L’opération d’introduction en Bourse de Maroc Telecom, prévue en 2004, suscite un grand débat dans le milieu «huppé» des banquiers d’affaires de la place. La course au conseil de la première opération du genre jamais initiée au Maroc est déjà enclenchée. Le vendredi 23 avril, huit consortiums ont déposé leurs dossiers administratifs ainsi que leurs offres financières et techniques afin de décrocher le deal juteux du conseil et placement de 10 à 20% du capital de Maroc Telecom. Les consortiums soumissionnaires étaient formés de la SGMB -Société Générale France, Financia-City Bank, BCM-Attijari -Merry Lynch, CDG-UBS, CDMC-Deutch Bank, BCP-JP Morgan, CFG-Morgan Stanley et enfin MSIN-Lazards-CDC France.
Cette liste fait ressortir des alliances prestigieuses, initiés pour la première fois au niveau local. Toutefois, comme annoncé par Aujourd’hui Le Maroc (cf. ALM n°612) la BMCE capital et Upline sont absentes pour des raisons de conflit d’intérêt. Cependant, la Direction des entreprises publiques et des participations (DEPP) a surpris par la transparence et la célérité de traitement de ce dossier. Le traitement s’est fait le jour même, dans la plus grande transparence.
Par contre, à la surprise totale, d’entrée, la commission d’ouverture des plis a examiné les dossiers administratifs des candidats précités et a en éliminé quatre :
Financia-City Bank, CDG- UBS, CDMC-Deutch Bank et MSIN-Lazards-CDC France.
L’élimination de ces candidats a été prononcée suite à la constatation de plusieurs pièces justificatives relatives aux références techniques des candidats manquantes. Amateurisme des candidats ou fermeté de l’administration ? Une chose est sûre : ces erreurs monumentales leur ont coûté très cher .
Ladite commission a, ensuite, procédé à la notation financière des dossiers des quatre autres candidats retenus et arrêté les notes conformément au cahier des charges (cf. tableau).
À l’heure actuelle, les responsables du dossier au niveau de la (DEPP) examinent les offres techniques. Une notation, sur 100 points, est prévue également selon la méthodologie du conseiller, son planning et ses références techniques.
Sachant que la note globale a une pondération de 60% de la notation financière et 40% de la note technique, de simples simulations montrent que le premier rang se jouera entre le consortium de la BCM et celui de CFG, et ce, quelles que soient les notes techniques de la BCP et SGMB.
Par ailleurs, il est important de signaler que le consortium qui décrochera ce jackpot encaissera entre 60 MDH et 130 MDH, en fonction de la valorisation retenue de Maroc Telecom mais aussi en fonction du pourcentage du capital à libérer en Bourse (entre 10 et 20%). À titre d’illustration, pour générer ce chiffre d’affaires, une banque commerciale classique devrait débloquer un volume de crédit de 2 milliards de DH. Les banques sont conscientes de cet enjeu, d’où l’affluence vers ces deals générateurs de forte valeur ajoutée. Le gain n’est pas que financier puisque la banque d’affaire retenue gagnera une prestigieuse référence de plus.
Depuis la cession de 80% de la Régie des Tabacs à Altadis en 2003 (transaction qui a porté sur plus de 14 milliards de DH dont 11 milliards payés en devises et 3 milliards par recours au crédit bancaire local), le feuilleton interminable des privatisations au Maroc avait marqué une courte pause avant de reprendre cette fois-ci avec l’épisode tant attendu titré «Maroc Telecom».
À un moment ou les banques marocaines s’attendaient à de gros déblocages de crédits dans le cadre de la cession de 16% du capital de MT à Vivendi à l’instar du schéma de financement de la cession de la Régie des Tabacs, la DEPP a surpris la scène financière en lançant un appel d’offres pour le choix du consortium (banque marocaine + banque d’affaires internationale) pour piloter l’opération de conseil, d’évaluation et de placement de 10 à 20% du capital de MT en Bourse. Vivendi, l’actionnaire de référence de Maroc Telecom aura assurément son mot à dire. Son souci est double : à la fois minimiser le prix de la future transaction sur les 16 % tout en veillant à ce que sa future filiale soit cotée en Bourse à sa juste valeur.
Il ne faut pas perdre de vue que quel que soit le timing de la cession des 16% à Vivendi, avant ou après l’OPV, le prix de cession de la première transaction conditionnera la seconde et vice-versa. Par ailleurs, le candidat retenu aura à bâtir son évaluation sur un plan d’affaire (business plan) élaboré par les équipes de Vivendi, ce qui semble paradoxal.