagement récent de la gare ferroviaire du centre vers l’entrée de la ville, avait fait croire qu’un désengorgement en résulterait. Espoir de courte durée !  L’immeuble de l’ancienne gare est toujours là, inoccupée s’ajoutant à  ces tristes bâtisses  qui peuplent la façade Atlantique de Tanger. Quant au port Atlantique, sa mutation future en port de plaisance ressemble pour le moment à un effet d’annonce. Rien n’a encore changé.
Les voyageurs sont toujours en proie des démarcheurs qui crient à tue-tête, des billets à la main. Un harcèlement en règle. L’avenue des Forces armées royales qui borde le littoral paye les pots cassés de tout ce laisser-aller. L’artère la plus fréquentée de la ville est coincée entre une plage à l’état d’abandon et des hôtels en crise, à l’image du Rif. De cet établissement mythique du Tanger des années  de faste, ne subsiste plus que l’ombre d’un vieil édifice, en ruine et les bruits de querelles et de procès entre les deux propriétaires. Fenêtres sans vitres, portes entrouvertes, façade toujours imposante, mais terne, crasseuse.
Le bâtiment n’est pas sans rappeler l’hôtel Lincoln sur le boulevard Mohammed V à Casablanca. L’abandon de cet établissement en plein centre de Tanger pose un problème d’insécurité et de salubrité publique.  L’état du littoral renseigne de la santé du tourisme à Tanger. Rares jusque-là sont les établissements à avoir opté pour la rénovation. La cause est à rechercher dans les difficultés de constituer un dossier Rénovotel, expliquent les hôteliers. Elle est aussi ailleurs. L’hôtel Tarik est arrivé pourtant au bout de ce parcours, décrochant 5 millions de dirhams de ce fonds mis en place au service du Tourisme. Mais jusqu’à aujourd’hui, point de rénovation. D’autres comme l’Oumnia ont finalisé leur programme de rénovation. Preuve que la démarche est nécessaire, cet établissement, un quatre étoiles, fait partie désormais des hôtels les plus fréquentés de la ville.
Au-delà de l’image peu reluisante de la plage, une dynamique est en train de voir le jour.
Le wali de la région, Mohamed Hallab, tente depuis son arrivée de faire bouger les choses et de fédérer les énergies. Côté sécurité, le nouveau préfet, Younès Jamali, en poste depuis six mois, a déclaré la guerre contre l’insécurité. La partie est  gagnée de l’avis des opérateurs touristiques qui notent moins d’harcèlements et moins d’insécurité.
De son côté, le Conseil régional du tourisme, sans domicile fixe pendant une année et demie, souvent hébergée par son président, Mohamed Hitmi, vient d’élire domicile au siège de l’Association régionale des agences de voyages du Nord. De manière provisoire, en attendant que le wali trouve une solution définitive. Les difficultés budgétaires du CRT ne l’empêchent pas de jouer son rôle de promotion. Une carte de la ville est en préparation, ainsi qu’un CD-Room en arabe, en français, en anglais et en espagnol pour le marché du Moyen-Orient et les marchés européens. De même, un guide touristique de toute la région ainsi qu’un manuel verront le jour dans les semaines à venir. La précieuse subvention de l’Agence du Nord a été mise à contribution pour l’élaboration d’un site Web. De quoi donner de la visibilité, en attendant les conclusions de l’étude du PDR, menée par un cabinet espagnol.
Les retards mis dans la présentation de ce rapport font naturellement jaser des professionnels hôteliers en mal d’occupation. Les opérateurs s’apprêtent d’ailleurs à accueillir, du 24 au 27 mai, une centaine d’agents de voyages français spécialisés dans les voyages et les loisirs. Une opération où chacun a mis du sien, notamment la Royal Air Maroc (110 sièges offerts) et la région (2 nuitées).  Les efforts de la compagnie nationale pour vendre la destination sont appréciés à leur juste mesure. La prochaine ouverture de la ligne Barcelone-Tanger sera d’ailleurs accompagnée d’un workshop des professionnels locaux en terre catalane. Les remarques concernant l’aérien tiennent surtout aux temps d’attente plus ou moins long dans le hub Casablancais. «Il y a une heure entre Tanger et Lisbonne. Quand un voyageur quitte la capitale portugaise, il doit aller jusqu’à casablanca et attendre plusieurs heures pour rallier Tanger ». Même problème pour les voyageurs venant d’Istanbul. «En fait, résume un membre de l’Association de l’industrie hôtelière, nous attendons de la RAM et d’Atlas Blue plus de lignes de point à point ».  Les  professionnels s’estiment être les orphelins de la politique de l’ONMT. La preuve, comme le rappelle l’un d’eux, le directeur général de l’Office,  Abbès Azzouzi, n’est pas venu à Tanger depuis sa nomination.
Problème existentiel peut-être, le Conseil régional du Tourisme attend toujours un vrai budget, à la mesure de ses besoins, plus importants que ceux de Marrakech, Agadir et Fès. «Ces villes sont programmées suffisamment par les TO et les compagnies aériennes. Ce n’est pas le cas de Tanger », lance un membre actif du CRT.
Pourtant, au-delà de ces carences en promotion, la ville tente de se débarrasser de son image de destination de transit pour se transformer en ville de séjour. Pour le moment, cet objectif est un vœu pieux, le touriste ne reste guère plus de deux nuitées à Tanger, à cause, entre autres, du manque de loisirs, d’animation et surtout du manque d’une véritable politique directrice. «Nous devons savoir ce que nous voulons et où nous voulons aller », estime le président de l’Association de l’industrie hôtelière, Mohamed Boucetta. Face à ce que l’on peut appeler l’absence de définition d’un produit, les petits tour-opérateurs espagnols s’y donnent à cœur joie. Du Sud de l’Espagne, viennent des randonneurs, des promeneurs. Du tourisme sans conséquence autre que gonfler les statistiques aux frontières ?
 Des groupes de 300 à 400 personnes en moyenne, encadrés par leurs guides, viennent tous les jours à partir de huit heures du matin et repartent dès la tombée de la nuit, sans évidemment consommer une nuitée. A qui profite ce tourisme, serait-on tenté de se demander. La délégation locale du tourisme est-elle consciente du phénomène ? 
En tout cas, ce n’est pas avec de telles arrivées que l’hôtellerie locale trouvera les moyens de vivre. Ces visiteurs espagnols arrivent à Tanger, déjà fatigués par une nuit de veille (ils sont debout dès quatre heures du matin), par une route et une traversée qui n’est pas de tout repos. Leur premier centre d’intérêt est le souk de la ville, lequel sombre malheureusement dans un état indescriptible. Ces touristes ciblent souvent les restaurants moyens, voire très moyens. L’image de Tanger qu’ils garderont dans leur souvenir sera forcément à la mesure de ce qu’ils ont vu au souk et à travers les gargotes.

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