Economie

Vins : L’unique AOC marocaine arrive en France

© D.R

Pour la première fois de son histoire, le Royaume du Maroc vient de reconnaître la naissance de la première appellation d’un château viticole sur son territoire. Par une décision du ministère de l’Agriculture du 4 janvier dernier, le château Roslane, propriété des Celliers de Meknès, peut désormais afficher sur ses bouteilles «AOC les Coteaux de l’Atlas premier cru», unique appellation d’origine contrôlée du Maroc.
La situation du vignoble est idéale. Au pied du Moyen Atlas, dans le nord du pays, à quelques encablures de la ville impériale de Meknès, l’appellation d’origine contrôlée les «Coteaux de l’Atlas premier cru» est délimitée par des oueds. Pourtant, depuis 1998, année de sa reconnaissance, son propriétaire, Les Celliers de Meknès, n’en a pas produit chaque année. «Les conditions climatologiques ou techniques n’étaient pas encore à la hauteur de nos ambitions pour ce cru unique du Maroc, explique un responsable de l’entreprise. Nous avons, depuis, créé un château, le château-roslane, aux installations flambant neuves, tout juste inaugurées avec le millésime 2004.» L’outil de travail est enfin digne des Coteaux de l’Atlas. Haute ambition donc alors que “Les Coteaux de l’Atlas premier cru 2002 arrive ces jours-ci en France (30 euros chez les cavistes) et mérite déjà la dégustation.
Avec ce millésime, une nouvelle gamme de vins marocains apparaît, prête à défier qualitativement les plus grands crus de la scène internationale. Les oenologues du monde entier l’ont récompensé pendant leur concours international des Vinalies: «La robe de ce tout jeune vin d’un rouge rubis aux reflets violine s’accorde parfaitement au nez d’une belle finesse et d’une rare élégance, marquée par la torréfaction et le toasté. La bouche est plutôt positionnée sur le fruit rouge mûr et les épices. La présence délicate des tanins persiste jusqu’en finale. Un grand vin en devenir qu’il faudra attendre trois ans et plus», continuent-ils de dire depuis 2003. Même si les cépages choisis ne sont pas autochtones, puisqu’il s’agit d’un assemblage de Cabernet-Sauvignon, Syrah, Merlot et Cabernet-franc, le parti pris reste particulier. En le dégustant, on reconnaît l’origine du vin. «Nos vins sont avant tout des vins du Maroc. On ne désire pas faire de vins qui ressemblent aux autres», affirme Oussama Aissaoui, l’oenologue de la maison, formé à Montpellier. L’écueil de la standardisation semble donc évité. Il laisse envisager le style des futurs vins produits au château Roslane, sacré haut lieu de la viticulture du pays. Car, ici, on trouve la seule salle d’agrément pour l’ensemble des vins du pays, le premier site de compostage d’Afrique, les dernières technologies de vinification adaptées sur mesure. L’ensemble est proportionnel à l’ambition affichée par Brahim Zniber, propriétaire des Celliers de Meknès. «On n’a maintenant plus le droit à l’erreur», constate Oussama Aissaoui, mi-amusé, mi-stressé par son affirmation.
«Le vin n’a jamais livré tous ses secrets», ajoute Mehdi Bouchaara, le directeur adjoint de la maison, l’esprit libre tout a priori, et sans cesse en éveil. Son équipe procède ainsi à divers essais, dans la vigne ou en cave. Elle travaille, par exemple, sur des cépages autochtones oubliés, ou d’autres étrangers, tels le tannat, le malbec, le petit verdot et même le gewurstraminer, afin de voir comment ils réagissent par rapport au terroir. Des micro-cuves en inox ont été aménagées afin de les vinifier séparément. L’avancée qualitative a également été permise par la récente maîtrise du froid, pendant les vendanges chaudes du mois d’août. Avant d’être conduite jusqu’aux cuves thermorégulées, la vendange est rafraîchie pendant trois jours dans d’immenses réfrigérateurs. Ensuite, tout est là pour bien travailler: trois tables de tri vibrantes et des pressoirs pneumatiques. De quoi rompre avec le passé et faire taire les sceptiques. A l’origine de toute cette aventure, un vigneron, comme se définit ce patriarche de quatre-vingts ans passés, Ibrahim Zniber. Accessoirement ancien conseiller de feu Hassan II, il est aujourd’hui le premier employeur du pays, grâce à la holding qu’il dirige, comprenant diverses activités comme celle du maraîchage. Mais la vigne reste sa passion des débuts. Il se souvient du temps du protectorat, où il livrait ses vins à la France afin d’enrichir la production de l’Hérault. «Nos vins n’existaient alors que comme vins médecins», précise-t-il.
Il fallait sa détermination, son énergie et surtout beaucoup de moyens financiers pour parvenir à une reconnaissance internationale des vins fins marocains. Reda Zniber, son fils à la trentaine flamboyante, n’hésite pas à déboucher les premiers millésimes de la maison, conservés dans «le couloir de la mémoire», qui mène aux nouvelles caves, disposées à accueillir trois mille fûts de chêne (français) et trois millions de bouteilles, afin de démontrer la progression de leurs efforts.
La preuve est indiscutable. Depuis le jardin arabo-andalou du château Roslane, au milieu duquel un bassin bleu partage un massif de rosiers blancs, le regard de Reda se pose loin: «C’est ma vue préférée», avoue-t-il. Des palmiers au premier plan. Puis, une mer de vigne s’étend à plus de sept cents mètres d’altitude, au pied des collines du Moyen Atlas. Les Celliers de Meknès possèdent ainsi un vignoble de près de 1 400 hectares, en Appellation d’origine garantie (AOG) Guerrouane (dont le 2002 de leur domaine de Walima, souple et friand, est d’un rapport qualité-prix époustouflant; 4 euros environ) et Béni M’Tir, sans compter l’AOC “Les Coteaux de l’Atlas”. Au mois de janvier, le vent souffle, la neige tombe.
Plusieurs centaines de personnes, emmitouflées, taillent la vigne et arrachent les sarments, destinés à être broyés sur la plate-forme de compostage.
Un vignoble bien vivant. Convoité, comme les immenses puits disséminés qui l’abreuvent, il est gardé la nuit par des hommes à cheval. Conjugaison de finesse, de raffinement et d’exotisme, les vins du Maroc pourront ainsi justifier leur positionnement sur une scène mondiale déjà bien encombrée.

• Source: Le Figaro

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