Une mauvaise prise

La pêche risque d’être encore l’un des dossiers chauds de la rentrée. Le ministère de tutelle a l’intention de faire aboutir la refonte de la circulaire n° 12. 361 du 9 décembre 1999 fixant les conditions d’octroi et de prorogation des autorisations de reconversion, de refonte et de remplacement des navires de pêche. Mais la nouvelle circulaire, dont la première mouture a été soumise à l’appréciation des professionnels, est encore loin de faire l’unanimité.
Peu claire sur les conditions générales de recevabilité des demandes dans le cas des remplacements de navires, hésitante sur le cas des embarcations de la pêche artisanale, mais assez sévère sur les critères d’octroi des autorisations de reconversion et de remplacement des navires de pêche avec l’application du ratio 1/3 pour les chalutiers de moins de 300 chevaux, le texte a été logiquement alourdi de rectificatifs et de suggestions par les Chambres maritimes et les associations qui y ont eu un droit de regard.
L’un des dispositifs a au moins le don d’irriter les professionnels. Il s’agit de la procédure à suivre pour le remplacement, la refonte ou la reconversion des unités de pêche côtière ou artisanale. Pourquoi exiger une attestation d’activité délivrée par le délégué des pêches maritimes, alors qu’une copie de la dernière licence est suffisante?
Si, sur le fond, tous sont convaincus de la nécessité de la réforme, devenue indispensable vu la rareté de la ressource, en revanche la nouvelle circulaire pèche par beaucoup de points. Les remarques des armateurs et industriels affiliés à la Chambre des Pêches maritimes de l’Atlantique-Centre à Agadir recoupent dans l’essentiel les craintes et les attentes du secteur.
La nouvelle réforme exclut toute augmentation des jauges. En d’autres termes, un navire qui procéderait à des travaux de mise en conformité et qui viendrait par ces aménagements à restreindre son espace utile ne pourrait pas compenser l’espace consommé. Sans possibilité d’augmentation de jauges, il sera très difficile aux propriétaires de navires d’affecter des espaces supplémentaires pour améliorer les conditions d’habitabilité et d’hygiène, gros problème de la flotte marocaine. Les autres points d’achoppement de la réforme concernent les définitions de la pêche hauturière, artisanale et côtière. Les professionnels suggèrent de faire la classification de la flotte suivant le critère de la longueur. «Cela permettra de se conformer à l’instar de ce qui se passe ailleurs, dans les autres pays».
De plus, note un propriétaire d’une usine de transformation de poissons basé à Tan Tan, la réfrigération doit être permise à tous les navires pratiquant la pêche au chalut ; il y va de la préservation non seulement de la capture mais aussi de la conformité aux nouvelles règles de traçabilité que l’UE compte mettre en application dès le 1er janvier 2005. Soit dit en passant, l’ONP tente actuellement tant bien que mal à imposer aux pêcheurs l’utilisation d’un caisson standard, lequel mettra fin au stockage des captures en vrac encore largement pratiqué dans le Sud.
En ce qui concerne la situation exponentielle du volume de la flotte artisanale, les professionnels n’y vont pas de main morte. Le règlement appliqué tient en compte du fait qu’il s’agit d’une activité de soutien et d’une économie vivrière. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, puisque plusieurs unités représentant des jauges brutes importantes sont aux mains d’un seul armateur. Cette concentration sur une zone assez rapprochée de la côte, représente un grand danger pour la ressource.
S’agissant de la flotte hauturière, laquelle vit une situation de crise endémique, par contre, les professionnels sont divisés. Les armateurs possédant de grandes unités restent hostiles à une politique de renouvellement de la flotte (suggérée par certains acteurs) visant à encourager davantage les navires de moins de 30 mètres de longueurs et dotés d’une puissance de 1 000 CV. Belle bataille en perspective. Au ministère des Pêches maritimes, l’on se dit néanmoins être très à l’écoute des remarques des uns et des autres. A suivre.